Tunisie: Mesures protectionnistes de Trump - Le pays face au séisme du commerce mondial

4 Avril 2025

« Les exportations tunisiennes vers les Etats-Unis (huile d'olive, agroalimentaire, textile) risquent d'être affectées par les nouvelles politiques protectionnistes. De plus, la hausse du coût des importations (énergie, agroalimentaire) pourrait aggraver le déficit commercial », précise Mohsen Hassan.

Comme il l'avait promis, Donald Trump, le président américain, a mis ses menaces à exécution et a décidé de frapper fort le 2 avril, lors de ce qu'il a appelé le «libération day». Il a annoncé la mise en place de taxes de réciprocité pour les pays dont l'administration américaine estime qu'ils surtaxent les produits américains.

Si l'Union européenne et la Chine sont sans conteste les plus touchées directement par ces mesures américaines, l'ensemble du commerce international est ébranlé. Jusqu'à présent, nous pensions que notre pays ne serait touché que par ricochet par la politique protectionniste de Donald Trump, mais voici qu'hier, dans le tableau, figure la Tunisie qui sera frappée d'une taxe de 28 % sur l'ensemble des produits que nous exportons vers les Etats-Unis. Tout calcul fait, l'administration américaine a évalué à 55 % la taxation que nous imposons sur les produits américains.

Des droits de douane revus à la hausse

«Les marchandises importées de Tunisie peuvent être soumises à des droits de douane allant jusqu'à 200 %. Les produits agricoles sont taxés entre 0 % et 50 %, la plupart étant dans la fourchette de 36 % à 50 %. Tous les produits soumis aux droits de douane sont également assujettis à une taxe administrative de 3% sur le total des droits acquittés», peut-on lire dans le rapport élaboré par l'Administration du commerce international (ITA), qui fait le bilan des rapports commerciaux des Etats-Unis avec le reste du monde. Le rapport volumineux, qui consacre trois pages à la Tunisie, évoque également des barrières non tarifaires, des barrières à l'investissement ainsi que des lacunes dans la protection de la propriété intellectuelle.

« Les investisseurs américains soulignent des retards administratifs, un manque de transparence, une concurrence déloyale des entreprises publiques et des difficultés bureaucratiques pour l'enregistrement des entreprises», peut-on lire dans le rapport américain.

Contacté par La Presse, l'expert en économie et ancien ministre du Commerce, Mohsen Hassan, note évidemment que les conséquences ne seront pas négligeables pour la Tunisie, alors que notre économie doit encore confirmer sa résilience.

«Les exportations tunisiennes vers les États-Unis (huile d'olive, agroalimentaire, textile) risquent d'être affectées par de nouvelles politiques protectionnistes. De plus, la hausse du coût des importations (énergie, agroalimentaire) pourrait aggraver le déficit commercial », précise Mohsen Hassan. Sur le plan macroéconomique, l'expert considère que la nouvelle orientation de la politique américaine pourrait entraîner une appréciation du dollar, ce qui augmentera les pressions inflationnistes via l'inflation importée, et risque fort de réduire encore le pouvoir d'achat des Tunisiens. Par conséquent, la Banque centrale, dans une optique de maîtrise de l'inflation, ne sera pas en mesure de baisser le taux directeur au rythme souhaité par les opérateurs.

Baisse des transferts des TRE

Par ailleurs, comme partout dans le monde, le chamboulement du commerce mondial, l'incertitude économique et la hausse des coûts entraîneront probablement le ralentissement voire le freinage, des investissements, et particulièrement les investissements directs étrangers (IDE).

Ensuite, c'est une réaction en chaîne qui pourrait se produire, explique Mohsen Hassan. Si la Tunisie a toujours été un pays solvable, elle devra, en 2025, payer un service de la dette de 18,2 milliards de dinars, dont 60 % en dollars. Or, avec l'appréciation de la monnaie américaine, le coût du service de la dette augmentera significativement au cours des neuf prochains mois.

Autre conséquence de la politique de Donald Trump et du ralentissement de l'économie mondiale qui en découle, la probable baisse des transferts des Tunisiens résidant à l'étranger (TRE). Des transferts qui représentaient jusqu'à présent une bouffée d'oxygène pour l'économie tunisienne. Face à cette menace imminente, notre interlocuteur appelle à repenser les choix stratégiques de la Tunisie, notamment à travers une politique volontariste de réduction des déficits jumeaux (budgétaires et courant). Selon lui, les entreprises publiques doivent devenir plus productives et « jouer un rôle plus actif dans la génération de revenus ». L'Etat doit également cesser de vivre au-dessus de ses moyens et resserrer de manière conséquente la ceinture des dépenses publiques. D'un autre côté, et pour trouver des alternatives à nos exportations, Mohsen Hassan préconise une diversification des marchés d'exportation. « Il est crucial, affirme-t-il, d'orienter les exportations tunisiennes vers de nouveaux marchés, notamment en Afrique et en Amérique latine, tout en consolidant le partenariat avec l'Union européenne, et ce, par le truchement de mesures d'encouragement à l'exportation qui doivent être adoptées en toute urgence».

Mais ces mesures d'urgence ne doivent sans doute pas occulter les réformes structurelles auxquelles doivent s'atteler nos gouvernants, pour restaurer la confiance des investisseurs et améliorer l'environnement des affaires.

Mohsen Hassan souligne enfin que cette nouvelle politique américaine et la relance d'une politique keynésienne en Europe, avec des investissements massifs, pourraient bénéficier à la Tunisie à travers une interconnexion économique renforcée avec l'Union européenne.

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