Dakar — Après une pause d'une heure, les députés ont repris la séance plénière consacrée à l'examen de la proposition de loi portant interprétation de la loi d'amnistie des faits liés aux événements politiques qui se sont déroulés entre 2021 et 2024.
Les travaux ont démarré en début de matinée par la lecture du rapport de la commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains.
Il s'en est suivi des questions préalables soulevées par le député Abdou Mbow du groupe parlementaire Takku-Walu (opposition) et son collègue Tafsir Thioye de Sopi Sénégal (opposition).
Les députés sont appelés à se pencher, ce mercredi, sur la proposition de loi d'interprétation de la loi d'amnistie couvrant les événements de 2021 à 2024, un texte qui suscite une controverse et divise l'opinion.
Ce texte porté par le député Amadou Ba n°2, membre du groupe parlementaire du parti au pouvoir PASTEF, vise à "clarifier le champ d'application de la loi d'amnistie pour y exclure notamment toutes les infractions criminelles ou correctionnelles qui seront qualifiées de tortures, d'actes de barbarie, de meurtre, d'assassinat, de disparition forcée de personnes et d'utilisation de nervis armés", a précisé le groupe PASTEF lors d'une conférence de presse.
Selon l'auteur de cette proposition de loi, "tous les auteurs d'actes d'assassinat, d'actes de tortures et de meurtres, quel que soit le bord politique auquel ils appartiennent, ne seront jamais couverts par l'amnistie".
Il a laissé entendre que le Sénégal a l'obligation de se conformer à plusieurs conventions internationales que le pays a ratifiées en matière de droits humains, dont la déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international des droits civils et politiques, la Convention contre la torture.
Seulement, une partie de l'opposition et de la société civile voit dans cette proposition de loi d'interprétation une manière de "protéger" des manifestants pouvant appartenir ou avoir des liens avec le parti au pouvoir.
Le député Amadou Ba a semblé réagir aux critiques, en proposant des amendements à sa proposition de loi, sans faire cesser les critiques contre son texte qui continue de susciter la polémique.
Du point de vue de la présidente du groupe Takku-Wallu de l'opposition, Aissata Tall Sall, cette proposition de loi d'interprétation est "illégitime, immorale et dangereuse".
La loi d'amnistie a "toujours été claire" et donc n'a point besoin d'être interprétée, fait valoir Aïssatou Tall Sall, dernier garde des Sceaux sous le régime de l'ancien président Macky Sall, qui a présenté et défendu la loi d'amnistie à l'Assemblée nationale lors de son adoption en mars 2024.
Des non-inscrits comme le député Thierno Alassane Sall considèrent qu'avec cette "nouvelle interprétation de la loi d'amnistie", "PASTEF persiste dans la tromperie".
Lundi, à quelques heures de l'examen de cette proposition de loi d'interprétation de la loi d'amnistie, vingt organisations de la société civile sénégalaise ont appelé à des "concertations inclusives" avant le vote du texte.
Ces organisations ont réitéré leur plaidoyer pour "la lutte contre l'impunité" et "l'indemnisation des victimes", avant de demander "un sursis" à l'examen de la proposition de loi interprétative de la loi d'amnistie.
Des parlementaires de l'opposition ont annoncé ne pas exclure de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel, si le texte est adopté par l'Assemblée nationale.
C'est donc dans ce contexte marqué par des divergences profondes au sein de l'opinion que l'Assemblée nationale s'apprête à examiner, ce mercredi, la proposition de loi portant interprétation de la loi d'amnistie.