Madagascar: Vanille - Des pistes de mesures viables pour relancer la filière

Le gouvernement est plus que jamais déterminé à relever le défi de la relance de la filière vanille.

Le ministère de l'Industrialisation et du Commerce, qui en assure la tutelle technique, concocte une batterie de mesures à court, moyen et long termes pour redonner à cette filière sa place dans le développement économique du pays.

Surstock

Pour rappel, le compte-rendu du conseil des ministres du 19 mars dernier fait état d'un surstock au sein de la filière vanille. Les statistiques disponibles confirment cette situation. En effet, d'après les estimations des industriels de l'agroalimentaire et des arômes, la demande mondiale annuelle se limite actuellement à 2 500 tonnes. Une demande largement inférieure à l'offre mondiale, rien que les exportations malgaches se chiffraient pour la campagne 2023 - 2024 à 4 500 tonnes, selon les données fournies par la douane et les rapports de l'International trade center. La production mondiale issue des grands pays producteurs comme Madagascar, Indonésie, Ouganda, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mexique, Comores... est estimée à 8 000 tonnes. En somme, la Grande île offre presque le double de la demande mondiale. C'est cette surproduction, aggravée par une concurrence mondiale accrue, qui explique en partie l'effondrement des prix internationaux de la vanille préparée, passés de 600 dollars en 2018 à seulement 50 à 80 dollars en 2024.

Phénomène d'expansion

Les analystes de la filière vanille expliquent notamment cette surproduction par la spéculation post-crise en 2018. En effet, les dégâts provoqués par le cyclone Enawo en 2017 ont provoqué une flambée des prix qui était à l'origine d'un phénomène d'expansion des plantations dans les zones de production. Alors qu'au niveau mondial, la concurrence devient de plus en plus en plus rude. Notamment de la part de l'Indonésie réputée par une production à faible coût en raison d'une main d'oeuvre bon marché et de l'utilisation de techniques intensives. L'Ouganda et la Papouasie Nouvelle Guinée sont aussi de sérieux concurrents avec leur qualité en forte croissance et leur label bio. Ou encore, le Mexique et les Comores avec leur marché de niche, haut de gamme et l'appellation « vanille authentique ». Mais la plus grave menace reste bien évidemment la vanille de synthèse qui représente plus de 97% du marché des arômes en raison de son coût, 20 fois inférieur à celui de la vanille naturelle.

Destruction massive

Quoiqu'il en soit, Madagascar n'en est pas à sa première expérience de surproduction de vanille. Le fait historique le plus marquant aura été sans conteste la destruction massive de stocks de vanille. En effet, en 1983, pour éviter un effondrement des prix, les autorités sous le régime Ratsiraka avaient décidé de brûler publiquement des milliers de tonnes de gousse de vanille. Rappelons que cette surproduction massive était la conséquence de la libéralisation du secteur dans les années 1970, combinée à une demande internationale en baisse. Cette crise de la vanille avait provoqué de graves conséquences économiques, notamment la perte de revenus pour les planteurs et le développement d'un marché noir.

On avait même assisté à une déforestation provoquée par certains paysans qui voulaient compenser les pertes par d'autres cultures. Des paysans qui avaient commencé à perdre leur confiance, quant à l'efficacité des politiques étatiques menées durant cette crise historique. Il n'y avait, par exemple, pas de politique de régulation des volumes exportés, alors que c'était le cas au début des années 80 avec le système « Vanilla Protocol ». La filière vanille est également sous l'emprise des intermédiaires, véritables prédateurs sans pitié, qui ne laissent que des miettes aux paysans producteurs. Ces derniers ne perçoivent ainsi que 5 à 10 % du prix final du produit. À cela s'ajoutent les effets néfastes du vol de vanille sur pied et l'instabilité des prix mondiaux, rendant la situation encore plus difficile pour les cultivateurs.

Un avenir meilleur. Face à ces défis, la filière vanille a plus que jamais besoin de mesures de relance. Les acteurs du secteur se réjouissent d'ailleurs de la volonté des autorités de s'attaquer aux causes profondes du problème. Elliot Zafy, président de l'Association des Sympathisants des Natifs d'Antalaha (ASNA), fait partie de ceux qui croient encore en l'avenir de cette filière, à condition de mettre en place des stratégies viables. Parmi les pistes envisagées figure la création d'un cartel des producteurs en collaboration avec l'Indonésie, l'Ouganda et le Mexique, afin de contrôler l'offre, à l'image de l'OPEP pour le pétrole.

L'instauration d'un stockage stratégique est également suggérée, permettant de conserver une partie de la production en réserve en cas de surplus, comme le fait l'Inde pour ses épices. La valorisation de la qualité à travers une certification rigoureuse est une autre option, visant à généraliser le label « Vanille de Madagascar » avec des normes de vanilline supérieures à 2%. Les opérateurs encouragent également le développement du marché bio et équitable, en ciblant particulièrement les consommateurs européens et nord-américains. Enfin, la création d'une usine locale d'extraction de vanilline est même envisagée pour mieux tirer profit de cette précieuse épice. Bref, la mise en place d'un ensemble de mesures adaptées est plus que jamais nécessaire pour relancer durablement la filière vanille de Madagascar.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.