Congo-Kinshasa: La consommation indue d'un aliment médical met en danger la population

25 Mars 2025

BUKAVU — Des professionnels de la santé redoutent les conséquences de la consommation inappropriée du Plumpy'Nut, un aliment thérapeutique utilisé pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère chez les jeunes enfants.

En effet, d'importants stocks de Plumpy'Nut ont été pillés dans les entrepôts du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) lors des affrontements entre l'armée congolaise et les éléments du M23 au mois de février 2025.

Après ces incidents, à chaque coin de rue de la ville de Bukavu, située dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), de nombreuses personnes (adultes et enfants) se livrent à la consommation de ce médicament sans en connaitre les conséquences.

"Dans l'entrepôt de l'UNICEF, il y avait près de 9 000 cartons de Plumpy'Nut pour le traitement de plus de 10 000 enfants. Avec le contexte actuel, il devient difficile de prendre ces enfants en charge"Kabika Lenkwa, PRONANUT

Pour Adolphe Nyakasane, pédiatre et responsable de l'organisation Kesho Congo, engagée dans la lutte contre la malnutrition des enfants, des femmes enceintes et femmes allaitantes, les personnes en bon état nutritionnel qui consomment ces aliments (Plumpy'Nut, ndlr) s'exposent à des troubles digestifs.

« On a beaucoup de personnes qui font la diarrhée parce qu'elles prennent ces aliments. Il faut savoir que ce sont des aliments qui sont riches en protéines, en calories également, car ils soignent la malnutrition protéino-calorique. Les protéines sont mises en quantité suffisante pour pouvoir soigner ceux-là qui sont déficitaires en protéines, mais également en calories », explique-t-il.

Le pédiatre affirme également que des personnes en bonne santé qui consomment cet aliment thérapeutique s'exposent à des excès de protéines, de vitamines, de sels minéraux et de calories dans leur organisme.

« Ces personnes peuvent arriver à développer des risques de maladies métaboliques comme le diabète sucré ou l'hypertension artérielle du fait de la consommation du Plumpy'Nut », prévient-il.

Dix mille enfants exposés

Adolphe Nyakasane rappelle que toute personne qui estime souffrir de malnutrition doit au préalable faire des examens médicaux qui aideront à décider de la nécessité ou non d'être placée sous traitement avec le Plumpy'Nut.

« Les personnes atteintes de la malnutrition vont aller voir un nutritionniste qui va poser le diagnostic. Après, il pourra prescrire le PlumpyNut à la personne atteinte de la malnutrition. C'est un médicament et non un aliment », insiste-t-il.

Pour l'enfant qui est suivi pour malnutrition, poursuit-il, « on prend ses paramètres anthropométriques, c'est-à-dire le poids, la taille, le périmètre brachial et on va suivre l'évolution de ses paramètres en fonction des indications de l'Organisation mondiale de la santé. Il y a un poids cible qui est défini pour chaque enfant suivi pour la malnutrition. Lorsque l'enfant atteint ce poids cible, on peut alors le sortir du programme de traitement », clarifie Adolphe Nyakasane.

Outre les risques de développer des maladies métaboliques, les experts craignent également une augmentation du nombre d'enfants souffrant de malnutrition à cause du manque de Plumpy'Nut.

SciDev.Net s'est adressé aux responsables locaux du PAM et de l'UNICEF dans le Sud-Kivu. Mais ces derniers n'ont pas donné de suite à nos sollicitations.

De son côté, le Programme national de nutrition (PROPANUT) dans le Sud-Kivu exprime son inquiétude et indique que les hôpitaux risquent de faire face à une rupture des stocks de cet aliment thérapeutique.

« C'est la première fois que nous voyons le Plumpy'Nut en dehors des hôpitaux. Dans l'entrepôt de l'UNICEF, il y avait près de 9 000 cartons de Plumpy'Nut pour le traitement de plus de 10 000 enfants. Avec le contexte actuel, il devient difficile de prendre ces enfants en charge », s'inquiète Kabika Lenkwa, assistant technique du PRONANUT.

Répercussions sur leur santé

Cette situation préoccupe également certains habitants de la ville, à l'instar de Raïssa Kasongo. Elle affirme être vraiment choquée à chaque fois qu'elle voit les Plumpy'Nut en train d'être vendus dans les marchés.

« Beaucoup de gens en consomment, ignorant les répercussions sur leur santé et la santé des enfants souffrant de la malnutrition. Chez nous, voir les enfants malnutris est un phénomène fréquent, et, à ce que je sache, les Plumpy'Nut les aident à guérir », témoigne-t-elle.

Pour cette habitante, « l'État devrait se saisir de cette question afin de préserver la santé de la population et permettre aux enfants qui sont dans le besoin d'avoir accès au traitement ».

Le PRONANUT a quant à lui opté pour la sensibilisation afin de décourager la population de consommer ces produits. « On est en train de voir comment s'approcher des autorités actuelles pour élargir la sensibilisation et pouvoir récupérer les produits qui ne sont pas encore consommés », précise Kabika Lenkwa.

Une stratégie approuvée par Adolphe Nyakasane qui invite ceux qui détiennent encore les Plumpy'Nut non consommés à les remettre au bureau du PAM ou alors dans les centres de santé et hôpitaux.

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