Spectacle rare dans la capitale malgache : des combats de morengy sont organisés sur les Hauts-Plateaux dimanche 6 avril 2025. Ce sport de combat traditionnel, apparu dès le XVIIe siècle sur la côte ouest, est aujourd'hui encore très pratiqué dans le nord et nord-ouest de l'île, chez les populations Sakalava.
Les organisateurs ont réussi à faire venir les meilleurs combattants de ce sport. Leur objectif affiché : mettre un coup de projecteur sur cette pratique, héritée de rites initiatiques, mal connue voire méprisée par les habitants de la capitale. RFI a pu assister à l'un des entraînements des combattants de morengy.
Pieds nus, mains exceptionnellement protégées par des gants pour éviter les blessures avant le combat de ce dimanche 6 avril, six des douze combattants qui s'affronteront au Kianjan'Ny Kanto (Stade Barea) répètent inlassablement les mouvements.
« Ma spécialité dans le morengy, ce sont mes poings. Ta-ta-ta !! Je maîtrise mes adversaires avec mes coups, ils ne peuvent pas s'enfuir ni se protéger », indique Armand, 28 ans, dit l'Eléphant. Tête d'affiche de l'événement morengy Iarivo, cette vraie bête de muscles au visage cabossé vient de Diego. Combattant professionnel, il vit de ses combats.
« J'aime le morengy, parce que c'est une coutume malgache. J'aime le fait de gagner de l'argent et d'être célèbre. C'est moi la star. Il y a la foule qui m'acclame et après, ils me donnent 10 000 ariary, 20 000 ariary, parce qu'ils sont satisfaits », ajoute Armand.
Le montant des cachets perçus est tenu secret, de même que ce que lui reverse son maître, Thierry Saidani, propriétaire de la Boîte Noire à Diego, l'écurie des meilleurs combattants de l'île. Si Thierry a amené ses poulains dans la capitale, c'est d'abord pour faire évoluer les mentalités :
« Dimanche, l'objectif, c'est surtout de montrer que ce n'est pas un sport de sauvages. Parce qu'en fait, on a toujours classifié et qualifié le morengy d'un sport de sauvages, alors que c'est un sport de respect. C'est un sport d'humilité, une tradition ancestrale malgache. Il faut qu'il soit hissé au rang de sport national. »
Le morengy rassemble des gladiateurs des temps modernes à la conquête du public tananarivien. Une façon de rappeler, aussi, à quel point l'identité culturelle malgache est riche dans sa diversité.
Professionnaliser la pratique du morengy
Geoffrey Gaspard, est à l'origine de la création de cet événement « Morengy Iarivo », autrement dit « le morengy à Antananarivo ». Cinéaste de métier, cet amoureux du morengy a consacré deux de ses documentaires à ce sport ancestral. Une culture en péril, selon lui, qu'il s'est fait un devoir de préserver. Joint par RFI, Geoffrey Gaspard explique que cette préservation doit aussi passer par une reconnaissance des sportifs et une professionnalisation de la pratique :
« Le morengy, depuis 2015, est reconnu par le ministère de la Culture malgache comme faisant partie du patrimoine immatériel national. Et avec un événement de cette envergure, on redonne de la force au morengy. On a vraiment l'ambition célébrer, préserver le morengy au niveau national, parce que même s'il est pratiqué dans le nord, il doit aussi être connu ailleurs, et notamment dans la capitale, parce qu'il n'y a pas ce genre d'événement ici.
L'autre enjeu de cet événement, c'est de professionnaliser ce métier, parce que les combattants se battent sans protection, sans accompagnement médical. Par conséquent, on milite pour protéger les combattants eux-mêmes, pour avoir un règlement officiel écrit, parce qu'au moment où on parle, on connaît les règles mais, officiellement, il n'y a pas de fédération, il n'y a pas de règlement écrit.
On milite pour que les autorités prennent conscience de l'importance de ce sport. À un moment donné, il faut vraiment sécuriser, assurer les combattants et les événements. On le voit au Sénégal, on le voit au Nigeria. Leur art de combat traditionnel va très loin, donc pourquoi pas faire de même pour le morengy ? Donc l'idée, c'est qu'après dimanche (6 avril 2025), tous les acteurs de cet art de combat discutent ensemble pour mettre sur papier une sorte de règlement qui va vraiment régir le morengy de manière officielle à Madagascar. »