Avec l'avènement des nouvelles technologies de la communication, de fausses informations inondent les réseaux sociaux. La propagation de ces fake news est due en partie à une mauvaise utilisation des réseaux sociaux à travers le partage et les commentaires. Ces fausses informations véhiculées visent à désinformer ou à manipuler les populations dans le but de saper les efforts de paix et de cohésion sociale dans un contexte de crise sécuritaire. Dans cette interview réalisée, lundi 7 avril 2025, le responsable communication de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC), Guessima Aimé Ouédraogo, lève le voile sur l'ampleur du phénomène et invite la population à la retenue et à la vigilance sur les réseaux sociaux.
Quelles sont les missions dévolues à la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC) ?
La BCLCC a été créée, le 14 février 2020, à la suite de plusieurs recommandations au plan national et sous-régional. C'est au regard de la recrudescence des infractions en matière informatique et celles facilitées par les technologies de l'information et la communication que l'Etat burkinabè a jugé nécessaire de créer la brigade. Sa mission principale est de lutter contre tous les actes de cybercriminalité sur toute l'étendue du territoire national.
Notre domaine de prédilection s'étend à toutes les infractions en lien avec le numérique. Il s'agit des infractions telles que les escroqueries en ligne, les menaces en ligne, les discours haineux en ligne, les questions de piratage de compte, les escroqueries via les mobiles monnaies et les escroqueries via les investissements en ligne.
Depuis quelques semaines, des personnes s'adonnent à la propagation de fausses informations sur les réseaux sociaux. Quelle est l'étendue de ce phénomène ?
Selon le Code pénal du Burkina, une fausse information est toute allégation ou imputation inexacte ou trompeuse d'un fait. Partant de cette définition, on peut avoir trois catégories de fausses informations. La première catégorie renvoie à la désinformation qui est une fausse information ou une information trompeuse qui est délibérément créée, diffusée avec pour intention de nuire. La deuxième catégorie est la mésinformation. Contrairement à la désinformation, elle est une fausse information, mais dans ce cas, il n'y a pas une intention de nuire. Et la troisième catégorie à savoir la mal information.
Techniquement, c'est une vraie information sortie de son contexte, amplifiée avec une intention de nuire. La BCLCC, à travers son service d'assistance technique et de veille technologique, a constaté une vaste campagne de désinformation visant à manipuler l'opinion publique burkinabè. Concrètement, ce sont des individus qui créent et diffusent un faux contenu en imitant des publications provenant de profils et de pages officielles de personnes morales ou de personnes physiques.
En ce qui concerne les personnes morales, nous avons constaté que les pages de l'AIB, de la RTB, de l'Etat-major des armées du Service d'information du gouvernement (SIG) ont été utilisées dans ce sens. Ces individus collectent au préalable des informations sur ces profils, ces pages et à partir de ces informations, ils vont générer des publications.
C'est-à-dire qu'ils utilisent ce qu'on appelle des outils de sources ouvertes qui génèrent des publications et sur la base des informations collectées, ils vont générer la publication. Ces outils de sources ouvertes permettent en fait de stimuler un grand nombre de likes, de stimuler le nombre de commentaires et le nombre de partages. Visiblement, quand vous regardez, vous pensez que c'est une publication de ces profils ou pages officielles capturées et envoyées dans des groupes WhatsApp, dans des groupes Facebook.
Lorsque vous recevez cette information, cela donne l'apparence d'une publication provenant en fait d'un profil ou d'une page authentique ou officielle. Bien au contraire, ce sont des publications générées. C'est pourquoi, la BCLCC a communiqué pour interpeler l'opinion publique burkinabè quant à l'usage responsable des technologies d'information et de communication.
Que faites-vous pour y faire face ?
Pour y faire face, déjà, nous avons lancé une campagne visant à sensibiliser les internautes quant à l'usage responsable de ces plateformes numériques. A travers cette campagne de sensibilisation, nous les invitons à toujours visiter les pages officielles des institutions et des personnalités concernées pour attester de la véracité de l'information. Nous leur demandons aussi d'éviter de relayer tout contenu pour limiter leur propagation. Nous recommandons également aux internautes de signaler immédiatement tout contenu suspect, directement sur la plateforme, que ce soit sur Facebook ou WhatsApp.
Ces contenus peuvent également être signalés sur notre plateforme qui est disponible en version mobile et en version web. Pour la version mobile, vous pouvez retrouver la plateforme sur Play Store, App Galeries, IOS et sur App Store. Nous invitons les internautes à vraiment signaler massivement les contenus qui tendent à démoraliser les forces combattantes engagées sur le théâtre d'opération pour la reconquête et la consolidation du territoire burkinabè.
Au-delà de ce qui s'apparente à une campagne, quel bilan faites-vous de vos actions de lutte contre les fausses informations ?
Aujourd'hui, il est encore précoce de faire un bilan parce que nous sommes toujours dans la campagne. A la fin de la campagne, nous pourrons dresser un bilan.
A quels types de sanctions les personnes qui distillent les fausses informations s'exposent ?
L'article 312-13 du Code pénal a prévu des sanctions pour les personnes qui publient les fausses informations et celles qui relaient ou commentent ces informations. Pour ces types de contenus, la loi a prévu une peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans et une peine d'amande de 1 million à 10 millions FCFA. Pour se mettre à l'abri de ces sanctions, nous demandons aux internautes de ne pas systématiquement relayer les informations.
Quels sont les enjeux de cette désinformation dans le contexte actuel de notre pays ?
Ces publications visent à saper le moral des forces combattantes engagées dans la reconquête et la consolidation du territoire national, à remettre en cause la dynamique impulsée par le gouvernement et à manipuler l'opinion publique. C'est peut-être l'objectif de ces publications qui visent à saper les efforts de paix durable et de la cohésion sociale au Burkina.
Quelles sont les précautions à prendre pour sécuriser les médias sociaux et les réseaux sociaux ?
Il faut noter que la plupart des internautes, lorsqu'ils créent leurs comptes sur les réseaux sociaux, ils les utilisent a défaut. Pourtant, il faut avoir une certaine sécurisation. Juste après avoir créé, votre compte de réseaux sociaux, vous devez le sécuriser. Au niveau des paramètres des réseaux sociaux, vous avez la possibilité de paramétrer votre compte afin d'opérer des restrictions.
Vous avez la possibilité de limiter, masquer, votre numéro de téléphone et votre adresse. Il est aussi possible de masquer, par exemple, les personnes qui vous suivent. Les mots de passe que nous utilisons pour nos comptes de réseaux sociaux doivent faire l'objet de sécurisation. Il faut éviter d'utiliser les données personnelles comme mot de passe c'est-à-dire votre nom, prénom et date de naissance.
Les informaticiens recommandent que le mot de passe contienne 12 caractères et ils doivent prendre en compte les lettres majuscules, les lettres minuscules, les chiffres et les caractères spéciaux. Passées ces étapes, lorsque vous avez des difficultés, vous pouvez prendre attache avec la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité notamment le service de veille technologique et d'assistance technique qui va vous assister techniquement à sécuriser votre terminus.
Quel appel avez-vous à l'endroit des populations dans ce contexte ?
Nous invitons les populations à faire preuve de responsabilité dans l'usage des plateformes numériques. Nous demandons aux usagers d'avoir des comportements prudents, d'éviter des propos injurieux ou transgenres, des discours de haine, incitatifs à la violence et autres. Enfin nous les encourageons à une utilisation modérée des réseaux sociaux.