Ile Maurice: Agaléga - Infrastructures fragiles, services limités et une population en attente de réponses

Agaléga porte encore les stigmates du passage dévastateur du cyclone Chido. Entre infrastructures endommagées, problèmes d'approvisionnement et manque d'opportunités pour les jeunes, les habitants ont de nombreuses doléances à exprimer. C'est dans ce contexte que le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, à la tête d'une délégation ministérielle, s'est rendu sur place pour une visite de deux jours afin d'évaluer la situation et proposer des solutions.

Un archipel meurtrie après le passage du cyclone chido

Un hangar de l'aéroport a été entièrement détruit, et plus de 150 habitants ont dû trouver refuge dans un bâtiment de fortune pendant la tempête. Les plantations de cocotiers, source majeure d'activité économique pour l'île, ont été sévèrement touchées, avec des arbres déracinés et des cultures perdues. Plusieurs maisons ont été endommagées, mettant en évidence la nécessité de renforcer les infrastructures résidentielles contre les intempéries. L'hôpital manque cruellement de matériel, et certaines pathologies ne peuvent être prises en charge correctement, forçant les habitants à attendre l'arrivée de médecins itinérants qui, bien souvent, arrivent sans l'équipement nécessaire pour traiter les patients.

Une délégation ministérielle constate l'ampleur des dégâts

Le voyage vers Agaléga s'est fait à bord du vol Air Mauritius MK 2902. Parmi les membres de la délégation figurent les députés de la circonscription n°3 (PortLouis Maritime - Port-Louis Est) : Ehsan Juman, Aadil Ameer Meea et Shakeel Mohamed, qui pour la première fois se rendaient ensemble sur l'île. Cette visite avait pour principal objectif d'évaluer les besoins en développement de l'archipel et d'identifier les projets prioritaires pour améliorer la qualité de vie des habitants.

Shakeel Mohamed, accompagné d'une équipe du ministère du Logement et des Terres, a travaillé sur un plan d'urbanisation pour Agaléga, avec un accent particulier sur la question du logement durable. De son côté, Ajay Gunness, ministre des Infrastructures nationales, a inspecté les dégâts aux bâtiments publics et aux équipements essentiels.

Des doléances multiples exprimées par les habitants

Lors de la première journée de visite sur l'île du Nord, plusieurs habitants ont exprimé leurs préoccupations face aux difficultés qu'ils rencontrent au quotidien.

Edouard, l'un d'eux, a évoqué les problèmes d'éducation, expliquant que les enfants du sud de l'île ont du mal à se rendre à l'école en raison de l'absence de transport adapté. Les marées basses compliquent les déplacements en bateau, rendant l'accès aux infrastructures scolaires difficile.

D'autres habitants ont soulevé la question de l'approvisionnement en denrées alimentaires. Aujourd'hui, les habitants du Sud doivent se rendre dans le Nord pour acheter des produits de première nécessité, une situation compliquée par les difficultés de transport.

Le manque de soins médicaux est également une préoccupation majeure. L'hôpital de l'île est souséquipé, et les visites du dentiste itinérant ne sont pas efficaces, car il arrive sans son matériel. L'absence de spécialistes complique le suivi des patients souffrant de maladies chroniques.

L'accès à la communication pose également problème. Les Agaléens ont dénoncé la mauvaise qualité du réseau téléphonique fourni par Emtel, rendant difficile la communication avec Maurice en cas d'urgence.

Les jeunes de l'île sont particulièrement touchés par le manque d'opportunités économiques. Beaucoup se retrouvent sans emploi, faute de perspectives professionnelles. Certains résidents ont suggéré que les enfants puissent passer leurs vacances scolaires à Maurice pour découvrir d'autres horizons et bénéficier d'une meilleure éducation.

Île du sud : une population livrée à elle-même

Le lendemain, la délégation s'est rendue dans l'île du Sud, où les habitants de Grande Case ont également exprimé leurs doléances. L'un des faits marquants de cette journée a été la détermination de Paul Bérenger, âgé de 80 ans, qui n'a pas hésité à monter à bord d'un bateau et à se mouiller pour rejoindre la population locale.

Steeve Clarisse, Resident Manager l'île du Sud, a dénoncé la destruction d'un bâtiment construit en mars 2024 pour abriter les bureaux de l'Outer Islands Development Corporation (OIDC) et un centre communautaire. Cette structure, censée servir d'abri en cas de cyclone, n'a pas résisté à Chido, obligeant les Agaléens à se réfugier dans des bâtiments plus anciens, construits en 1995.

Les problèmes de communication ont été une nouvelle fois soulevés. Pendant le cyclone, les habitants du sud se sont retrouvés totalement isolés, incapables de contacter qui que ce soit en raison de l'absence de réseau. Certains demandent l'installation d'un téléphone satellite ou de radios pour pouvoir communiquer en cas d'urgence.

Le cas de Juliano Paul, un jeune de 23 ans souffrant d'un handicap depuis sa naissance, a particulièrement ému la délégation. Sa pension a été coupée il y a huit mois, et les autorités lui ont demandé de se rendre à Maurice pour une évaluation médicale avant de réexaminer son dossier. N'ayant pas les moyens de financer un tel voyage, il s'est retrouvé sans ressources. Les ministres ont promis de prendre en main son dossier pour qu'il puisse récupérer son allocation sans avoir à se déplacer.

Un autre cas préoccupant concerne une infirmière mauricienne mariée à un Agaléen, qui a vu son contrat de travail ne pas être renouvelé. Depuis, l'hôpital du sud est privé de personnel médical qualifié.

Un constat accablant et des engagements gouvernementaux

«Nous avons vu de nos propres yeux l'état des maisons, des bâtiments publics et des équipements. Il y a un travail immense à faire pour reconstruire et moderniser Agaléga. Nous devons agir rapidement pour éviter que l'île ne reste dans cette situation critique trop longtemps», a déclaré Paul Bérenger.

Le Premier ministre adjoint a aussi reconnu que le travail des fonctionnaires dépêchés sur place pour faire un premier état des lieux n'a pas été suffisant. Il a annoncé qu'un rapport détaillé sera soumis dans les prochains jours et que des discussions auront lieu avec le Premier ministre Navin Ramgoolam pour décider des prochaines étapes.

Des conditions de vie difficiles

Au-delà des dégâts matériels, la délégation a été frappée par les conditions de vie précaires des Agaléens. Paul Bérenger a affirmé que le gouvernement prendra des mesures pour améliorer la qualité de vie sur l'île, en commençant par la question du logement. «Nous avons hérité d'une situation compliquée et nous devons trouver des solutions viables pour l'avenir. Nous ne voulons pas faire les mêmes erreurs que le gouvernement précédent, qui avait approuvé la construction de maisons à des coûts exorbitants, atteignant Rs 20 millions par unité. Ce projet n'a jamais abouti, et aujourd'hui, les Agaléens en souffrent encore. Nous devons revoir entièrement notre approche.»

Le ministre du Logement et des Terres, Shakeel Mohamed, a précisé que ses équipes ont étudié les meilleures options pour reconstruire des logements adaptés aux réalités climatiques de l'île.

Des infrastructures à repenser

Autre sujet majeur abordé lors du point de presse : la question des infrastructures essentielles. Paul Bérenger a évoqué le cas du navire MV Trochetia, qui a été endommagé et devra rentrer à Maurice le 9 avril après des réparations effectuées à Madagascar. Une enquête sera menée sur cet incident et sur la gestion de la Mauritius Shipping Corporation, en charge des liaisons maritimes vers Agaléga.

Concernant l'usine de dessalement et la station d'épuration, le Premier ministre adjoint a pointé du doigt un manque de planification de la part de l'ancien gouvernement : «Ces installations ont été achetées sans qu'un plan de maintenance ne soit prévu. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec des infrastructures qui nécessitent des interventions urgentes. Il faut mettre en place un programme de suivi et de maintenance. »

Paul Bérenger a également abordé la question de la jetée, affirmant qu'aucun défaut structurel n'a été constaté mais que son design ne permet que l'accostage de petits bateaux. «Il fallait construire un véritable petit port pour Agaléga. C'est un point que nous allons devoir analyser en profondeur», a-t-il ajouté.

L'un des sujets les plus sensibles abordés lors du point de presse a été la présence indienne sur Agaléga et les rumeurs persistantes concernant l'existence d'une base militaire. Paul Bérenger a tenu à clarifier la position du gouvernement mauricien : «Il n'y a pas de base militaire sur Agaléga. Nous avons lu mot pour mot l'accord signé avec l'Inde et il n'y est fait aucune mention d'une base militaire.»

Il a également évoqué la construction en cours d'un nouveau radar pour surveiller l'océan Indien et lutter contre la pêche illégale et d'autres activités illicites. Plus de 60 conteneurs d'équipements indiens sont déjà présents sur l'île pour ce projet. Concernant les infrastructures mises en place par l'Inde, Paul Bérenger a laissé entendre que certains équipements, comme les conteneurs transformés en logements, pourraient être réutilisés à l'avenir si leur usage actuel venait à évoluer.

L'un des engagements forts du gouvernement concerne la gouvernance locale. Paul Bérenger a annoncé la mise en place prochaine de l'Agalega Island Council, une instance qui fonctionnera comme un petit Parlement, à l'image de ce qui existe à Rodrigues. «Beaucoup de gens ignorent l'existence de l'Agalega Island Council, et il faut le rétablir pour que l'île puisse mieux s'administrer. Nous devons aussi revoir la loi Outer Islands Development Corporation Act pour garantir que l'OIDC travaille réellement dans l'intérêt des habitants d'Agaléga», a-t-il déclaré.

Gino Alfred, président de l'Agalega Island Council, a insisté sur l'importance de donner plus de pouvoir aux résidents : «Les Agaléens doivent être reconnus avec les mêmes droits que tout citoyen mauricien. Nous devons aussi assurer un service de transport régulier, avec au moins un vol et un bateau par mois. Il faut travailler avec la Mauritius Shipping Corporation pour établir un véritable plan de transport. »

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