Au Sénégal, c'est un projet de loi qui fait polémique. Il concerne la réforme de la loi d'amnistie adoptée en mars 2024, qui prévoit d'exempter de poursuites les personnes responsables de crimes et délits commis lors des manifestations de l'opposition entre février 2021 et février 2024, ayant fait au moins 65 morts. Alors que les nouvelles autorités avaient promis d'abroger cette loi, la proposition du parti au pouvoir est finalement de l'interpréter plutôt que de l'annuler. Résultat : le 27 mars 2025, 18 associations de la société civile ont demandé au Parlement de reporter l'examen de la loi d'amnistie, afin de permettre l'instauration d'un consensus national.
Au Sénégal, « cette loi d'amnistie soulève aujourd'hui plusieurs questions : faut-il l'abroger ? Faut-il la maintenir ? Ou doit-elle être interprétée d'une manière particulière ? L'idée dominante reste, aujourd'hui, son abrogation », explique Maître Abibatou Samb, secrétaire générale de l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (ONDH).
« Avant de prendre une décision, il serait sage de suspendre l'examen du texte pour permettre une concertation nationale. Cela permettrait de discuter des conséquences d'une éventuelle abrogation, ainsi que des alternatives qui pourraient répondre aussi bien aux préoccupations de la société civile que des familles des victimes. »
Amnesty International se dit favorable au projet
De son côté, l'organisation Amnesty International, qui soutient depuis plus d'un an la demande des familles des victimes réclamant justice et réparation, se dit favorable au projet. Pour Seydi Gassama, directeur d'Amnesty International Sénégal, l'abrogation pure et simple de la loi n'étant pas possible, la loi d'interprétation telle que proposée par les nouvelles autorités est une bonne option pour éviter l'impunité.
Beaucoup de juristes, y compris les juristes de l'ancien pouvoir, l'ancienne garde des Sceaux Aissata Tall Sall, ont dit à plusieurs reprises que l'abrogation n'était pas possible, que la loi d'abrogation ne pouvait pas être rétroactive, et donc ils se retrouvaient dans une situation de blocage. Et c'est pour cela que nous pensons qu'il faut soutenir cette loi et faire en sorte qu'elle soit adoptée et que les victimes puissent avoir justice. Évidemment, les critiques pensent que ce sont les membres des forces de défense et de sécurité qui sont visés, ce qui n'est pas du tout exact. Il ne s'agit pas d'envoyer des membres des forces de défense et de sécurité à l'échafaud. Il s'agit d'enquêter, de situer des responsabilités et de poursuivre les personnes qui ont commis des crimes de sang.
Dans cette même dynamique, le député Amadou Ba, auteur de la proposition de loi, a assuré que les responsables des crimes, qu'ils soient civils ou issus des forces de sécurité, seront jugés de manière égale.
Le projet de loi doit être examiné par le Parlement le 2 avril 2024.