Des pays comme Madagascar sont contraints de conserver des réserves en dollars équivalentes à six mois d'importations, conformément aux recommandations du FMI, alors même qu'ils s'endettent à taux élevés pour financer leur développement.
Le système monétaire mondial entame une mue progressive. La domination du dollar américain, longtemps incontestée, suscite aujourd'hui de plus en plus d'interrogations. En effet, le dollar joue un rôle central dans les échanges internationaux, servant à la fois de monnaie de transaction et d'instrument de réserve, depuis plusieurs décennies.
Mais cette position dominante, qui confère aux États-Unis un avantage considérable, est aujourd'hui remise en cause par des regroupements émergents comme les BRICS+. Composée de dix membres, cette coalition économique représente près de la moitié de la population mondiale et 35 % du PIB mondial, contre 44 % pour les pays du G7. Un poids qui se traduit progressivement par des ambitions monétaires concrètes.
Dédollarisation
Au sommet de Kazan, en octobre dernier, les BRICS+ ont relancé l'idée d'une monnaie commune, baptisée « l'Unité », qui serait adossée à l'or. Selon ses promoteurs, cette monnaie vise à offrir une alternative crédible au dollar dans les échanges internationaux. Même si la présidence brésilienne du groupe a indiqué qu'elle ne fera pas avancer cette monnaie commune pour cette année, elle encourage les paiements en monnaies locales et la réduction de la dépendance au billet vert, à travers des innovations comme la blockchain et la liaison des systèmes de paiement, conformément aux standards de la Banque des règlements internationaux (BRI).
Rééquilibrage
Pour les pays du Sud, cette évolution représente un espoir de rééquilibrage. À Madagascar, par exemple, les autorités doivent maintenir des réserves en dollars équivalentes à six mois d'importations, soit plus de 2,5 milliards USD, suivant les recommandations des bailleurs de fonds.
Une contrainte lourde, dans un contexte où le pays s'endette pour financer ses projets de développement. Cette obligation renforce indirectement la dépendance à la monnaie américaine, au détriment de la souveraineté économique. Au-delà des discours, le système actuellement en place confère à Washington un privilège exorbitant : celui de s'endetter dans sa propre monnaie, souvent à taux quasi nul.
Bras de fer
Du côté américain, la réaction ne s'est pas fait attendre. En janvier dernier, le président Donald Trump a lancé une mise en garde sur les réseaux sociaux : « Il n'y a aucune chance que les BRICS remplacent le dollar... tout pays qui tente de le faire devra dire bonjour aux tarifs douaniers et adieu à l'Amérique. » Une déclaration suivie, dès avril 2025, de nouvelles barrières douanières contre les nations qui ont un excédent commercial vis-à-vis des États-Unis.
Cependant, les faits sont têtus. Les Russes veulent imposer des paiements en roubles pour toute importation depuis la Russie. Le yuan chinois gagne également du terrain. Les alliances monétaires se multiplient, et la tendance à la diversification des devises semble irréversible. Bref, le dollar n'est plus l'unique étalon du commerce international, car l'heure est à la diversification monétaire. La question n'est plus de savoir si un nouvel ordre monétaire émerge, mais quand.