Sénégal: Sous-évaluation de la dette du pays - Quand le FMI enfonce Macky Sall

Le lièvre avait déjà été levé par la Cour des comptes qui, dans un rapport rendu public, en septembre 2024, évoquait la sous-évaluation de la dette du Sénégal, tout en relevant des manquements dans la gestion de l'ex-président Macky Sall.

L'affaire, on s'en souvient, a provoqué une véritable clameur au point que le mis en cause, actuellement en exil au Maroc, était monté au créneau, pour dénoncer une cabale politique visant à ternir son image. Même s'ils se refusaient à donner un blanc-seing au natif de Factick, d'aucuns, convaincus qu'en politique tous les coups sont permis, avaient cru à la thèse de la machination surtout que l'affaire avait éclaté à quelques jours seulement des législatives qui cristallisaient toutes les attentions.

Mais l'évolution de la situation semble leur donner tort. Car, le Fonds monétaire international (FMI) vient de confirmer qu'une dette d'un montant d'environ 7 milliards de dollars, a été « cachée » par la précédente administration au Sénégal.

La nécessité de tirer l'affaire au clair

De quoi apporter de l'eau au moulin du président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko, qui n'ont jamais fait mystère de leur volonté de voir Macky Sall et son équipe rendre compte de leur gestion. Ils n'ont peut-être pas tort. Car, la Cour des comptes, dans son rapport, révèle des anomalies financières d'une grande ampleur, laissant penser à des malversations.

En témoigne le manque de transparence et de sincérité des procédures budgétaires en sus de l'absence d'indications sur les exonérations fiscales. Toutefois, s'il est vrai que l'on ne saurait absoudre à bons comptes l'ex-président sénégalais que l'on accuse d'avoir trempé la main dans le cambouis, on ne peut s'empêcher de se poser des questions. Comment le Sénégal a-t-il réussi à sous-évaluer sa dette, alors même que le FMI, en dehors des missions ponctuelles qu'il effectue à Dakar, y dispose d'un représentant résident censé prendre part à la revue annuelle des conditions d'accès aux prêts ?

Comment le Sénégal a-t-il pu s'endetter, cinq ans durant, sur le marché financier, sans être rappelé à l'ordre par la commission bancaire qui, généralement, veille au grain ? Comment la Cour des comptes dont on sait que le rapport est annuel, n'a-t-il jamais pu relever les anomalies dont elle parle, qui ont perduré pendant cinq bonnes années ? Autant de questions dont les réponses, s'il en existe, pourraient engager la responsabilité aussi bien du FMI que de la Cour des comptes qui, chaque année, procède à la certification du budget. D'où la nécessité de tirer l'affaire au clair en évitant toute forme de récupération politique comme s'emploie à le faire le pouvoir sénégalais.

Car, les questions financières et économiques sont si sensibles et techniques que l'on ne saurait les noyer dans des considérations politiciennes au risque de faire sombrer le Sénégal. En fait, en sous-estimant la dette de son pays, Macky Sall n'a sans doute pas commis un crime ; loin s'en faut ! Bien au contraire, il a voulu permettre ainsi à son pays de continuer à bénéficier de prêts auprès des partenaires techniques et financiers.

Macky Sall devrait encourager les autorités de son pays à saisir la Justice

Toutefois, on peut s'interroger sur ce qu'il a fait des fonds dont son pays a pu bénéficier. Ont-ils été détournés ? Ou ont-ils été investis dans la réalisation de projets sociaux au profit des populations sénégalaises ? En tout cas, pour autant qu'il n'ait rien à se reprocher, Macky Sall, lui-même, devrait encourager les autorités de son pays à saisir la Justice aux fins d'ouvrir une enquête judiciaire sur sa gestion des deniers publics.

Cela aura l'avantage de situer l'opinion publique sénégalaise et de mettre fin à toute forme de conjectures. Franchira-t-il le pas ? On attend de voir. Toujours est-il que si Macky Sall a réussi à maquiller ou à manipuler les chiffres, c'est qu'il a bénéficié de la complicité de hauts cadres de l'Administration qui méritent aussi d'être entendus afin de mieux situer les responsabilités.

Quant au pouvoir sénégalais, s'il croyait pouvoir vouer aux gémonies l'ex-président en ébruitant l'affaire de sous-estimation de la dette du pays, il en aura pris pour son grade dans la mesure où ses déclarations ont poussé certains partenaires techniques et financiers à se montrer très réticents. Parviendra-t-il à regagner leur confiance ? C'est le wait and see !

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