Au Mali, il y a tout juste trois ans survenait le massacre de Moura, ou plutôt débutait puisque l'opération de l'armée malienne et de ses partenaires russes du groupe Wagner, dans ce village du cercle de Djenné dans le centre du Mali, s'était étendue sur cinq jours, du 27 au 31 mars 2022. Cinq jours d'horreur, pendant lesquels plus de 500 personnes ont été tuées. Un bilan jamais reconnu par les autorités maliennes de transition qui n'ont jamais donné suite à leurs promesses d'enquête et de justice.
Pour les autorités maliennes de transition, Moura, c'est une opération militaire « de grande envergure » menée avec « professionnalisme » et au cours de laquelle 203 personnes, toutes « terroristes », ont été « neutralisées » selon les communiqués officiels.
Pour les habitants de ce village, ce sont cinq journées d'apocalypse : plus de 500 personnes exécutées sommairement, dont des femmes et des enfants, jetées dans des fosses communes que les villageois ont eux-mêmes été obligés de creuser, au moins 58 femmes et jeunes filles violées ou victimes de violences sexuelles, parfois collectivement.
Plusieurs dizaines de personnes interpellées à Moura ont ensuite été torturées dans les camps de l'armée malienne ou dans les locaux de la sécurité d'État. Ces informations ont été confirmées par le travail de nombreux journalistes, défenseurs des droits humains et par un rapport extrêmement fouillé des Nations unies, publié en mai 2023 par le bureau onusien des droits de l'Homme.
L'opération de l'armée malienne et de ses partenaires de Wagner avait été menée un jour de marché. Sur les plus de 500 personnes tuées à Moura, le rapport onusien établit qu'une trentaine seulement étaient des combattants jihadistes.
Le tribunal militaire de la région de Mopti avait promis des « investigations approfondies ». Elles n'ont jamais eu lieu. Il faut dire que l'État-major des armées avait déjà jugé « infondées » toutes les allégations d'exactions.
Depuis, des massacres d'une telle ampleur ne sont plus produits au Mali. Mais les exécutions de civils par l'armée et Wagner, parfois par dizaines et parfois assorties d'atrocités, n'ont jamais cessé.
«Une chape de plomb sur les opérations militaires», selon Ousmane Diallo, chercheur à Amnesty International sur les droits humains au Sahel « Trois ans après, rien n'a été mené en termes d'instruction, en termes d'investigation. Je dirais même pire. Des victimes et des témoins ont été détenus par la sécurité d'État, ont subi des brimades, des interpellations, des arrestations... Ce climat d'intimidation a créé une chape de plomb sur toutes les opérations militaires. La situation humanitaire empire. La situation sécuritaire ne s'améliore pas et il n'y a pas de justice. Il y a juste une annonce d'enquête qui a été faite il y a trois ans et qui n'a jamais été suivi d'effets.
Les exactions et opérations militaires menées soit par les forces armées maliennes, soit par les troupes russes de Wagner ou d'Africa corps, continuent toujours et les populations sont les principales victimes. On en est arrivé à un stade ou même le simple fait de dénoncer des exactions, des homicides illégaux contre des populations civiles, entraîne des représailles assez violentes de la part des autorités étatiques maliennes qui perçoivent toute critique comme étant de mauvaise foi, ou venant de l'Occident, ou découlant d'une volonté de nuire à leur projet politique, malheureusement », note Ousmane Diallo chercheur à Amnesty International sur les droits humains au Sahel.