Tivaouane — Sur le principal point de vente du poulet local ou "poulet du pays" à Tivaouane, la clientèle assez restreinte pour ce type de volaille, se fait désirer à quelques jours, de la Korité, la fête marquant la fin du Ramadan.
Il est 11 heures. Sur le site faisant face à la préfecture et connu comme le principal lieu de vente de "poulets du pays" à Tivaouane, ce n'est pas l'offre qui fait défaut, mais bien les clients.
Au beau milieu de cet endroit niché entre le terrain jouxtant la route nationale, en face de la préfecture et les rails plus proches de la gare routière de Pire, les marchands attendent encore le moment du flux intense de transactions. Le rythme des commandes qui arrivent, reste encore en deçà des attentes.
C'est à croire que les traditionnels vendeurs de poulets locaux sont dans une mauvaise passe, face au "diktat" du poulet de chair produit de manière quasi-industrielle, mème s'ils peuvent encore compter sur une clientèle composée d' inconditionnels qui ne veulent même pas voir en photo les poulets de chair.
Amadou Woury Diallo, plus connu sous le nom de Baba Gallo, un vendeur de poulet local très connu à Tivaouane, où il officie depuis plusieurs années, propose aussi des pigeons et des pintades.
Il gagne sa vie grâce à cette activité qui lui a permis de construire sa maison et d'entretenir dignement sa famille.
Il y a "des clients qui ne consomment que les poulets du pays", explique-t-il, dans un entretien entrecoupé par des appels téléphoniques de clients qui passent leur commande pour la fête de Korité.
"Il y en a, dit-il, qui ont commandé des dindons, préférant dépenser 30.000F pour un dindon de 10 kilos, plutôt que d'acheter cinq poulets pays à raison de 5.000 F(CFA) l'unité", rapporte Amadou Woury Diallo.
Il a déjà enregistré l'essentiel des commandes, en attendant de les livrer.
Ousmane Ka, lui, n'affiche pas la même sérénité que Amadou Woury Diallo. "Depuis deux jours, je n'ai vendu que deux poulets", se plaint Ousmane Ka, qui dit vendre, en temps normal, cinq à sept poulets par jour.
La conjoncture n'épargne pas, visiblement, les clients, commente-t-il, disant croiser les doigts pour que la donne change d'ici la fin du week-end.
Pour s'approvisionner en poulets, Ousmane parcourt souvent les villages environnants pour renforcer son stock, en achetant aux éleveurs locaux ces poulets à des prix variant entre 3.000 et 6000 FCFA.
Mariama Diallo, la seule vendeuse de poulets du pays sur ce site, gagne sa vie grâce à la commercialisation de ce type de volaille qu'elle élève elle-même.
Des vertus mystiques prêtées au poulet du pays
"J'élève les poulets du pays et je me débrouille pour les écouler, car il y a encore des Sénégalais qui ne consomment que ce type de viande blanche", dit Mariama Diallo.
Au-delà de certaines préoccupations d'ordre gustatif ou autre, il y a une dose de superstition derrière cette préférence pour les poulets du pays auxquels certains attribuent la vertu de porter bonheur à ceux qui les consomment.
"Les anciens ont toujours conseillé la consommation de poulets du pays", dit Ousmane Ka.
"'Quand on voyage à l'étranger, il est conseillé de manger du poulet du pays la veille et le matin du départ. Quiconque le fait, ne rencontre que du bonheur durant tout le voyage"', soutient Ousmane Ka, selon qui, dans la société traditionnelle, les gens voyaient d'un bon oeil le fait de manger de la chair de poulet du pays.
Avant l'hivernage, les anciens suggéraient d'ingérer du poulet, pour espérer des récoltes abondantes. De la même façon que le poulet du pays gratte le sol pour se nourrir, sa consommation augure des moyens de subsistance à profusion, théorise Ousmane Ka, citant des croyances anciennes.
Ces trois vendeurs aux fortunes diverses, partageant la même faible affluence de clients, prient pour que les prochaines journées qui nous séparent de la Korité soient porteuses de plus de profit.