Ile Maurice: Tessa Prosper - L'art du tatouage comme nulle part ailleurs...

Héritière d'une véritable icône du tatouage pour toute une génération, Tessa Prosper a grandi dans l'univers flamboyant de Blue Dolphin Tattoo. Fidèle à son patronyme, elle a embrassé cette vocation malgré un chemin semé d'embûches et la pression d'une société patriarcale, parfois même au sein de son entourage. Quinze ans d'expérience plus tard, la fille de Lindsay Prosper dirige aujourd'hui un concept unique : la tattoo therapy, où l'art du tatouage prend une toute nouvelle dimension. À l'occasion de la Journée mondiale du tatouage, célébrée le 21 mars, plongeons-nous dans son univers...

Tessa Prosper a été la première femme tatoueuse de l'île, un métier qui, aujourd'hui, se conjugue de plus en plus au féminin. Pourtant, malgré un patronyme prédestiné, le parcours n'a pas été si simple. À neuf ans, elle s'y est intéressée. À 13 ans, elle commençait à manier la machine à tatouer. Voir ses frères et son père s'adonner au tatouage toute la journée a fini par être une «maladie contagieuse».

Les études n'étant pas son fort, arrêter l'école lui a semblé être «la meilleure chose à faire». À 15 ans, c'était plié ! Peu après, elle a entrepris des études de Graphic Design. En parallèle, elle s'est essayée un peu au mannequinat et, dit-elle, «je donnais un coup de main au studio pendant le week-end pour gagner quelques sous». Que faisait-elle exactement ? «Je sortais les dessins et je nettoyais...» Mais pas que ! Elle réalisait aussi de petits dessins pour ses amis. En parallèle, elle s'entraînait sur des fruits et des peaux synthétiques. Son premier client fut un Anglais. «Il a accepté qu'une gamine de 15 ans fasse son tatouage.»

Un métier qui n'échappe pas au sexisme

Être la benjamine d'une fratrie de tatoueurs sous la tutelle de Monsieur sa révérence Lindsay Prosper n'était hélas pas une garantie de réussite. «J'entendais souvent que les femmes ne sont pas faites pour ce métier.» Une remise en question a failli faire de l'ombre à sa passion. Son phare dans cette aventure ? Sa mère et sa grandmère. «Elles m'ont dit que quoi que je fasse, tout le monde aura toujours quelque chose à dire.»

Les vrais soucis, d'ordre familial, sont apparus au lendemain de sa décision d'ouvrir son propre studio. «Tu vas te casser la gueule !», lui dira un membre de sa famille. C'est avec la voix tremblante qu'elle raconte cet épisode de sa vie. Des amis, elle en a perdu en cours de route : «Je faisais des tatouages gratuits à des amis au temps où j'étais chez mon père car je n'avais pas de frais. Maintenant, c'est différent. Des amis n'ont pas pu l'accepter lorsqu'il fallait payer pour un tatouage lorsque j'ai ouvert mon salon.»

Parlons des frais justement. Notre tatoueuse signe le bail de son nouvel emplacement en 2020. Une semaine après, c'est le confinement dû au Covid-19. C'est la cata ! «Après un épisode d'alopécie et de démangeaisons dues au stress, j'ai survécu et je suis plus forte maintenant.»

Outre les préjugés, Tessa Prosper raconte aussi avoir eu affaire à quelques «insignifiants» : des hommes aux mains baladeuses ou à la langue trop bien pendue. «Je les ai invités à vite sortir du studio.» Sinon, certains clichés ont encore la peau dure, notamment l'idée que les tatoueuses auraient un style plus «girly». Un stéréotype qu'elle réfute, bien qu'elle avoue préférer les tatouages fins et le style linéaire. Elle s'en vante subtilement, notamment en matière de précision. Comprenez : la maîtrise du tracé de ligne. Des dessins épurés et «qui ont du sens».

Attention ! Tessa Prosper refusera tout tatouage consistant à inscrire le nom de votre amoureux sur votre corps. «Je suis fatiguée de recouvrir ce genre de tatouage», précise-t-elle. «C'est différent lorsqu'il s'agit d'une personne décédée ou d'un moment très important», ajoute-t-elle.

«Tattoo therapy», c'est quoi exactement ?

Une séance de tatouage fait mal. Il n'y a pas à en douter. Les aiguilles transpercent la peau pour y déposer de l'encre. Alors, comment un tel acte pourrait-il être un moment de thérapie, un instant où l'on se sentirait bien pendant le processus ?

«Ce que j'aime dans mon métier, ce sont les échanges», confie Tessa Prosper. Elle affirme avoir quitté l'industry tattoo pour la tattoo therapy. Son studio met d'ailleurs l'accent sur un décor cocooning, un lieu protégé et douillet, comme un cocon. Les lumières ne sont pas agressives et plusieurs espaces permettent de s'installer confortablement en attendant son tour.

«Pour moi, le tatouage est synonyme d'art-thérapie. Il y a aussi cet instant où le client choisit de laisser l'aiguille tracer le modèle de son choix. C'est la pause qu'il s'octroie (...).» Tessa est à l'écoute. Réaliser un tatouage lui permet d'entrer dans l'intimité de ses clients. «Parler leur fait du bien. Les épreuves que j'ai moi-même traversées me permettent d'avoir du recul et, surtout, d'éprouver de l'empathie pour eux.»

Tessa Prosper prend son temps avec ses clients : «Je ne veux pas être riche.» À l'époque du «tatouage industriel», elle réalisait entre dix et 12 tatouages par jour. Aujourd'hui, elle n'en prend que deux ou trois. Est-ce suffisant pour gagner sa croûte ? «Oui», répond-elle sans hésitation.

L'approche de son studio, Tattoo Therapy, qui met autant l'accent sur l'expérience du tatouage que sur l'acte en lui-même, séduit. Mais qu'en est-il du protocole de sécurité ? Il peut sembler too much pour certains puristes pragmatiques du tatouage, mais pas pour Tessa Prosper.

«We are skin friendly»

Plusieurs règles doivent être respectées durant une séance. Pas de photos ni de vidéos. Tessa Prosper porte une blouse chirurgicale tout au long du processus. Cheveux attachés, masque chirurgical en place, elle ne plaisante pas avec l'hygiène. Son investissement mensuel pour assurer la sécurité sanitaire de ses séances s'élève à Rs 12 000. «Plusieurs professionnels de santé choisissent de venir chez nous pour cette raison», confie son conjoint.

Tessa Prosper n'utilise pas d'encre colorée. «La pigmentation au plomb, on n'en veut pas.» Elle privilégie une encre noire importée d'un fournisseur particulier, coûtant USD 250 les 120 ml. Pas non plus de vaseline chez Tattoo Therapy. Il y a dix ans, les tatoueurs préconisaient son utilisation pour la cicatrisation. Aujourd'hui encore, beaucoup l'emploient pour lubrifier la peau lors du contact avec l'aiguille. Mais Tessa Prosper préfère le Hustle Butter, un soin tatouage végan et bio. Une rapide recherche sur le net et vous en trouverez à environ Rs 500 le pot de 30 ml. «We are skin friendly», répète-t-elle.

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