«Le patrimoine, c'est quelque chose d'utile que tous les pays riches exploitent. Et nous, on est à la traîne.» Petite phrase, grand enseignement signé Nelly Ardill. Elle avait comme une pierre taillée à la place du coeur. Tant elle s'est mobilisée en faveur des patrimoines en état de délabrement avancé. Des années à parlementer avec mairies, ministères et corps paraétatiques autant qu'avec des habitants. Des années à mobiliser les bonnes volontés autour des vestiges qui ont marqué l'histoire de Maurice. Après un riche parcours, Nelly Ardill s'en est allée. Elle avait 83 ans.
Armée de ses convictions à la pelle. De sa détermination farouche. Cette petite bonne femme partait à l'assaut des citadelles. Ses yeux bleus éclairaient deux mots qu'elle répétait : «Pas peur». Pas peur de dénoncer le laxisme des autorités. Ni l'ignorance et la peur des représailles qui empêchent d'honnêtes citoyens de signaler des cas de pillage, parfois commis par des voisins.
Après 25 ans et plusieurs vies à l'étranger, notamment aux Seychelles, Nelly Ardill revient à Maurice en 2005. Elle a alors le projet de monter un musée des arts. Comme elle connaissait les peintres et qu'il y a une «école mauricienne de la peinture, qui a duré 150 ans», c'est ce qu'elle veut mettre en valeur. Mais des obstacles s'accumulent. Ils ne l'empêchent pas d'être hypersensible à d'autres beautés.
Pendant dix ans, la voilà sur tous les fronts du patrimoine. D'abord sous sa casquette de présidente de l'association SOS Patrimoine en péril. Puis celle de membre du conseil d'administration du National Heritage Fund.
Nelly Ardill s'est engagée en faveur de la collection Rochecouste et des tableaux disparus du musée de Port-Louis, du jardin de Pamplemousses. Elle avait fait de la rénovation de l'hôtel de Ville de Curepipe son cheval de bataille. Proposant d'en faire un chantier école pour retrouver des savoir-faire disparus des charpentiers de marine, indispensables à la rénovation de bâtiments d'époque. Elle avait passé beaucoup de temps et d'argent sur la question du sort de l'ex-école Beaugeard. Elle a vu passer la démolition de La School, pour la construction de la nouvelle Cour suprême.
Nelly Ardill ne cachait pas que certaines initiatives n'avaient pas abouti. Comme pour la collection Mauriciana de la bibliothèque Carnegie. «On nous a fait comprendre : pas touche», confiait-elle. Ou alors au village du Morne. «Ce n'est pas du patrimoine, mais il y avait un minimum à faire. Et puis, d'un seul coup, le Morne Heritage Trust Fund nous a viré manu militari, en disant que le village, c'est de leur ressort.» Cela n'avait pas empêché Nelly Ardill de dire : «Il faut qu'il y ait des volontés politiques en dehors des politiciens.»
Auteure, elle a signé un petit livre pour sensibiliser des jeunes publics à la nécessité de préserver le patrimoine. Son titre : Les racines du futur résonne comme un appel que lance Nelly Ardill pardelà le temps.