Les violences en milieu scolaire ne sont plus des faits isolés. Elles deviennent une réalité préoccupante à travers le pays. Lors de la séance parlementaire de mardi dernier, le ministre de l'Éducation, Mahend Gungapersad, répondant à une Private Notice Question du leader de l'opposition, Joe Lesjongard, a révélé des chiffres alarmants : 147 cas de harcèlement scolaire ont été signalés depuis janvier 2025. Ils se répartissent comme suit : 59 cas dans les écoles primaires publiques, 67 dans les lycées publics et 21 dans les établissements secondaires privés.
Derrière les chiffres, des incidents concrets révèlent la gravité de la situation. Plusieurs plaintes récentes enregistrées auprès des autorités donnent un aperçu troublant du climat qui règne dans certains établissements. Dans une école primaire de Quatre-Bornes, un élève de Grade 6 a été publiquement humilié en classe lorsqu'un écolier lui a baissé son pantalon sous les rires de ses camarades. L'enfant a exprimé une profonde gêne, d'autant plus que la scène s'est déroulée en l'absence de l'enseignante.
Dans une autre école primaire à Beau Bassin, un élève de Grade 4 a été physiquement agressé par le père d'un camarade. Il lui aurait donné une gifle au visage, puis un autre coup au niveau de ses parties intimes, tout en le menaçant verbalement. L'incident s'est produit dans l'enceinte même de l'établissement, suscitant des inquiétudes quant à la sécurité des enfants.
Un autre cas récent concerne une élève de 13 ans, scolarisée en Grade 8 dans un collège de Curepipe, qui a été agressée dans sa salle de classe par une camarade plus âgée, accompagnée de plusieurs autres élèves. La victime a reçu plusieurs coups dans le dos avant que les agresseurs ne quittent la salle. Elle souffre de douleurs dorsales, bien qu'aucune blessure visible n'ait été constatée.
Le dernier incident en date a impliqué un enfant de cinq ans, en Grade 1 dans une école primaire de Forest-Side. Le 21 mars, cet élève a signalé à sa mère que son camarade de classe l'avait suivi jusqu'aux toilettes et l'y avait physiquement agressé. En rentrant en classe, l'agresseur a de nouveau attrapé ses parties intimes, provoquant des douleurs. Le lendemain, l'enfant a dû être conduit à l'hôpital en raison de douleurs aux parties intimes et il y a été admis.
Les parents d'élèves expriment une inquiétude croissante face à la violence et au harcèlement scolaires. Leurs témoignages montrent la détresse de ceux qui voient leurs enfants souffrir sans savoir vers qui se tourner pour obtenir du soutien. «Ma fille a été victime de harcèlement pendant des mois, mais ce n'est que récemment qu'elle a eu le courage de nous en parler. C'est déchirant de voir un enfant se sentir aussi impuissant. Nous avons tout fait pour signaler cela à l'école, mais il semble que ce n'est pas suffisant. Le personnel enseignant doit recevoir plus de formations et de soutien pour intervenir efficacement», explique une mère d'une écolière en Grade 5.
Un autre couple, des hautes Plaines Wilhems, parent d'un enfant de huit ans, évoque son désespoir face à l'agression physique de son fils. «Il ne veut plus aller à l'école. Il a peur des autres enfants. Il nous dit qu'il n'y a personne pour l'aider et que même les enseignants ne réagissent pas. C'est triste, mais il se sent plus en sécurité à la maison qu'à l'école. Nous avons porté plainte, mais je suis frustrée de constater que d'autres enfants vivent la même chose et que rien ne change», dit la mère.
Face à cette montée des violences, les enseignants expriment également leur impuissance croissante. Plusieurs d'entre eux témoignent de situations de harcèlement répétées et d'élèves en grande détresse émotionnelle. «Nou pa kapav tousel. Ena zanfan pe soufer, ena paran vinn menasan, e nou pa gagn soutien pou zer bann ka koumsa», confie un enseignant du primaire. Le manque de ressources, de formation spécialisée et d'accompagnement psychologique est souvent évoqué comme un frein majeur à une gestion efficace de ces situations. Ils attendent que le plan d'action de 14 volets qu'a proposé le ministère porte ses fruits.