Afrique: Dette publique excessive, viabilité de la dette, pauvreté chronique, politiques monétaires inadaptées... - Le changement de paradigme de l'Afrique s'impose

Le développement de l'Afrique est entravé par une crise structurelle, caractérisée par une dette publique excessive, des politiques monétaires inadaptées et une pauvreté persistante. Face à ces défis majeurs, il devient impératif d'adopter un nouveau paradigme économique, basé sur une gouvernance financière rigoureuse, une mobilisation accrue des ressources internes et une autonomie dans la prise de décisions stratégiques, afin de promouvoir une croissance durable et inclusive, préconisent des économistes.

Bien que le continent dispose d'un potentiel considérable en ressources humaines, minières, énergétiques, halieutiques, pétrolières et gazières, les économies africaines demeurent vulnérables. Paradoxalement, en dépit de cette abondance de richesses naturelles, l'Afrique figure parmi les régions les plus pauvres du monde. Cette situation s'explique par une faible valorisation des ressources, une dépendance excessive aux financements extérieurs et des prêts contractés à des taux d'intérêt prohibitifs, limitant ainsi la marge de manoeuvre des États.

Cette problématique a été au coeur d'un débat organisé samedi dernier, à Dakar, dans le cadre des activités mensuelles de l'Africaine de Recherche et de Coopération pour l'Appui au Développement Endogène (ARCADE). Lors de cette rencontre, les économistes Chérif Salif Sy, Demba Moussa Dembélé et Cheikh Oumar Diagne ont plaidé en faveur d'un changement de paradigme, fondé sur un modèle de développement endogène et souverain.

L'endettement excessif : un fardeau structurel

Selon Chérif Salif Sy, fervent défenseur de l'approche endogène du développement, l'un des principaux obstacles au développement du continent réside dans son incapacité à impulser une transformation structurelle, capable de générer une croissance inclusive et durable. Il estime que, sans réformes stratégiques et profondes, les économies africaines resteront fragiles et dépendantes des créanciers internationaux.

L'endettement excessif de l'Afrique constitue, selon lui, un véritable fardeau structurel, qui s'explique par plusieurs facteurs au nombre desquels une dépendance accrue aux financements extérieurs, avec des emprunts massifs auprès des institutions financières internationales et de créanciers privés ; des déficits budgétaires chroniques, exacerbés par une faible mobilisation des ressources internes ; une gouvernance économique déficiente, marquée par des dépenses inefficientes et, dans certains cas, une mauvaise gestion des fonds publics.

Poursuivant son analyse, il affirme que bien que certains gouvernements africains aient fixé des seuils critiques d'endettement, leur respect demeure incertain. Pour éviter des crises financières récurrentes, il préconise une politique budgétaire rigoureuse et une discipline économique accrue, essentielles pour garantir une croissance stable et soutenue.

Les limites de l'indépendance monétaire

La politique monétaire joue un rôle central dans la stabilité économique d'un pays. À ce titre, l'indépendance monétaire est souvent perçue comme un symbole de souveraineté, permettant aux États de réguler leurs instruments financiers. Cependant, Chérif Salif Sy, membre du Forum du Tiers-Monde, met en garde contre l'illusion que disposer de sa propre monnaie garantit automatiquement la prospérité économique. Argumentant, il rappelle que de nombreux pays dotés de leur propre monnaie sont confrontés à une inflation incontrôlée et à une dévaluation persistante, résultant d'une émission monétaire excessive et d'un manque de discipline macroéconomique. Ainsi, une gestion inefficace de la masse monétaire entraîne une érosion du pouvoir d'achat et un appauvrissement généralisé des populations.

La nécessité de réformes structurelles

L'expérience des économies prospères démontre que la stabilité monétaire repose sur un équilibre entre discipline monétaire, investissements productifs et ouverture commerciale maîtrisée. Dès lors, le développement ne peut être fondé uniquement sur l'émission monétaire : il exige des réformes structurelles adaptées, garantes d'une croissance résiliente et soutenable. L'économiste Demba Moussa Dembélé souligne que l'évolution de la dette publique africaine met en évidence entre autres facteurs la dépendance croissante aux financements extérieurs ; une mauvaise gouvernance budgétaire ; un système économique mondial qui perpétue la domination des pays africains.

Malgré les annulations partielles de dettes obtenues par certains pays africains au début des années 2000 grâce à l'Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) et à l'Initiative d'Allégement de la Dette Multilatérale (IADM), la dette africaine n'a cessé de croître. Selon le président de l'ARCADE, plusieurs éléments expliquent cette situation au nombre desquels le recours systématique aux emprunts extérieurs, en raison d'une mobilisation insuffisante des ressources internes ; des conditions d'emprunt défavorables, avec des taux d'intérêt élevés et des clauses restrictives imposées par les créanciers ; une dépendance aux exportations de matières premières, soumises à une forte volatilité des marchés mondiaux, rendant difficile une planification budgétaire efficace. Les effets des ajustements structurels, qui ont limité les capacités d'investissement des États dans des secteurs productifs.

Un tournant décisif pour l'Afrique

Selon Cheikh Oumar Diagne, ancien directeur des moyens généraux de la République du Sénégal, l'Afrique se trouve à un moment charnière de son développement économique. Il estime que le maintien du statu quo, marqué par un endettement chronique, une dépendance aux financements extérieurs et des politiques monétaires inadaptées, fragilise davantage les économies nationales. Convaincu qu'aucun pays ne peut se développer sans recourir à l'endettement, Cheikh Oumar Diagne affirme néanmoins qu'au regard du potentiel économique du continent, l'Afrique doit s'affranchir des théories économiques classiques appliquées depuis plus de 60 ans. Selon lui, « il est temps de bâtir une économie fondée sur les réalités africaines, en valorisant les ressources locales et en renforçant les capacités productives internes ».

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