Congo-Kinshasa: Malgré la tourmente sécuritaire à l'Est - Doudou Fwamba défend la consolidation d'un Etat budgétairement souverain !

A l'heure où les secousses sécuritaires ébranlent le socle national, l'économie congolaise, elle, résiste. Avec méthode. Avec lucidité. Avec discipline. C'est ce que Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, Ministre des Finances, a magistralement démontré, en soirée du mercredi 9 avril 2025, devant les patrons de presse et les grands reporters des médias, tant nationaux qu'internationaux, réunis à l'Hôtel Hilton, en sa salle « La Majesté du Congo », autour du thème : « Ajustement budgétaire et stabilité macroéconomique en RDC face au choc sécuritaire ». Un rendez-vous de vérité économique et de clarification stratégique.

Un maintien efficace face à la pression

Dans son exposé, Doudou Fwamba a décrit les efforts du Gouvernement à maintenir le cap en dépit de la persistance de la guerre à l'Est, suite à l'agression rwandaise. En liminaire : le taux de change est resté stable depuis juin 2024, et l'inflation cumulée, à fin mars 2025, a été contenue à 2,3 %, contre 4 % un an auparavant. L'inflation en glissement annuel, quant à elle, passe de 21,5 % en mars 2024 à 10,1 % en mars 2025.

L'argentier national explique que ce redressement s'explique par une série de choix fermes, notamment : la maîtrise des dépenses, le renforcement de la coordination budgétaire avec la Banque Centrale du Congo, le non-recours à la monétisation du déficit ainsi que l'anticipation des flux de trésorerie.

Croissance confirmée, diversification enclenchée

Sans fanfare, mais avec assurance, le Gouvernement Suminwa avance des chiffres solides. Dans son exposé, le Ministre des Finances a rappelé que le Comité de Pilotage du Cadre Macroéconomique (CPCM) projette une croissance économique de 7,9 % en 2024, en attente de validation par la mission du Fonds Monétaire International (FMI) attendue à Kinshasa d'ici fin avril 2025.

Un chiffre qui, dans bien des contextes, serait déjà un exploit. Mais ici, il témoigne surtout d'une dynamique interne soutenue, malgré les perturbations sécuritaires persistantes à l'Est.

Plus encore : les indicateurs révèlent un basculement progressif. Les secteurs hors industries extractives -- longtemps restés dans l'ombre des minerais -- amorcent une montée en puissance, avec une croissance attendue à 4,1 % en 2025. Cela traduit une volonté affirmée de décloisonner l'économie nationale de sa dépendance aux ressources minières, pour relancer les moteurs internes : agriculture, infrastructures, BTP, télécoms, services.

L'Etat congolais, en clair, pose les bases d'un nouveau récit économique -- un récit moins tributaire des cours mondiaux, et davantage enraciné dans les capacités productives du territoire.

Des chiffres et du concret

Sans détour, Doudou Fwamba a démontré l'effort d'investissement palpable du Gouvernement Suminwa. Entre janvier et mars 2025, 1 480 milliards de CDF ont été engagés pour l'investissement public. Les dépenses de biens et services, elles, ont représenté 22 % du total des dépenses exécutées, contre 16 % au premier trimestre 2024. Les dépenses sécuritaires absorbent 29 % du total en 2025, contre 25 % l'année précédente -- preuve que l'Etat n'élude pas ses responsabilités en matière de défense nationale.

Mais au-delà des chiffres, ce sont les projets concrets qui parlent :

· Kasaï Central : 17 millions USD pour relancer les voiries sur 41 km.

· Ituri : 13 millions USD pour les routes et ponts à Bunia et Kasenyi.

· Tshopo : 17 millions USD pour moderniser 33,89 km de routes et 2,4 millions USD pour l'aérogare de Bangoka.

· Kinshasa : 45 millions USD pour le Kinshasa Arena, 22 millions pour les voiries, et 25 millions pour les projets de fluidité urbaine (Gombe-Kasa-Vubu-Limete).

· Projet ANSER : plus de 13 millions USD investis dans l'électrification rurale.

La politique budgétaire n'est donc pas une abstraction : elle est territorialisée, visible, mesurable.

Mobilisation des recettes : le second pilier

Pour accompagner l'effort d'ajustement, Doudou Fwamba a déclaré des réformes majeures sont mises en oeuvre afin d'accroître les recettes fiscales. Il s'agit de la télé-déclaration pour les contribuables à haut potentiel, la facture normalisée pour la TVA (généralisation en 2025), la limitation des exonérations abusives, la réforme de la fiscalité directe (IS-IRPP dès 2026) ainsi que la mise en place d'une stratégie de civisme fiscal.

La signature par la RDC des conventions multilatérales BEPS et RAI en octobre 2024 renforce aussi l'intégration du pays dans les standards internationaux de lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscale agressive.

Un cadre de trésorerie sous contrôle

Selon Doudou Fwamba, la présentation du Plan de Trésorerie 2023-2024 montre une performance solide : les recettes ont dépassé les prévisions (108 %), les dépenses ont été maîtrisées (104 %), et le recours aux titres publics a plus que doublé, passant de 116,87 milliards CDF en 2023 à 1 578,07 milliards CDF en 2024.

La République emprunte donc à l'intérieur, à des conditions soutenables, sans dépendre excessivement de l'appui budgétaire extérieur.

Risques et perspectives : lucidité et ambition

Le Ministre ne s'est pas voilé la face. Il a évoqué avec franchise les risques qui sont la guerre à l'Est qui peut compromettre les recettes et alourdir les dépenses sécuritaires, le manque de profondeur du marché financier ainsi que la persistance d'une inflation importée, reflet d'une faible diversification.

Mais face à ces défis, il a brossé des perspectives claires : le non-recours à la planche à billets, la réduction du train de vie des institutions, l'accélération des réformes structurelles, le soutien au secteur privé pour créer de l'emploi, la mise en oeuvre rigoureuse du programme FRD avec le FMI, la relance des barrages hydroélectriques (Tshopo, Katende) et, enfin, le renforcement de la sécurité alimentaire par des projets agricoles ciblés.

Une souveraineté budgétaire en construction

A travers son exposé, le Ministre des Finances a démontré que la République tient debout, non par miracle, mais par méthode. Dans un environnement miné par les incertitudes sécuritaires, l'Etat congolais n'a pas cédé à la panique. Il a résisté. Il a investi. Il a planifié.

L'ajustement budgétaire congolais n'est pas un ajustement dicté. C'est un choix souverain. Une vision. Une ligne de crête entre rigueur et justice. Et c'est peut-être cela, le plus grand message de cette conférence : « Dans un monde d'instabilités, la stabilité est un acte de courage ».

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