Ile Maurice: Blackboard Jungle - L'éducation des adolescents incombe aux parents

Les médias sont braqués sur les «affaires financières» si bien que la Financial Crimes Commission ne sait plus où donner de la tête. Un lourd héritage. Le silence des responsables de l'ancien régime est révélateur. Vient ensuite la criminalité en hausse et les saisies de grosses quantités de drogue. Le pays fait aussi face à un nouveau phénomène devenu un casse-tête : le harcèlement dans les collèges, même dans les écoles primaires. Il prend de l'ampleur de jour en jour.

La drogue, même synthétique, a fait son entrée dans ces établissements. Comment et par qui ? En outre, les élèves les plus vulnérables font l'objet de brutalités. Certains sont même terrorisés, ce qui les pousse au suicide.

Un phénomène en hausse

Des chiffres indiquent que 57 adolescents (de 14 à 17 ans) préfèrent se donner la mort plutôt que de subir un tel déchaînement de violences. Qu'a-t-on fait durant ces dernières années ? 147 cas de menaces graves en deux mois dans 59 écoles primaires et 21 établissements privés. Il n'est plus question de parler de cas isolés mais d'une lame de fond.

Les responsables semblent dépassés. L'indiscipline règne en milieu scolaire et même hors les murs.

Des élèves s'en prennent parfois aux enseignants en pleine classe, alors que ces derniers sont déjà en nombre insuffisant.

Des scènes de jeunes «zombies» dans les rues étaient inimaginables dans le pays. Comment s'étonner alors que le niveau général baisse ?

Le secteur éducatif est gangrené. Même les filles s'y mettent aussi, avec des bagarres en pleine rue sans que les badauds n'interviennent. Des incidents accompagnés d'un langage ordurier que l'on entend même dans les autobus. Parfois, le contrôleur semble se planquer face à ces furies verbales. Que faire pour ramener une certaine discipline puisqu'il y va des générations qui montent, donc de l'avenir ?

Des initiatives timorées ?

Des initiatives doivent être saluées, mais elles nous semblent insuffisantes. Face aux suicides, troisième cause de la mortalité des 15 à 24 ans, une publication Konekte est distribuée à tout le personnel enseignant. Elle ouvre des pistes pour lutter contre ces violences, ces troubles d'anxiété, la propagation trop facile des drogues.

Provenant de petits labos clandestins ?

- Les 15, 16 et 17 avril prochains, le ministère de l'Éducation organise les Assises de l'Éducation. Elles réuniront les responsables concernés, mais déjà, le ministre envisage certaines mesures comme des gardes de sécurité (lire plus loin), des patrouilles de police aux abords de certaines institutions scolaires à risque ou dans les gares d'autobus à certaines heures, la reprise des compétitions inter-collèges, entre autres.

Parallèlement, Sam Lauthan a remis au gouvernement un rapport qui comprend une feuille de route pour renforcer la lutte contre la drogue, surtout la synthétique, que l'on peut trop facilement se procurer à un prix abordable. À ce propos, certains adolescents n'hésitent pas à extorquer de l'argent à leurs parents pour se procurer leurs doses quotidiennes. Ils savent ruser pour ne pas être incriminés.

Quant aux trafiquants, presque tous les jours, des quantités considérables de drogue sont saisies, pas seulement sur des passeurs malgaches mais même sur des Américains et des Mexicains ! Les destinataires au bout de la chaîne restent inconnus, voire intouchables, que ce soit à l'aéroport, au port, à la douane, à la poste, d'autant que certains policiers véreux veulent aussi leur part du gâteau. Toutes ces mesures sont fort louables mais nous semblent insuffisantes.

Grands maux, grands remèdes

Certains vont hurler et protester contre une répression abusive, mais aux grands maux, les grands remèdes. Commençons par certaines bâtisses vétustes qui abritent encore de jeunes scolaires. Améliorer ce milieu en lieu et place de chaises et de pupitres chancelants.

N'ayons pas peur de proclamer que les principaux responsables de cette situation alarmante sont les parents. Les bourgeois n'ont plus le temps d'éduquer leurs adolescents. Ces derniers ne dialoguent que sur leurs portables. Quelle est la ligne de communication entre ces parents et ces adolescents laissés sans repères, obnubilés par leurs écrans et les réseaux sociaux aux contenus pas toujours fiables ? Trop de liberté, mais à quel prix ?

Que dire des parents pauvres qui ne parlent même pas le même langage que leurs adolescents ? Il faut former et envoyer des probation officers sur le terrain, conscientiser ces parents autant de fois qu'il le faudra. Cette formation ne peut se résumer à une douce potion. Il faut forcer ces parents à assister au moins chaque quinzaine ou mois à la réunion des parents organisée par les directeurs des établissements en présence d'un délégué du ministère. Mettre les choses à plat, bousculer les parents qui seraient, pourquoi pas, accompagnés de leurs enfants. Tous réunis autour de la même table pour un même combat collectif.

Il devient indispensable que dans chaque établissement secondaire soit créé le poste de surveillant général, comme cela se fait ailleurs. Il aura de multiples tâches à accomplir : fouiller chaque élève à l'entrée pour détecter tout cutter, toute trace de drogue et saisir les portables qui ne seront rendus qu'à la sortie. Cette dernière doit être échelonnée de façon à disséminer tout attroupement lors des règlements de compte. Cet encadrement est nécessaire, même à la récréation. Cette présence est devenue indispensable si l'on veut attaquer le problème à la racine. Gardons en tête que cette racine pousse d'abord à la maison ou grâce aux amis que l'on fréquente.

Ce surveillant devra avoir l'oeil à tout : les individus louches qui attendent non loin de la sortie ou encore la surveillance des caméras. Il devra travailler en étroite collaboration avec le directeur et tout le corps enseignant. Tout incident doit lui être rapporté. Les rencontres régulières, c'est bien, mais il faut qu'elles réunissent tout le monde. L'objectif est de ramener une certaine discipline qui existait jadis, mais il ne sera pas atteint en un jour.

Aux parents de trouver le temps pour dialoguer avec leurs ados sans éviter les tabous. Il est de leur devoir d'être responsables. Tout comme en milieu scolaire, il faut créer un lieu d'échange du savoir et du savoir-vivre en collectivité.

Allons plus loin. Rien n'empêche d'imposer un couvre-feu, c'est-à-dire fixer une heure de sortie et une heure de retour. Même les activités sportives exigent la présence discrète du surveillant. Lui aussi doit être formé pour sa tâche préventive. La discipline n'est pas un frein mais plutôt une autonomie à cultiver.

Il y aura toujours des ados effrontés qui osent l'indiscipline, voire l'insolence, mais tous les excès se paient. La discipline se corrompt dès qu'on en néglige ses contraintes.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.