Le kente est un tissu royal prestigieux du peuple ashanti du Ghana, qui fait partie de son patrimoine historique et culturel. Mais son origine fait débat entre la communauté Bonwire et la communauté Adanwomase, toutes dans la région Ashanti. The Conversation Africa s'est entretenu avec le chercheur en art et culture africains Dickson Adom sur les origines de ce textile de renommée mondiale.
Qu'est-ce que le kente asante et pourquoi est-il unique ?
Le kente Ashanti est un tissu qui incarne l'héritage culturel et l'histoire du peuple ashanti. Les Ashantis sont un groupe ethnique majeur au Ghana dont l'histoire remonte à plusieurs siècles. Il se distingue par son mode de fabrication qui repose sur l'entrelacement de fils de différentes couleurs à l'aide d'un métier à tisser manuel.
Cela crée une iconographie du design qui reflète la philosophie, les valeurs morales, les épisodes historiques, les systèmes de croyances et les idéologies religieuses des Ashantis.
Quelles sont les preuves que cette tradition peut être attribuée à une région particulière du Ghana ?
Les études scientifiques sur la pratique du tissage du kente Ashanti à Bonwire présentent soit des lacunes ou restent incomplètes. J'ai donc mené une étude de juin 2020 à mars 2021 pour recueillir des preuves anthropologiques (historiques, culturelles et physiques). J'ai parlé à des anciens, des tisserands, des commerçants, des chefs et à toutes les autres parties prenantes importantes de la production de kente Ashanti à Bonwire.
Mes conclusions confirment que le kente Ashanti de Bonwire est typiquement Ashanti. L'idée répandue selon laquelle il s'agit d'un tissu généralement africain est erronée.
Mon étude a révélé que les origines historiques du kente Ashanti dans la ville de Bonwire étaient associés à une araignée tissant sa toile. Deux frères Opoku Kuragu et Kwakye Ameyaw auraient observé vers 1720 une araignée, appelée localement Ananse, en train de tisser sa toile. Ils ont observé comment l'araignée entrelaçait divers brins pour produire sa toile. Après une observation attentive, les deux frères ont reproduit la toile tissée en utilisant des fibres de raphia. Le premier tissu connu était noir et blanc.
Des preuves anthropologiques, notamment des fusils de chasse et des lampes utilisés pour la chasse et trouvés dans le bâtiment familial des frères, confirment ce récit. J'ai découvert que des rituels sont accomplis chaque année dans les chambres d'Opoku Kuragu et de Kwakye Ameyaw dans leur maison familiale pour solliciter leurs bénédictions et perpétuer la tradition du tissage dans leur lignée. Le premier roi des Ashanti, Otumfuo Osei Tutu I, a créé des tabourets royaux (titres) dans le cabinet traditionnel de son royaume pour la lignée des deux frères. Ils ont été chargés de tisser des tissus kente pour tous les rois Ashanti. C'est la preuve historique de leurs contributions significatives à l'artisanat.
D'autres figures locales Ota Kraban et Nana Osei Kuffour de la ville de Bonwire ont contribué au tissage du kente Ashanti. Ota Kraban a conçu le premier métier à tisser manuel, un appareil en bois actionné à la main appelé Nsadua Kofi. On lui attribue également l'introduction de fils de différentes couleurs, tels que le jaune, le vert et le noir. Nana Osei Kuffour a ensuite introduit les variétés de motifs géométriques dans le kente Ashanti. Ces motifs ont des significations liées aux valeurs morales, aux pensées politiques, aux traditions historiques et à la culture des Ashanti.
Parmi ces motifs figurent « Obi Nkyee Obi Kwan Mu Si » (personne ne peut vous montrer comment tracer votre chemin) et « Nkyimkyim » (le chemin de la vie n'est pas toujours facile et direct, il peut être sinueux). Comme Kuragu et Ameyaw, Ota Kraban et Nana Osei Kuffour ont également reçu des titres spéciaux et des sièges dans le cabinet traditionnel du royaume Ashanti en reconnaissance de leurs contributions innovantes à l'art du tissage.
Lors de mes visites dans la ville de Bonwire, j'ai observé plusieurs métiers à tisser fonctionnels en état de marche ainsi que d'anciens métiers à tisser hors d'usage dans plusieurs maisons. En moyenne, 8 foyers autochtones sur 10 et 5 foyers modernes sur 10 de la communauté possédaient des métiers à tisser Nsadua Kofi âgés de 50 à 80 ans. Il y avait également plus de 40 boutiques installées pour des activités commerciales autour de l'Asante kente.
Les témoignages de la population locale révèlent que le kente Ashanti est un artisanat domestique transmis et enseigné aux enfants dès l'âge de cinq ans, comme compétence principale ou complémentaire. J'ai observé la détermination des tisserands de Bonwire à transmettre le précieux artisanat domestique du kente aux jeunes générations et à celles à venir.
Pourquoi est-il important de retracer cet héritage ?
Il y a eu divers arguments sur l'origine du kente Ashanti à Bonwire. Par exemple, feu Ephraim Amu, considéré comme le père de la musique traditionnelle ghanéenne, a dédié une chanson au Kente Ashanti de Bonwire (Je n'ai rien vu qui puisse être comparé au kente Ashanti de Bonwire) qui loue son caractère inégalé. Mais il n'y avait aucune preuve solide de l'origine du tissu à Bonwire et de la contribution unique de leur production de kente à l'histoire et à la culture Ashanti.
Cet artisanat traditionnel du tissage est une source de revenus principale ou secondaire pour les habitants de Bonwire et des communautés voisines depuis plus de 300 ans. Récemment, l'Unesco a inscrit ce tissu de renommée mondiale sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. D'où la nécessité d'une étude scientifique de ses origines historiques et de son iconographie.
Quels rituels continuent d'être pratiqués aujourd'hui pour perpétuer la tradition ?
Des rituels annuels sont accomplis dans la maison familiale d'Opoku Kuragu et Kwakye Ameyaw. Ils ont pour but de solliciter leur bénédiction afin de perpétuer l'art du tissage du kente Ashanti au sein de la famille.
Un festival du kente est organisé chaque année à Bonwire pour marquer l'origine de l'art du tissage. Pendant le festival, des visites spéciales et des hommages sont rendus à leurs ancêtres. Une délégation du Conseil traditionnel de Bonwire effectue des visites spéciales de tous les lieux où Opoku Kuragu et Kwakye Ameyaw se sont rendus. Des libations spéciales sont versées sur ces sites, avec des récitations et des incantations spéciales pour saluer et exalter les réalisations des frères. A cette occasion les contributions d'Ota Kraban et de Nana Osei Kuffour sont mises en lumière et saluées, particulièrement pour inspirer la jeune génération à réinventer et à perpétuer la tradition du tissage du kente Ashanti de manière innovante.
Dickson Adom, Lecturer, Educational Innovations in Science and Technology, Kwame Nkrumah University of Science and Technology (KNUST)