Alors que la semaine internationale de la Francophonie prend fin dimanche 23 mars, les jeunes générations de Madagascar parlent de moins en moins le malgache « pur » des générations précédentes. Les jeunes sont tiraillés entre attachement à leur langue maternelle et injonction à la maîtrise du français, deuxième langue officielle et première langue de l'enseignement dès le primaire. Exemple à Ankatso, grande université publique de la capitale magache Antananarivo.
Sur l'esplanade du campus, un groupe d'étudiants entame une partie de fanorona, jeu de stratégie typique du pays, similaire aux échecs. Au milieu de la conversation, entamée naturellement en malgache, quelques mots de français. Ce langage contemporain, né et diffusé en ville, n'est ni accessible à tous, ni du goût des aînés.
« Cela peut créer des conflits, explique Nambinina, étudiant de 24 ans. Par exemple, quand je place des mots en français, il arrive que ma mère se mette en colère, car elle ne comprend pas ce que je dis. Et en plus, elle me dit que je suis vantard », rit-il.
« C'est mal vu de parler que malgache, on nous prend pour des idiots ! », dit Fi, 19 ans, pour qui la maîtrise du français est un marqueur social important, source de pression pour sa génération : « Les jeunes malgaches qui parlent en français se prennent pour des leaders. Et quand on ne parle qu'en malgache, ils se pensent supérieurs et se disent que nous ne sortons pas de notre communauté. »
Le français résonne pourtant peu en dehors des salles de classe et dans l'intimité des foyers. Cette place unique qui lui est réservée à l'école pose question au professeur Jeannot Fils Ranaivoson. Pour cet enseignant de la filière malgache à Ankatso, le système crée des déracinés linguistiques : « Je crois qu'il faut quand même donner la priorité à la langue que les gens maîtrisent et pour le moment, c'est le malgache. Ce n'est pas une question de fierté nationale, mais une question d'efficacité. Pour être efficace, dans les efforts de développement, d'enseignement, de communication, il faut qu'on se parle avec la langue que tout le monde comprend.»
Au-delà d'un impératif de fonctionnalité du langage, une élite intellectuelle et artistique tananarivienne milite pour redonner toute sa place au malgache qui reste, selon elle, un marqueur de souveraineté nationale, 65 ans après l'indépendance du pays.
Le dialogue entre les langues est une force
Face à l'inquiétude suscitée par cette tendance à Madagascar, Thani Mohamed Soilihi, ministre français délégué chargé de la Francophonie et des partenariats internationaux, considère que ce dialogue entre les langues est une force. Pour lui, le français doit continuer à avoir toute sa place aux côtés des langues nationales. « Le français coexiste, d'ores et déjà parfaitement, avec le malgache. Par exemple, dans les journaux télévisés à Madagascar, il y a souvent des traductions du malgache vers le français, du français vers le malgache et ça, c'est vraiment un enrichissement. Il ne faut surtout pas couper avec ça, au contraire, les deux langues se renforcent et s'enrichissent les unes les autres.
« Le français, au sein de l'espace francophone, n'est, en aucune manière, en concurrence avec les autres langues, et ici, en l'occurrence, le malgache. La francophonie promeut le multilinguisme. Cela fait partie des valeurs qui font la force de la francophonie. »