Des experts financiers africains et internationaux de haut niveau ont lancé un vibrant appel pour que les structures financières s'adaptent aux besoins des petits exploitants agricoles.
Lors d'une conférence de deux jours sur le financement des petits exploitants agricoles en Afrique, qui s'est tenue à Nairobi, au Kenya, les experts ont souligné le rôle crucial de l'intervention des gouvernements dans la création d'un environnement propice à l'accroissement des prêts agricoles par les institutions financières.
Cette conférence constitue une étape décisive dans la mobilisation des milliards nécessaires chaque année pour soutenir les petits exploitants agricoles africains, qui représentent environ 80 % de la population agricole du continent, mais contrôlent moins de 5 % des terres agricoles.
Le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a prononcé le discours liminaire, soulignant un décalage flagrant : alors que l'agriculture contribue à 30 % du PIB de l'Afrique, elle ne représente que 6 % des prêts accordés par les banques commerciales.
« Les petits exploitants agricoles du monde entier sont les mêmes, sauf que ceux d'Afrique sont confrontés à des difficultés majeures, à savoir un accès limité aux marchés, aux financements, à l'information, aux infrastructures et aux intrants, autant de problèmes auxquels nous pouvons remédier en agissant collectivement », a déclaré M. Adesina.
L'un des temps forts de la session de mardi était une table ronde à laquelle ont participé Alice Albright, ancienne PDG de la Millennium Challenge Corporation (MCC), Brian Milder, fondateur et PDG d'Aceli Africa, et Jules Ngankam, PDG du groupe African Guarantee Fund. Modérée par la journaliste audiovisuelle Yvonne Ndege, la table ronde a exploré des solutions pratiques pour mettre en place des mécanismes de financement durables afin de combler le déficit de financement dans l'agriculture.
Les panélistes ont identifié plusieurs obstacles majeurs à un financement adéquat. Il s'agit notamment des perceptions erronées des risques liés aux prêts agricoles, des coûts de transaction élevés des services financiers ruraux, de l'inadéquation entre les produits de prêt standard et les cycles économiques agricoles, du manque de registres financiers officiels et de garanties, et des structures inéquitables de la chaîne de valeur qui limitent la rentabilité des agriculteurs.
M. Milder a partagé un exemple de réussite en Tanzanie, où des interventions ciblées ont permis à la Tanzania Commercial Bank d'augmenter sa part de prêts agricoles, qui est passée de 2 % à des niveaux beaucoup plus élevés, tout en quadruplant les dépôts des banques rurales.
Il a également souligné le contraste saisissant entre le rendement de 14 % des obligations d'État kényanes et le rendement moyen de seulement 3 % des prêts aux PME agricoles, illustrant le besoin urgent de solutions qui rendent le financement agricole plus attractif pour les investisseurs.
« Le capital est comme l'eau : il ruisselle vers le bas », a noté M. Milder. « Nous avons besoin de solutions qui tiennent compte de l'équation de rentabilité complète, y compris les coûts de transaction, le risque et les coûts en capital pour les intermédiaires financiers. »
Mme Albright s'est appuyée sur son expérience dans le développement de la Facilité internationale de financement pour la vaccination, qui a permis de lever 9,7 milliards de dollars, pour souligner la nécessité de définir clairement les défis du financement, d'évaluer les risques et de renforcer la volonté politique des gouvernements.
« Nous devons exposer clairement les raisons d'être des politiques publiques de financement des petits exploitants agricoles et relever les principaux défis de conception, notamment la gestion des risques et la rentabilité », a déclaré Mme Albright. « Avec une volonté politique, des instruments financiers innovants et des partenariats stratégiques, nous pouvons mettre en place un écosystème de financement solide qui garantisse que les flux de capitaux aillent là où ils sont le plus nécessaires. »
M. Ngankam a expliqué comment les stratégies d'atténuation des risques pouvaient débloquer des financements pour les petits exploitants agricoles. Il a souligné la nécessité de disposer de produits financiers adaptés aux différentes chaînes de valeur agricoles.
« Le calendrier de remboursement pour le maïs ne peut pas être le même que pour le thé ou le café », a-t-il expliqué. « Les banques commerciales doivent proposer des produits spécialisés qui s'alignent sur les cycles économiques agricoles. »
Les panélistes ont présenté plusieurs recommandations stratégiques pour améliorer le financement agricole, notamment en adoptant des approches de financement distinctes pour le fonds de roulement et les investissements dans les infrastructures, en développant des mécanismes de partage des risques pour attirer davantage de banques commerciales et en renforçant l'infrastructure financière numérique pour réduire les coûts de transaction.
Ils ont également souligné la nécessité de subventions ciblées pour stimuler l'investissement privé et ont appelé à un meilleur accès au marché afin d'aider les agriculteurs à valoriser davantage leur production agricole.