Cela fait plus d'une semaine que le leader communautaire peul malien Boubou Cissé, dit Boubou Tigal, a été assassiné. Chef du marché à bétail de Niamana, le plus important de Bamako, très impliqué dans le dialogue intercommunautaire, Boubou Tigal a été assassiné mardi 18 mars 2025 au soir. Alors qu'il rentrait chez lui, en plein Bamako, deux hommes armés lui ont tiré dessus à bout portant. Mais une enquête est en cours et un nom revient de façon récurrente.
Plusieurs dizaines de personnes auraient déjà été interpellées par la police. De source sécuritaire malienne, certaines sont reparties libres après interrogatoire, d'autres sont toujours en garde-à-vue. Aucune précision sur leurs éventuels liens avec l'assassinat.
Chez tous les interlocuteurs joints par RFI, un nom revient de façon récurrente : celui de Sékou Bolly, homme d'affaires peul, chargé de mission au ministère de la Réconciliation nationale et réputé proche de la Sécurité d'État - les services de renseignements maliens. De nombreuses sources communautaires tiennent pour acquis son implication dans plusieurs enlèvements de leaders peuls ces dernières années, y compris dans celui du même Boubou Tigal, en novembre 2024, qui avait été détenu pendant quelques jours par la Sécurité d'État. Selon ces sources, Sékou Bolly souhaitait que Boubou Tigal quitte la direction du marché à bétail de Niamana pour y placer une personnalité proche.
« Je ne suis pas un assassin »
Joint par RFI, Sékou Bolly dément catégoriquement : « c'est faux, c'est archi-faux, je ne suis pas un assassin, clame-t-il, ces accusations sont montées de toutes pièces pour salir mon nom. Ceux qui m'accusent n'ont qu'à porter plainte contre moi ! » Sékou Bolly rappelle qu'il travaille « au ministère de la Réconciliation, pas au ministère de l'Élevage » et assure qu'il n'avait « aucun problème » avec Boubou Tigal, qu'il accuse cependant de s'être lié aux jihadistes du centre du Mali, à savoir la Katiba Macina du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (Jnim), lié à al-Qaïda.
À ce stade, ce très proche des autorités de transition n'a pas été interrogé par les enquêteurs, mais, de source sécuritaire malienne, il pourrait l'être « bientôt ». « Attention à ne pas accuser trop vite », rappelle un important cadre communautaire peul, qui confirme les antécédents entre Sékou Bolly et Boubou Tigal mais qui met en garde contre toute conclusion hâtive.
Autres pistes
D'autres pistes sont également évoquées, notamment celle d'un conflit foncier portant sur une parcelle du marché de Niamana, revendiquée par une société immobilière.
L'aide que Boubou Tigal apportait à des déplacés maliens fuyant les violences, ou encore son implication dans la mise en place d'accords locaux impliquant les jihadistes du Jnim dans le centre du pays, lui ont également valu certaines inimitiés. Enfin, plusieurs sources assurent que des animaux volés par les jihadistes dans le centre du pays auraient été retrouvés sur le marché à bétail de Niamana par le passé, suggérant que Boubou Tigal jouait un jeu dangereux qui aurait pu se retourner contre lui. Il faut préciser que, de la même manière, des animaux volés par des chasseurs traditionnels dozos, qui combattent les jihadistes, ont déjà été retrouvés dans le marché à bétail de Niamana.
Sollicité par RFI, le Ministère de la Sécurité n'a pas donné suite.
La plupart des sources communautaires peules jointes par RFI disent douter que la vérité soit un jour connue.