Bouno — La Fondation Mastercard a organisé samedi en partenariat avec les populations de Bouno, un village de la commune de Bambaly, département de Sédhiou, un moment de partage et de sensibilisation sur l'importance de l'éducation des filles à travers une approche culturelle et communautaire dénommée "attaya time".
Cette activité entre dans le cadre de le mise en oeuvre du programme "Batonga", une initiative qui mise sur une approche culturelle et communautaire pour sensibiliser les populations sur l'importance de l'éducation des filles.
Dans cette localité rurale, le "attaya" (thé) est bien plus qu'une boisson. Il constitue un rituel social et un prétexte à tout rassemblement et discussion.
Ce samedi matin, à l'ombre d'un arbre fruitier, les habitants du village de Bouno se sont regroupés autour du "attaya" avec des ustensiles soigneusement disposés, et une hiérarchie en place, où ce sont les plus jeunes qui servent le thé aux plus âgés.
Autour du thé, les discussions sur l'éducation des filles ont suscité des avis contrastés. Certains participants ont exprimé des réserves, expliquant que la scolarisation des filles les éloignerait de leurs responsabilités domestiques. "Parfois, une fille instruite devient insolente envers ses parents", soutiennent quelques intervenants.
D'autres, en revanche, ont insisté sur les multiples points bénéfiques de l' éducation inclusive, citant entre autres l"'amélioration de la santé maternelle, la réduction de la mortalité infantile, une meilleure prévention des maladies et l'autonomisation des femmes".
Pour ces défenseurs de la scolarisation des filles, l'éducation est un "levier de transformation sociale".
"Il faut que nous acceptions d'inscrire nos filles à l'école. Leur place n'est pas uniquement à la maison. Elles peuvent demain occuper des postes importants", a dit Mamadou Gomis, habitant de Bouno, citant en exemple l'adjointe au maire de Bambaly.
Le jeune Adama Ndiaye a abondé dans le même sens. Selon lui, "les femmes éduquées prennent mieux soin d'elles-mêmes, de leurs enfants et petits-enfants. Elles sont aussi plus aptes à "éviter les grossesses précoces", soulignant également leur générosité. Il a souligné que les filles scolarisées, "même mariées, continuent de penser à leurs parents".
Tidiane Sidibé a, pour sa part, appelé à briser les tabous et à instaurer un dialogue entre parents et filles, afin de prévenir les grossesses précoces, qu'il juge encore trop fréquentes à Bouno.
L'imam du village, Youssoupha, a lui aussi pris la parole, invoquant des arguments religieux en faveur de l'éducation des filles pour lever certains freins culturels.
"Botonga", une approche culturelle et communautaire encourageante
Les grossesses précoces restent un frein majeur à la scolarisation des filles dans la région. Elles compromettent leur droit à l'éducation et constituent un obstacle à l'égalité des sexes. Le manque d'information sur la santé sexuelle et reproductive contribue également au phénomène.
Cependant, des signes positifs émergent. "Grâce à l'accompagnement de la Fondation Mastercard, nous constatons une nette diminution des cas de grossesse. Cette année, aucun cas n'a été recensé jusqu'à présent", s'est réjoui Yakou Sano, un habitant du village.
Autrefois opposé à la scolarisation de sa fille, Soiro Diassy a quant à lui, changé d'avis. "Ces causeries m'ont convaincu. Je veux maintenant que ma fille aille à l'école".
Un programme déployé dans huit communes
Le programme "Batonga", mis en oeuvre dans huit communes des régions de Kolda et Sédhiou, cible les jeunes filles âgées de 14 à 18 ans exposées aux violences, aux mariages précoces, à la déscolarisation ou encore à l'exclusion économique. Il s'adresse aussi aux femmes de 18 à 35 ans en quête d'autonomisation.
Selon Oumou Mbaye, responsable du programme leadership des filles, l'initiative "attaya time" est innovante. "Nous utilisons cette pratique culturelle répandue pour aborder des sujets essentiels comme l'éducation, l'autonomisation des femmes et la lutte contre les grossesses précoces", a-t-elle expliqué.
"C'est un excellent moyen de valoriser le dialogue communautaire en impliquant les hommes et les garçons dans le changement de mentalité nécessaire au progrès social", a-t-elle ajouté.