Ile Maurice: Quand la drogue franchit les grilles de l'école primaire

La découverte de cannabis dans le sac d'une fillette de dix ans, élève d'une école primaire de l'Est, a suscité une vive inquiétude chez les parents et les enseignants, le lundi 31 mars. Cet incident illustre que le problème de la drogue touche même les plus jeunes, bien qu'ils n'en soient pas nécessairement consommateurs. Face à cette situation préoccupante, des pédagogues et des travailleurs sociaux proposent des solutions pour enrayer ce fléau grandissant.

L'annonce de cette affaire a provoqué la stupeur. Certains parents peinent à y croire, tandis que d'autres estiment qu'il s'agit d'une évolution inévitable, compte tenu de la banalisation croissante des comportements à risque chez la jeunesse mauricienne. Pour Vinod Seegum, pédagogue et négociateur de la Government Teachers Union (GTU), la situation dans les écoles s'est progressivement dégradée. «Ce qui se passait dans le secondaire s'est désormais étendu au primaire.

Les enfants sont influencés par leurs frères, soeurs ou amis du collège et cherchent à reproduire ces comportements. C'est inquiétant», souligne-t-il. Il regrette que la sensibilisation, bien que déjà mise en place par les enseignants, les maîtres d'école et les recteurs, ne semble plus suffire.

Selon lui, la société évolue dans un environnement de plus en plus compétitif. «Même après l'abolition du Certificate of Primary Education, les parents continuent à privilégier la réussite scolaire à tout prix, au détriment de l'éducation aux valeurs. Certains considèrent même que les enseignants doivent se concentrer exclusivement sur l'enseignement académique, sans perdre de temps sur d'autres aspects. On ne peut pas les blâmer entièrement, car le système éducatif fonctionne ainsi.»

Vinod Seegum estime qu'il est impératif de rendre l'éducation aux valeurs humaines obligatoire dans les écoles. «Cela pourrait se faire chaque matin lors des assemblées, sans perturber le déroulement des cours», propose-t-il. Pour ce faire, il suggère d'impliquer les parents, et d'anciens magistrats, avocats, médecins et maîtres d'école. Il rappelle qu'au cours des années 90, des ouvrages sur les valeurs humaines existaient déjà, mais qu'ils ont été négligés.

«Aujourd'hui, il faut investir dans une motivation allowance pour les enseignants. En leur offrant une compensation financière, ils pourraient être encouragés à préparer et dispenser des leçons sur le respect, la camaraderie et d'autres valeurs essentielles. Il est crucial que les enfants comprennent les dangers de la drogue et voient concrètement comment elle détruit des vies.»

Sensibilisation et alternatives par le sport et le social

Un avis partagé par Vishal Baujeet, président de la GTU, qui s'interroge : «Qui est responsable ? Les parents ? L'école ? La société ? L'enfant comprend-il réellement ce qu'il transporte ? Ne fait-il que reproduire ce qu'il voit ?» Il insiste sur l'importance de l'éducation civique. Actuellement, la France a trouvé une solution pour contrer certains fléaux. Dans certaines régions de France, les sacs des élèves sont fouillés chaque matin pour empêcher l'introduction de drogues ou d'objets dangereux dans les établissements scolaires.

Si cette méthode peut sembler efficace, Vishal Baujeet met en garde contre le risque de stigmatisation. «Il faut aussi prendre en compte l'impact psychologique. Imaginez un enfant accusé à tort d'avoir volé un crayon retrouvé dans son sac. Être exposé au regard des autres peut être traumatisant.» Pour lui, la police devrait intensifier ses campagnes de sensibilisation auprès des élèves. «Il faut leur parler, éveiller leur curiosité pour qu'ils comprennent les dangers qui les entourent et en discuter avec leurs familles.»

D'autres acteurs de terrain, tel que Fardeen Koodoruth, président de la Castel Scouts - Social Youth Team, misent sur le sport comme levier d'influence positive. «Le sport attire les jeunes ; il faut l'utiliser pour les sensibiliser aux dangers de la drogue. Nous avons organisé 28 tournois de football en sept ans, sans aucun soutien politique. Nous avançons par nos propres moyens.»

Il explique également que certaines initiatives visent ceux qui ne s'intéressent pas au sport. «Nous avons constaté que de nombreux jeunes apprécient d'aider autrui. En leur attribuant un rôle social, nous leur offrons l'opportunité de se valoriser et de progresser.»

Un plan gouvernemental en cours

Le ministre de l'Éducation, Mahend Gungapersad, a d'ailleurs élaboré un plan visant à protéger les élèves contre la drogue. Parmi les mesures phares :

· Renforcer les collaborations institutionnelles avec la police, la Brigade pour la protection de la famille et la Child Development Unit.

· Aider les élèves à mieux gérer leurs émotions grâce à la mise en place d'un programme de bien-être social et émotionnel.

· Créer des comités d'accompagnement pastoral pour soutenir les élèves en difficulté.

· Veiller à ce que les comités disciplinaires prennent des mesures appropriées contre les élèves impliqués dans des actes d'indiscipline ou de violence.

Alors que la problématique de la drogue touche désormais des enfants de plus en plus jeunes, il devient urgent de conjuguer efforts éducatifs, prévention et encadrement afin de limiter l'ampleur du fléau.

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