Saint-Louis — Les Saint-Louisiens manifestent pleinement leur générosité à l'heure de la rupture du jeûne ou iftar en arabe dans les rues de la vieille ville en distribuant gratuitement des repas dans plusieurs quartiers. Des moments de véritable partage et de solidarité en cette période de ramadan.
Au Sénégal, particulièrement dans la ville tricentenaire de Ndar qui a une longue tradition d'hospitalité, des repas sont offerts presque partout pendant tout le mois béni de ramadan aux nécessiteux et aux usagers de la route.
Les bienfaiteurs proposent surtout du pain au beurre ou du pain au chocolat et du café Touba.
Ces actes de solidarité semblent aujourd'hui bien ancrés dans le quotidien de beaucoup de jeunes de Saint-Louis au point qu'ils se regroupent parfois en associations.
Au quartier Sindoné situé dans la partie sud de l'île de Saint-Louis, "l'iftar" est plus que jamais une réalité. Depuis le début du mois de ramadan, des jeunes ont installé leur camp de base sur la rue Maître Babacar Sèye.
En ce lundi, il n'est encore que 18 heures. Mais, des chants religieux mélodieux résonnent déjà depuis un baffle bluetooth.
Vêtu d'une veste militaire assortie d'un jean, la tête coiffée d'un bonnet noir, Abdou Khadre Diallo semble être très à l'aise en mode "Baye Fall".
Il tient entre ses mains une petite calebasse ou "këll" (en wolof). C'est dans ce récipient que sont recueillies les contributions financières permettant d'acheter les différents ingrédients pour faire les repas offerts aux passants et aux nécessiteux.
"Notre initiative est encouragée du fait que le mausolée Chérif Sidy Ahmed Khoureychi, décrit comme étant un petit-fils du prophète Mohamed [PSL], se trouve ici. Nous sommes ici depuis notre enfance et nos grands-frères organisaient des +thiant+ [manifestations religieuses]. Mais c'est nous qui avons pris l'initiative d'organiser ce +ndogou partagé+", explique-t-il au reporter de l'APS.
Les initiateurs disent avoir démarré avec deux thermos (isolant qui maintient la température constante). Aujourd'hui, ils sont fiers de constater que tout le quartier a adhéré à cette initiative. Même s'ils sont en voyage, ce sont leurs jeunes frères qui prennent la relève, ajoute l'homme aux lunettes noires.
Il confie que la famille d'Ahmed Khouréychi basée à Dakar vient soutenir cette belle initiative, en leur offrant des produits alimentaires.
De l'avis d'Abdou Khadre, un habitant du quartier Sindoné, cette initiative remonte à plus d'une décennie.
"Depuis plus de 10 ans, on le fait. Plusieurs précurseurs de cette initiative sont maintenant à l'étranger. On le fait chaque jour pendant tout le mois de ramadan", déclare-t-il.
"On prépare des pains beurrés, du café au lait, du kinkéliba, du café Touba, etc. Plusieurs élèves des écoles coraniques de cette zone viennent ici pour couper le jeûne. On distribue également des cafetières au niveau des maisons qui se trouvent aux alentours. Chaque jour, on dépense au moins 15 000 FCFA", se félicite-t-il.
Marmites, tasses, fourneaux : rien n'est négligé pour satisfaire les bénéficiaires.
"On s'installe ici chaque jour à partir de 15h jusqu'après la rupture du jeûne. Après la rupture également, on apporte des bols de riz. Mais, ça c'est grâce à l'accompagnement de la famille Ahmed Khoureychi, surtout envers les enfants", souligne-t-il.
C'est une bonne cette initiative et surtout utile pour ceux que l'heure de la rupture trouve loin de chez eux, estime Abdou Khadre.
"Je pense que le partage des repas est une bonne initiative parce que même nous qui le faisons, il arrive parfois que la rupture du jeûne nous trouve hors de chez-nous. Rien que les prières que l'on reçoit chaque jour venant des gens qui coupent le jeûne ici, c'est déjà bénéfique. Le bienfait n'est jamais perdu", fait-il valoir. Il salue également l'accompagnement des bonnes volontés.
Au quartier Ndioloffène situé dans le faubourg de Sor, un repas partagé est organisé tous les jours pendant ce mois béni par des jeunes regroupés au sein de l'association "Ëutou Darou Sèye" [Ëutou : espace en français].
Une équipe composée d'au moins quatre personnes se retrouve chaque jour aux environs de 18h30, sous un arbre sur lequel s'affiche un portrait du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba [1853-1927].
"On le fait depuis plusieurs années et on compte pérenniser cette initiative. Ce n'est pas facile d'organiser tous les jours ce repas. Certains n'adhèrent parfois pas à cette initiative, par contre, d'autres viennent soutenir. Par exemple, il y a un vieux, à chaque fois qu'il part à la mosquée, il apporte sa contribution", fait savoir Mouhamed Diallo, membre des "marmites du coeur" de Ndioloffène.
Mouhamed Diallo reconnaît tout de même que ce n'est pas toujours facile de demander aux passants.
Et pourtant, tout l'argent récolté sert à préparer des repas de rupture du jeûne qui sont distribués aux nécessiteux, assure-t-il.
"Chaque jour, on dépense 10 000 FCFA. Rien que pour le pain, on achète une valeur de 4 000 FCFA. Le prix du café a également connu une hausse. Le sachet de 500 g est vendu entre 2100 et 2400 FCFA. Mais, on remercie le bon Dieu, parce qu'il nous facilite tout", indique-t-il.