Sur les collines verdoyantes de Ngoumou, les plantations de cacao, café, bananes et ananas s'étendent à perte de vue. La commune de la région du Centre, au Cameroun, est aujourd'hui un pôle de développement agricole en plein essor et un acteur important dans l'approvisionnement des marchés environnants. Elle le doit essentiellement au Projet de développement des chaînes de valeur agricoles, lancé officiellement en 2017, qui a transformé la vie de milliers de Camerounais.
Sylviane Blanche Jouogo fait partie des heureux bénéficiaires du projet. Auparavant, elle vivait dans l'incertitude du lendemain. Longtemps, son manque de formation, la mauvaise gestion de ses activités et les pesanteurs culturelles liées à sa condition de femme ont freiné ses ambitions, instillant le doute sur ses propres capacités.
« Je nourrissais un rêve simple mais puissant : transformer les fruits de la terre en espoir pour ma famille et ma communauté. Pendant longtemps, ce rêve m'a semblé hors de portée », se souvient Sylviane.
Jusqu'au jour où elle a intégré le projet : des formations sur la gestion financière, la transformation de l'ananas et le leadership féminin lui ont ouvert des portes pour réaliser son rêve. Pour la première fois, elle s'est sentie écoutée, accompagnée, valorisée. Chaque session de formation était « une étincelle » pour la jeune femme de 50 ans.
Avec ses nouvelles compétences, Sylviane a réorganisé son activité, développé des produits dérivés de l'ananas et commencé à mieux gérer ses revenus. Petit à petit, sa famille a vu la différence : des repas plus abondants, des enfants mieux scolarisés, un mari reconnaissant la valeur de ses efforts.
« Depuis que je tiens les comptes dans ma petite mercerie, j'ai vu où était les failles. Ça va mieux maintenant, et mon mari a même été surpris que je participe à la scolarité de notre enfant », se réjouit Sylviane.
Le Projet de développement des chaînes de valeur agricoles est entièrement financé par la Banque africaine de développement à hauteur de 89,292 millions euros. « Les activités de développement des chaînes de valeur sont en cours, avec la réhabilitation totale de plus de 680 kilomètres de pistes rurales. Cette réhabilitation a eu pour effet d'augmenter l'afflux des agriculteurs vers les zones désenclavées, l'extension des exploitations agricoles et l'intégration de nouvelles filières, notamment les cultures maraîchères », précise le rapport de la Banque sur ce projet qui doit s'achever à la fin de l'année.
Le projet a permis de mettre en place 167 coopératives, dont 29 dirigées par des femmes. Pour ce qui concerne l'encadrement des acteurs, 8 694, 5 hectares ont été plantés avec du matériel végétal de qualité. S'agissant de la convention avec l'Institut de recherche agricole pour le développement du Cameroun, la capacité de production annuelle des graines pré-germées de palmier à huile est passée de deux millions à cinq millions de plants. Chaque année, des graines pré-germées sont mises à la disposition des pépiniéristes et producteurs pour la création ou le renouvellement des exploitations de palmier à huile. Pour la filière ananas, six hectares de parcelles semencières mises en place sont en production (des rejets), et la distribution de près de deux millions de rejets est en cours. Sylviane en est une des bénéficiaires.
Au-delà de sa propre réussite, Sylviane a pris des responsabilités de plus en en plus grandes dans sa communauté. Au sein de sa coopérative, de groupes d'associations, elle partage ses connaissances, encourage d'autres femmes à prendre leur place et montre que le changement est possible. Aujourd'hui, elles sont des dizaines à vouloir transformer le rêve en réalité, à vouloir gérer un petit commerce et, à croire que leur voix compte dans leur communauté.
« Le chemin n'est pas terminé, mais j'avance avec la certitude qu'aucune barrière n'est infranchissable », assure Sylviane. Son prochain rêve : créer des coopératives de transformation pour aider d'autres femmes et des jeunes à bâtir une agriculture durable et équitable.
Aujourd'hui, Sylviane Blanche Jouogo ne se fixe plus de barrières. Elle sait que chaque femme a le pouvoir de transformer sa vie et celle de sa communauté.