« Mythe, Choc et effroi » sont quelques-uns des qualificatifs, entre le dithyrambique et le scepticisme, dont les médias se servent pour brocarder le zèle de Donald Trump II à la Maison Blanche.
Celui qui, lors de sa campagne électorale, a promis de redonner aux Etats-Unis leurs puissances des années glorieuses, dès son investiture le 19 janvier dernier, s'est lancé dans sa course aux 100 décrets, les uns plus emblématiques que les autres, pour "révolutionner l'Amérique et le monde".
100 décrets en 100 jours, c'est le pari fou que s'est fixé le milliardaire new-yorkais, qui veut gouverner les Etats-Unis comme une entreprise qui doit faire des profits. A deux semaines des 100 premiers jours de son retour dans le bureau ovale, combien de décrets lui restent-ils à parapher pour gagner son pari ?
Pour sûr, il en a signé beaucoup, médiatisant certains plus que d'autres. Aux analystes, journalistes, économistes, chefs d'entreprises, diplomates et adversaires politiques d'en parler ou d'en tirer toute information à toute fin utile. En tout cas, ceux de ces décrets des 100 premiers jours qui font le plus de relief dans l'actualité portent sur la protection des frontières américaines, l'économie et l'environnement.
C'est connu, ils sont déjà des milliers d'immigrants illégaux aux Etats-Unis qui sont renvoyés manu militari chez eux ou dans des pays tiers. Pendant ce temps, les restrictions sur le visa d'entrée font grincer des dents à des étudiants, des chercheurs, des travailleurs, y compris des vacanciers qui ne sont plus sûrs d'y retrouver leurs emplois. Dans la même veine de « l'Amérique d'abord » qui doit recouvrer sa puissance d'antan, les nouveaux décrets Trump II donnent de sérieux coup de canif aux accords sur le climat et la protection de l'environnement négociés pied à pied lors des fameux sommets COP.
Cependant, ce sont les lois sur l'efficacité du gouvernement américain et la protection de son économie qui feront le plus date dans l'histoire du 2e mandat du président Donald Trump, et pour cause : celles portant modification des tarifs douaniers ont des dispositions qui vont au-delà du simple protectionnisme pour être une véritable déclaration de guerre économique contre le monde, y compris les alliés traditionnels et les partenaires privilégiés des Etats-Unis : Canada, Union européenne, Japon, Corée...
C'est à croire que la nouvelle administration Trump en veut au monde entier pour le déficit devenu chronique de la balance commerciale (environ 918,4 milliards de dollars en 2024) ; le faible taux de croissance rédhibitoire de son économie (2,8% en 2023 et 2,9% en 2024) ; le chômage (4,10 % en décembre 2024) et le manque de compétitivité des industries traditionnelles des Etats-Unis : celles de l'automobile, de l'agro-alimentaire, et du pétrole.
La colère de Trump II s'expliquerait et d'un, par les performances économiques de pays comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui ne lui grignotent pas que des parts de marchés du commerce international mais aussi et de deux, menacent son influence politique et géostratégique. Pendant ce temps, l'Oncle Sam doit offrir un parapluie de protection militaire coûteuse à l'Europe, au Japon et à la Corée du Sud, tout comme une dispendieuse aide humanitaire à des pays du Sud en guerre ou victimes de maladies comme dans les 2 Soudan, les pays des Grands lacs ou d'Afrique australe. Ce n'est pas pour rien que l'un des 1ers décrets de Trump II porte sur la suppression de l'USAID et sur le retrait des Etats-Unis de l'OMS.
A l'évidence, les décrets qui inaugurent le 2e mandat du président Trump sont un condensé d'une déclaration de guerre économique. Au demeurant, comment un Etat pourrait affirmer ou réaffirmer son impérium, son magister sur le monde sans une, voire plusieurs guerres. « La guerre est une extension de la politique avec d'autres moyens », selon Von Clausewitz, qu'elle soit militaire ou économique. Celle déclarée par Donald Trump est économique et mondiale. En effet, si des pays comme la Chine, l'Inde, et l'Union européenne sont les premiers à être dans le viseur des Etats-Unis, tous les pays africains vont prendre, non pas des balles perdues mais calibrées à la taille de leurs produits d'exportation.
Exit donc la loi sur la croissance et les opportunités économiques en vigueur depuis 2000 qui allégeait ou supprimait les droits à l'importation de 1800 produits made in Africa aux Etats-Unis. Fini également le système généralisé de préférence par le biais duquel 5000 produits des pays du Sud étaient éligibles à des faveurs de franchises douanières.
Les Etats-Unis, qui par ces mécanismes de faveur, ont voulu booster leurs échanges commerciaux avec l'Afrique, ce sont rendus compte qu'ils n'en tiraient pas profit. Pendant que sa balance commerciale était de plus en plus déséquilibrée, il leur fallait souffrir de barrières douanières défavorables à l'entrée de leurs productions dans ces pays qu'ils veulent aider. De quoi doucher toute philanthropie à un capitaliste bon teint comme Donald Trump, porté à bout de bras par des golden boys comme Elon Must, Marc Zuckerberg, Sergey Brin, Larry Page... qui se voient en nouveaux conquistadors du monde.
Et tant pis pour la morale philanthropique d'une Amérique croyante ! A la guerre comme à la guerre et des pays pauvres et fortement endettés comme le Lesotho, Madagascar, le Botswana, l'Angola, la Libye, etc. se prennent des droits de douanes de 30% à 50% sur des produits comme le textile, la vanille, le diamant, le pétrole, etc.
En attendant que les statisticiens affinent leurs chiffres, les baisses de production et d'exportation dans les pays frappés de plein fouet par cette hausse des tarifs douaniers pourraient subir des pertes d'emplois de 60 000 à 6 millions en Afrique en 1 an. Excusez du peu !
Faut-il rire ou pleurer de ce lâchage en plein 21e siècle des illusions d'un monde de paix, solidaire dans un village planétaire, où sont promus l'aide au développement, les droits de l'homme et des peuples ? En tout cas l'Oncle Sam dans ce qui lui reste de résilience philanthropique n'a pas augmenté les droits de douanes sur les métaux rares et stratégiques comme le cuivre, le cobalt ou le lithium.
Au contraire, il a dépêché son nouveau conseiller principal pour l'Afrique, Massad Boulos, en RDC, au Rwanda et en Angola. En compagnie de la sous-secrétaire d'Etat, Corina Sanders, ils devraient rencontrer les autorités politiques mais aussi des chefs d'entreprises pour « faire avancer les efforts de paix en vue d'une paix durable » dans l'est de la RDC, sans passer sous silence l'accès des Etats-Unis à ses minéraux rares.
Mercantilisme quand tu nous tiens ! En matière de guerre économique, Donald Trump n'invente absolument pas la roue. C'est un « mode normal de relations internationales où des économies concurrentes utilisent le jeu des échanges internationaux pour capturer le maximum de ressources ». Exit donc l'AGOA, vive le colbertisme à la Trump.
NDLR : Colbertisme, de Colbert, ministre des Finances de Louis XIV qui prônait le mercantilisme comme l'un des moyens de remplir les caisses du royaume