Non, ce n'est plus un rêve. Des oeuvres malgaches seront bientôt envoyées sur la Lune, dans le cadre du projet ambitieux 'Lunar Codex'. Dans une interview accordée à L'Express de Madagascar, Franco Clerc, réalisateur et producteur, et Joey Aresoa, poétesse et artiste peintre, évoquent cette initiative unique en son genre. Ce projet extraordinaire enverra plus de 30 000 oeuvres d'art sur la Lune, dont celles de huit artistes malgaches.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le Lunar Codex ?
Joey Aresoa : Le Lunar Codex est à l'origine une initiative personnelle du Dr Samuel Peralta, née de son sentiment d'injustice face au fait que seuls des hommes aient marché sur la Lune avec les missions Apollo. Il a collaboré avec la NASA pour organiser de nouvelles expéditions, visant cette fois à transporter, en plus de ses propres oeuvres, des créations féminines sur la Lune.
L'initiative s'est ensuite élargie à l'humanité tout entière et à ses productions artistiques. Dans cette volonté d'inclusion, il a entrepris une démarche visant à représenter tous les pays et toutes les nationalités. C'est ainsi que Madagascar a été intégré au projet.
Pourquoi envoyer des oeuvres artistiques sur la Lune ?
Franco Clerc : Dans cette initiative, le Dr Peralta, qui est ingénieur mais aussi artiste et poète, voulait vraiment préserver une trace de l'humanité, quelque part où elle ne serait pas altérée par l'homme, parce que nous sommes tellement capables de nous autodétruire. Et même s'il existe déjà des initiatives de préservation sur Terre, il s'est dit que ce serait plus en sécurité là-haut, sur la Lune.
Au-delà de cette vision, disons, un peu futuriste, l'objectif premier de ce projet est de préserver ces oeuvres humaines pour les générations futures.
Comment les artistes malgaches ont-ils été sélectionnés pour figurer dans le Lunar Codex ?
Franco Clerc : Au tout départ, il y a eu un appel à manifestation d'intérêt. C'était presque une compétition, car il fallait soumettre des oeuvres dans tous les pays. Mais au final, en raison du relais des informations, une seule artiste a répondu à l'appel : Tara Shakti.
Cette première phase a été menée et close. Jusqu'à ce que les curateurs jugent nécessaire d'effectuer une deuxième sélection, non seulement pour Madagascar, mais aussi pour d'autres pays encore insuffisamment représentés. Notre agent, Muriel Bilger, a proposé plusieurs noms, et il a été demandé à chacun de soumettre ses travaux. Les curateurs ont ensuite sélectionné les oeuvres et confirmé la liste finale des huit artistes représentant différentes disciplines.
Quel sera l'impact de ce projet sur la productivité artistique à Madagascar ?
Franco Clerc : Je ne peux parler qu'à titre personnel. Étant dans ma discipline depuis plus de quinze ans, c'est une belle reconnaissance de voir Madagascar représenté dans cette immense collection, surtout dans un monde où beaucoup de pays ne savent même pas le situer sur une carte.
C'est un immense honneur, et j'espère que cela inspirera d'autres artistes. Cependant, beaucoup sont passés à côté de l'appel à projets malgré un second lancement, ce qui souligne un problème de visibilité. J'espère que cela encouragera aussi les artistes à se positionner et à faire des efforts pour être plus visibles, car il y a de nombreux talents à Madagascar qui ne devraient pas rougir face à l'international.
Et pour les artistes sélectionnés, qu'est-ce que cela représente pour leur carrière ?
Joey Aresoa : Ce n'est qu'un point de vue personnel, mais au-delà des interrogations sur l'impact d'une telle initiative, je pense qu'elle est avant tout porteuse d'espoir.
Comme dans tout métier, nous avons un parcours, un CV qui recense les lieux où notre travail peut être découvert. Aujourd'hui, je peux affirmer que le mien est présent sur la Lune, ce qui représente déjà une immense avancée. Ma démarche repose sur l'affirmation de l'existence de nos récits et sur la nécessité de leur transmission.
Avez-vous un message à faire passer aux jeunes artistes et aux institutions locales ?
Joey Aresoa : Il est important que les Malgaches sachent ce qui figure dans cette sélection. Pour moi, c'est une véritable démarche de mémoire : souvenez-vous d'où vous venez.
Car il est essentiel, pour une société, de savoir qui elle est et ce qu'elle en fait. Parmi les éléments sélectionnés, on trouve par exemple de la terre rouge de Mandritsara, dans le nord de l'île. Pour nous, elle est chargée de symboles, car elle provient de la terre du Sôva, la poésie oratoire Tsimihety, riche et profondément ancrée dans l'identité malgache. Son inclusion dans le projet est donc porteuse d'une forte charge symbolique.
Franco Clerc : J'aimerais ajouter qu'il ne faut jamais cesser de rêver. Ne cessez pas de rêver, car les rêves se réalisent toujours à un moment ou à un autre. Et ce n'est pas parce que nous sommes à Madagascar, sur une île, que nous ne pouvons pas nous permettre de rêver de choses aussi grandes.
Le Lunar Codex est la preuve que tous les rêves peuvent se réaliser.