Un grand silence est tombé au moment où la musique voulait s'élever. Belingo Faro, 61 ans, s'est éteint sur scène ce dimanche 6 avril, alors qu'il entamait les premières notes de Renaissance, un morceau symbolique, lors du Festival Mama Jaz à Beau-Plan. Un malaise soudain, une course contre la montre, mais la musique s'est tue trop tôt.
Le rapport d'autopsie est formel : acute coronary insufficiency. Ce mal invisible a emporté l'un des plus grands pianistes que l'île Maurice ait connus. De la scène du Creative Park à l'hôpital de Candos, puis vers sa dernière demeure à Moura, Belingo Faro laisse derrière lui un vide immense. Une veillée a eu lieu hier, suivie des funérailles aujourd'hui.
Depuis l'annonce de son décès, une pluie de messages de compassion et d'hommage a envahi les réseaux sociaux. Plusieurs artistes ont affiché une photo noire en guise de deuil silencieux. D'autres ont partagé des mots simples mais poignants : «On t'aimera toujours, Belingo», «Merci pour la musique». Des gestes qui en disent long sur la place qu'il occupait dans le coeur de toute une génération d'artistes.
Hier, nombreux d'entre eux se sont déplacés pour lui rendre un dernier hommage. Des visages connus de la scène musicale mauricienne - musiciens, chanteurs, techniciens et amis de longue date - ont partagé un moment de recueillement empreint d'émotion, de silences et de souvenirs. Certains ont même improvisé quelques notes, comme pour lui parler une dernière fois dans son langage : celui de la musique.
Né à Rose-Hill en 1963, Belingo Faro a grandi dans une famille où la musique était un second souffle. Frère du regretté chanteur Manfred Faro, il avait cette magie dans les doigts, cette mélodie dans la voix. Multiinstrumentiste, arrangeur, compositeur, chanteur, il faisait vibrer le piano comme on raconte une histoire - avec sincérité et intensité.
Son parcours est riche, tissé de voyages, de rencontres et d'horizons lointains. Du trio Mogolé aux côtés de Linley Marthe et Momo Manancourt, jusqu'aux scènes de Dubaï, en passant par la Suède, Madagascar, la Malaisie... Belingo était de ceux qui parlent toutes les langues du monde, pourvu qu'elles soient musicales. Il jouait dans un hôtel sept-étoiles avec une aisance rare, répondant à chaque demande, improvisant à la volée, toujours avec élégance.
En 2007, il rentre au pays, le coeur encore vibrant d'expériences. Il enchaîne les projets, sort deux albums, participe à Kaleidoscope des Clarisse Sisters en 2013, collabore avec des artistes de renom, et n'a de cesse d'accompagner les jeunes talents. Cette année encore, il devait partager la scène avec Gina JeanCharles durant le mois du jazz. Mais c'est une autre note, plus douce et infinie, qu'il aura laissée en guise d'adieu.
Il serait grand temps de rendre hommage à ces hommes qui ont façonné la musique à leur manière. Il est impératif de garder vivant le souvenir de cet artiste qui a tant donné à la musique mauricienne. Pourquoi ne pas baptiser un lieu culturel à son nom ? Pourquoi ne pas initier une bourse pour jeunes musiciens en hommage à son parcours ? Belingo Faro mérite d'être inscrit dans la mémoire de notre nation.
Il est parti comme il a vécu : en musique, dans la lumière, fidèle à son art. Il n'y aura pas de rappel, mais il restera toujours une mélodie en lui, un accord suspendu dans l'âme de ceux qui l'ont aimé.
Merci, Belingo. La scène se souviendra.