Madagascar: Choc tarifaire - Washington impose 47% de droits de douane sur les produits malgaches

L'annonce est tombée comme un couperet. Le 2 avril, les autorités américaines ont décidé d'imposer un tarif douanier de 47 % sur l'ensemble des produits en provenance de Madagascar. Une mesure unilatérale, aux effets potentiellement ravageurs, qui pourrait sonner comme la fin anticipée du programme Agoa, accord préférentiel destiné à stimuler les exportations africaines vers les États-Unis.

Officiellement, l'administration Trump justifie cette décision par une politique dite de «réciprocité commerciale», visant à pénaliser les pays n'ouvrant pas suffisamment leurs marchés aux produits américains. En réalité, cette vague de sanctions tarifaires touche l'ensemble du continent africain. Madagascar se retrouve parmi les pays les plus lourdement frappés.

Un effondrement possible des exportations

L'impact pourrait être immédiat et massif. Madagascar a exporté pour 733,2 millions de dollars de biens vers les États-Unis en 2024, contre seulement 53,4 millions de dollars d'importations américaines. Cette balance, jusqu'ici favorable à la Grande Île, est aujourd'hui en péril.

Le secteur textile, principal bénéficiaire de l'Agoa, avait relancé l'emploi industriel avec plus de cent mille emplois créés, représentant une majorité de l'activité des zones franches. Grâce à la franchise de droits, le «Made in Madagascar» était devenu compétitif sur le marché américain. Avec plusieurs centaines de millions de dollars d'exportations textiles enregistrées, le secteur repose largement sur ce partenariat. La nouvelle taxe risque d'avoir des conséquences en chaîne sur l'emploi, les devises, et les recettes fiscales.

La vanille, dont les États-Unis absorbent une part significative se retrouve également en première ligne. Une chute de la demande, liée à la hausse brutale des coûts, pourrait se traduire par un effondrement des prix payés aux producteurs, déjà exposés à la volatilité des prix.

Quant aux exportations minières (nickel, cobalt, titane), elles pourraient se détourner du marché américain si la compétitivité malgache est érodée. Cependant, inscrits dans la liste des «minéraux critiques», ces produits devraient être épargnés par ces nouvelles dispositions douanières édictées par Trump.

Alors que les signaux d'un durcissement de la politique commerciale américaine étaient visibles depuis plusieurs mois y compris lors du dernier déplacement officiel à Washington, le ministère du Commerce n'a, semble-t-il, pas engagé à temps les démarches nécessaires pour anticiper pleinement cette évolution.

Après l'annonce des nouveaux droits de douane, des contacts ont été établis par les autorités avec l'ambassade des États-Unis pour solliciter des clarifications.

Face à la gravité de la situation, la diplomatie économique malgache est désormais appelée à jouer un rôle central. Elle devra combiner fermeté et pragmatisme pour éviter que cette décision ne se transforme en désastre social.

La voie bilatérale, une issue crédible

La stratégie américaine vise clairement à contraindre les pays visés à revenir à la table des négociations. Madagascar pourrait opter pour une négociation bilatérale ciblée, visant à préserver l'accès aux marchés sensibles comme le textile et la vanille, en échange de concessions tarifaires ou réglementaires.

Le déséquilibre de puissance rend cette voie complexe, mais elle demeure la plus réaliste à court terme. Une posture diplomatique affirmée, soutenue par une équipe dédiée, sera nécessaire pour obtenir des marges de manoeuvre.

Cette crise rappelle une vérité structurelle : la trop grande dépendance à un partenaire expose aux revirements de politique extérieure. Madagascar doit accélérer la diversification de ses débouchés. L'Union européenne reste une alternative crédible, de même que les marchés asiatiques, ceux de la Zlecaf ou de la COI.

Mais cette diversification exige plus qu'une volonté : elle nécessite des investissements dans la qualité, la certification, la logistique, et un appareil diplomatique capable de prospecter, convaincre et défendre.

Le choc tarifaire imposé par Washington constitue une alerte sévère. Reste à savoir si Madagascar saura la transformer en électrochoc pour son appareil commercial, diplomatique et industriel.

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