Ile Maurice: L'État a déboursé plus de Rs 24 millions en neuf ans

Entre traitements médicaux à l'étranger et possibles dérives des fonds publics, la question des dépenses médicales remboursées aux ambassadeurs mauriciens fait débat. Les chiffres révélés récemment au Parlement par le ministre des Affaires étrangères, Ritish Ramful, ont de quoi attirer l'attention : de 2015 à 2024, pas moins de Rs 24 610 744 ont été déboursées par l'État pour couvrir les frais médicaux d'ambassadeurs en poste à l'étranger.

Ces remboursements concernent aussi bien les diplomates de carrière que ceux nommés sur une base politique. Parmi ces derniers, trois noms familiers de l'ancien gouvernement du Mouvement socialiste militant retiennent particulièrement l'attention : Showkutally Soodhun, ex-ambassadeur à Riyad, Jagdish Koonjul, ambassadeur à New York et Purmanund Jhugroo qui a occupé le poste à Washington, DC.

Pour Showkutally Soodhun, les remboursements s'étendent sur trois exercices financiers. En 2021-2022, il aurait été remboursé à hauteur de Rs 25 475,46. En 2022-2023, ce montant est grimpé à Rs 616 528,15, pour atteindre Rs 514 339,28 en 2023-2024. Au total, ses dépenses médicales remboursées s'élèvent donc à Rs 1 156 342,89. De son côté, Jagdish Koonjul, ambassadeur de longue date à la mission mauricienne aux Nations unies, aurait perçu Rs 5 557 970 entre 2015 et 2024. Un montant nettement plus élevé que celui de ses collègues, sans que des détails précis sur la nature des soins ne soient à ce stade disponibles. Purmanund Jhugroo, lui, a bénéficié de remboursements de Rs 1 639 718 en 2022-23 et Rs 159 956 en 2023-24, soit un total de Rs 1 779 674.

Interpellé à ce sujet au Parlement, le ministre Ramful a précisé que les remboursements des frais médicaux sont encadrés par le rapport du Pay Research Bureau et les contrats des ambassadeurs. En vertu de ces dispositions, 90 % des frais médicaux sont remboursables pour les diplomates eux-mêmes, leur conjoint et leurs enfants à charge jusqu'à 20 ans. Toutefois, ces remboursements sont strictement conditionnés à la soumission de documents certifiés, aux recommandations des chefs de mission et à l'adhésion à une liste de traitements autorisés par le gouvernement. Les soins à caractère esthétique ainsi que les lentilles de contact sont par exemple exclus.

Mais une zone d'ombre vient brouiller ce tableau réglementé. Selon le ministre, certains ambassadeurs nommés politiquement auraient profité de leur fonction pour se rendre à Maurice en octobre 2024 - période précédant les élections - sous prétexte de «conversations urgentes». Une fois sur place, ils auraient été aperçus dans des activités de campagne électorale, utilisant des fonds publics pour couvrir leurs déplacements et séjours.

Pire encore, le dernier rapport du directeur de l'Audit aurait mis en lumière des abus flagrants : certains ambassadeurs auraient converti leurs congés en missions officielles, bénéficiant ainsi d'indemnités publiques, et prolongé indûment leur séjour sur le sol mauricien sous couvert de pseudo-missions, tout en profitant de services tels que chauffeurs et véhicules officiels. Le ministre Ramful a affirmé qu'un comité d'audit interne est désormais à l'oeuvre pour corriger ces dérives.

Les montants évoqués posent inévitablement la question de la transparence. Derrière les chiffres se cache une interrogation légitime : s'agit-il de dépenses médicales justifiées ou de traitements de faveur masqués ?

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.