Madagascar: À nos actes manqués

Ça aurait été une excellente occasion, pour le Gouvernement, d'associer la mémoire du 29 mars 1947 et la revivification d'un Nouvel An malgache, célébré les 29 et 30 mars. Deux facettes du même discours nationaliste.

L'hésitation du Gouvernement peut se comprendre par la rivalité de deux dates : «fararano», automne et fin de la saison des pluies dans notre hémisphère austral, ou «lohataona», littéralement la tête-de-l'an, au printemps (le temps-premier) de notre partie du monde à cheval sur le tropique du Capricorne.

Je fais mention spéciale des célébrations qui n'ont fait aucune allusion au calendrier polémique de l'Alahamady. Un calendrier qui, finalement, ne remonte pas au-delà des 15e -16e siècles, et n'a donc pas plus de légitimité particulière que celui de Ranavalona II, au regard des (vrais) premiers Ntaolo que d'aucuns appellent Vazimba.

La rivalité, en effet, concerne désormais moins les Chrétiens, accusés d'avoir renié l'ancestralité depuis le baptême protestant de la Reine Ranavalona II et du Premier Ministre Rainilaiarivony en 1869 (à ce titre, on pourrait reprocher aux islamisés d'avoir changé une proto-coutume pour imposer une deutero-tradition que le 19e siècle allait à son tour modifier), que les différentes obédiences des «mpanaja ny fomban-drazana», la coutume des Anciens.

De quels Anciens est-il question ? Associées, l'archéologie et la linguistique avec la génétique, indiquent un peuplement possible de l'île il y a plus de 2000 ans. La religion de ces Austronésiens partis d'Asie du Sud-Est n'était ni le christianisme, ni l'islam. «La plus belle énigme du monde», excellente trouvaille pour qualifier le peuplement de Madagascar, si elle n'a pas encore dévoilé tous ses secrets, ne permet cependant plus les raccourcis qui font se télescoper les mythes et les légendes, les «angano» avec les «arira».

Le Nouvel An malgache, celui du «fararano» comme celui du «lohataona», a encore besoin d'activer un lobbying similaire à celui qui permet aujourd'hui aux ramadanistes de bénéficier d'un jour férié.

Post-scriptum : à titre documentaire, ce texte de feu Jean-Pierre Domenichini : «Asaramanitra est le nom du premier mois de l'année dans le calendrier qu'utilisaient les grands ancêtres jusqu'au 13e siècle. Il se situait en septembre et était annoncé par le trandraka qui sortait de son hibernation et par le chant du taotaokafo qui revenait de sa migration annuelle en Afrique. Avec le retour d'une température plus clémente et propice aux nouvelles cultures, c'était le lohataona, c'est-à-dire le « début de l'année ».

C'était la grande fête agraire du renouveau de la vie qui était associée au rituel dynastique du Bain ou Fandroana. Elle marquait le début de l'année solaire qui dure 365 jours environ. Cette tradition asiatique fut modifiée aux 13e - 14e siècles par l'adoption de la semaine de sept jours et surtout celle de l'année lunaire qu'utilisaient les Arabes. Or, l'année lunaire n'ayant que 354 jours environ, le début de l'année commença à se déplacer dans le cadre de l'ancienne année solaire.

Lors de l'adoption du nouveau calendrier, le premier mois de l'année fut d'abord celui d'Alakaosy ou mois du Sagittaire qui demeure le signe sous lequel sont faits les rituels des anciens rois comme Rapeto, Rasoalao et Ramaitsoakanjo. Il advint au 16e siècle que, dans l'ensemble des réformes qu'institua le roi Ralambo, le Fandroana et le début de l'année furent placés au début du mois d'Alahamady ou mois du Bélier, qui était le mois de la naissance de Ralambo».

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