« Ce n'est qu'à travers les corridors régionaux que nous pourrons faire circuler facilement les biens et les services sur le continent, réduire les coûts de transport, promouvoir l'intégration et parvenir à un développement économique efficace », a rappelé récemment Akinwumi Adesina, le président du Groupe de la Banque africaine de développement.
Les investissements majeurs dans les corridors régionaux africains constituent un pilier essentiel des stratégies qui seront au centre des discussions lors des Assemblées annuelles 2025 du Groupe de la Banque africaine de développement qui se tiennent à Abidjan du 26 au 30 mai prochains sur le thème : « Tirer le meilleur parti du capital de l'Afrique pour favoriser son développement ».
En transformant ces axes routiers et ferroviaires en artères économiques vitales, le continent mobilise l'un de ses capitaux les plus précieux : sa position géographique et sa capacité à créer des marchés intégrés. Ces corridors désenclavent non seulement les économies nationales, mais valorisent aussi les immenses ressources naturelles et agricoles actuellement sous-exploitées, faute d'accès aux marchés.
Avec plus de 50 milliards de dollars investis dans les infrastructures au cours de la dernière décennie, la Banque est devenue le premier bailleur de fonds multilatéral dans ce domaine en Afrique.
Des réalisations emblématiques d'une intégration en marche
Piliers de la politique d'intégration continentale promue par la Banque africaine de développement, les connexions d'infrastructures transfrontalières ont avancé à grands pas depuis 2015.
La Transsaharienne en est un exemple, projet autoroutier géant tracé d'Alger à Lagos pour desservir l'ensemble de la sous-région du Maghreb et du Sahel sur une distance de 9 400 kilomètres.
Sur financement du Fonds africain de développement, le guichet concessionnel du Groupe de la Banque, les segments reliant Alger à Niamey (Niger) sont quasiment achevés, et les routes secondaires sont en phase terminale en Tunisie, au Mali et au Tchad. Au Niger, la Transsaharienne a suscité l'enthousiasme des voyageurs et des transporteurs routiers, contents d'abandonner les vieilles routes cabossées au profit de larges voies asphaltées. Les temps de parcours ont baissé significativement et de nouvelles opportunités économiques se sont ouvertes aux populations riveraines. Grâce à cette infrastructure, le Niger a renforcé sa position de carrefour entre le Maghreb et le Sahel, facilitant les dessertes de l'Algérie au Nigéria et du Tchad.
L'autoroute côtière transnationale Abidjan-Lagos, longue de 1 028 kilomètres, qui reliera la Côte d'Ivoire au Nigéria via le Ghana, le Togo et le Bénin, devrait révolutionner la connectivité en Afrique de l'Ouest. Le projet qui attire jusqu'à 15,6 milliards de dollars d'intérêts d'investissements de partenaires privés et institutionnels démarrera en 2026 pour s'achever en 2030. La Banque africaine de développement a financé les études de faisabilité du projet, élaboré les options de financement et les différents arrangements institutionnels ouvrant la voie à la construction de ce corridor, qui reliera les villes les plus dynamiques d'Afrique de l'Ouest : Abidjan, Takoradi, Accra, Lomé, Cotonou, Porto-Novo et Lagos.
Parmi les infrastructures déjà opérationnelles et vecteurs d'intégration figure notamment l'autoroute Bamenda-Enugu entre le Cameroun (Afrique centrale) et le Nigéria (Afrique de l'Ouest). Autre réalité qui a transformé le quotidien de millions d'Africains, le pont Sénégambie, attendu depuis 50 ans par les populations du Sénégal et de la Gambie, a été inauguré en janvier 2019. Bientôt, Mauritaniens et Sénégalais conjugueront leurs cauchemars au passé grâce au pont de Rosso, financé pour moitié par la Banque, soit près de 41 millions d'euros. L'ouvrage, qui enjambe le fleuve Sénégal, doit entrer en fonction en 2026.
En Afrique centrale, le Fonds africain de développement finance le corridor de transport multimodal entre la République centrafricaine et le Congo Brazzaville, une section essentielle du corridor allant de Pointe-Noire jusqu'à N'Djamena.
En Afrique de l'Est et dans la région des Grands Lacs, les corridors transfrontaliers, avec le soutien de la Banque, permettent actuellement d'élargir l'accès aux marchés et renforcent l'intégration sous-régionale et continentale.
En Afrique australe, l'investissement de la Banque dans le corridor Mozambique-Beira contribue, lui aussi, à réduire les coûts de transport de marchandises pour le Mozambique, le Zimbabwe et la Zambie. L'institution a également financé le corridor Nord-Sud pour renforcer la connectivité dans la région des Grands Lacs et l'intégration de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), qui passe notamment par le corridor de Nacala. Mégaprojet logistique, le projet ferroviaire et portuaire de Nacala au Mozambique, d'une valeur estimée de 2,7 milliards de dollars, reliant le Mozambique et le Malawi, constitue un couloir régional stratégique pour la sous-région.
Autre projet de transport multimodal qui s'étend sur plusieurs milliers de kilomètres, le corridor stratégique de Lobito, a été conçu pour faciliter le transport des minerais et autres marchandises depuis les régions riches en ressources de la République démocratique du Congo (RDC) et de la Zambie jusqu'au port de Lobito, sur la côte atlantique angolaise. Maillon clé pour le développement économique de la sous-région, ce corridor sera bientôt une réalité grâce au cofinancement de la Banque et d'autres partenaires bilatéraux et institutionnels.
De façon générale, la Banque a financé entre 2004 et 2022, les sections principales et les sections de desserte de sept corridors commerciaux stratégiques en Afrique australe et de l'Est : Nacala (1 026 km), Mtwara (1 002 km), Central (513 km), Nord-Sud (du Rwanda à la Zambie, 592 km), Nord (635 km), Mombasa - Addis-Abeba (1 275 km) et Namanga (1 647 km), Kenya - Soudan du sud (201 km), Madagascar - Ocean indien (259 km), soit un total de 7 150 km de routes dans la région. La Banque facilite également les efforts visant à renforcer le commerce dans cette région grâce au projet de facilitation du commerce et du transport en Afrique de l'Est, ainsi qu'à des études portant sur de nouvelles routes, en particulier le long du corridor central
Des investissements de 13,5 milliards de dollars
En 2022, la Banque africaine de développement avait financé 25 corridors de transport, construit plus de 18 000 kilomètres de routes, 27 postes-frontières et 16 ponts, pour un montant total de 13,5 milliards de dollars.
« L'intégration régionale est essentielle pour accroître la taille de nos marchés. Nous devons intégrer l'Afrique, croître et nous développer ensemble. Notre destin collectif est lié à l'élimination des barrières qui nous séparent », plaide Akinwumi Adesina.
La Banque continuera de jouer un rôle crucial dans le développement des corridors routiers pour l'intégration en Afrique. Créé en 2018, l'Africa Investment Forum (AIF), principale plateforme de mobilisation de financements pour des projets bancables en Afrique, consacrera chaque année une salle de transactions (Boardrooms) spéciale aux corridors régionaux afin de favoriser une collaboration et un cofinancement accrus ainsi qu'un développement plus rapide des connexions d'infrastructures stratégiques.
Lancée en novembre 2022 en marge de la COP 27, l'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique (AGIA), pilotée par la Banque africaine de développement, constitue également un puissant levier en faveur de projets intégrateurs, visant à générer jusqu'à dix milliards de dollars d'investissements dans les infrastructures vertes sur le continent.
En outre, la Banque consacre des milliards de dollars d'investissements partout en Afrique pour la construction de ports et de voies ferrées, reliant les pays aux zones à fort potentiel agricole ou aux zones dotées d'abondantes ressources minérales. C'est le cas du projet de voie ferrée de 411 kilomètres entre Tabora et Kigoma en Tanzanie. Ce projet, évalué à 2,3 milliards de dollars, reliera le port tanzanien de Dar es Salam, sur l'océan Indien, au port de Mwanza, sur le lac Victoria. De là, il s'étendra au Rwanda, au Burundi, à la RDC et à l'Ouganda voisins, ce qui permettra de libérer le potentiel économique régional en créant de nouveaux corridors miniers et agricoles en Afrique de l'Est et en Afrique centrale.
La Banque investit aussi massivement pour développer les voies ferrées sur le continent.
La Banque soutiendra à hauteur de 500 millions de dollars le développement du corridor de Lobito, qui reliera l'Angola, la Zambie et la République démocratique du Congo, en partenariat étroit avec la Société de financement du développement international des États-Unis et l'Africa Finance Corporation.
En partenariat avec Africa50, elle soutient la construction un projet route-rail qui reliera la République du Congo et la République démocratique du Congo. Le Conseil d'administration a approuvé en 2024, une garantie de crédit partielle de 696 millions de dollars afin de débloquer 3,9 milliards de dollars pour la construction du chemin de fer à écartement standard du Corridor central, qui reliera la Tanzanie, le Burundi et la République démocratique du Congo.
La ZLECAf, deuxième plus vaste marché intégré au monde
Point d'orgue de cette stratégie d'intégration continentale qui figure dans la liste des « High 5 » du Groupe de la Banque, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), opérationnelle depuis janvier 2021, est la promesse d'un marché commun riche de 1,5 milliard de consommateurs et d'un PIB combiné d'environ 3 400 milliards de dollars américains.
D'ici à 2035, la mise en oeuvre de la ZLECAf aura connu une avancée considérable en s'appuyant sur les communautés économiques régionales. Les connexions d'infrastructures transfrontalières et l'amélioration de la gestion des frontières -par la réduction des barrières tarifaires et réglementaires - auront rendu le commerce entre pays africains plus rapide et moins coûteux, avec une hausse estimée de 52 % des échanges.
Fin 2024, le Groupe de la Banque avait déjà facilité plus de 3 000 transactions commerciales impliquant 170 institutions financières dans les pays africains pour une valeur commerciale cumulée de plus de 12 milliards de dollars depuis le lancement du programme de financement du commerce de la Banque. Simple preuve de son leadership affirmé pour formaliser la Zlecaf, la Banque a financé l'ouverture de son secrétariat à Accra, au Ghana et poursuit son appui pour le renforcement de ses capacités opérationnelles et institutionnelles.
En octobre 2024 à Kigali, une forte délégation de l'institution a pris part au Forum des affaires de la ZLECAf. Ousmane Fall, directeur par intérim du Département du développement industriel et commercial de la Banque, a réitéré, à cette occasion, le soutien de l'institution aux 54 pays du continent par le biais d'une stratégie visant à répondre aux besoins d'investissements en matière de politiques et réglementations, d'infrastructures de corridors, de technologies et de solutions de connectivité.