Ile Maurice: Revenu minimal à Rs 25 000 - Les artisans redoutent une hécatombe

Lors des récentes consultations prébudgétaires, une proposition émise par le président du National Trade Union Council (NTUC), Naraindranath Gopee, a jeté un pavé dans la mare.

Ce dernier a suggéré d'augmenter le salaire minimum de Rs 20 000 à Rs 25 000. Cette initiative, bien que motivée par la flambée du coût de la vie, ne fait pas l'unanimité. Si elle a été saluée dans certains cercles syndicaux, elle a également fait grincer des dents du côté des petites et moyennes entreprises (PME), qui y voient une menace sérieuse pour leur survie.

Parmi les premières voix à s'élever, celle de Stéphane Maurymoothoo, président du Regroupeman Artisan Morisien. Ce dernier estime que l'instauration d'un salaire minimum à Rs 25 000 risquerait d'achever de nombreuses petites structures déjà fragilisées. «Le 14e mois imposé l'an dernier continue de peser lourd sur nos finances, sans parler de la hausse des salaires en janvier avec la compensation salariale. L'ajout d'une telle mesure reviendrait à sceller le sort de nombreuses PME», affirme t-il, visiblement inquiet.

Il souligne que, depuis le début de l'année, plusieurs petites entreprises ont dû cesser leurs activités, incapables de faire face à l'accumulation des charges. Lui même n'a pas été épargné. Autrefois à la tête d'une équipe de quatre employés dans son entreprise spécialisée dans l'entretien et le nettoyage de piscines, il confie travailler désormais seul. «J'ai été contraint de réduire mon activité. Pourtant, j'avais les moyens et l'ambition de développer mon entreprise et d'offrir de l'emploi. Malheureusement, les décisions économiques prises sans réelle concertation compliquent tout.»

L'entrepreneur va plus loin, en dénonçant l'absence de dialogue avec les autorités concernées, notamment le ministère des PME. «Le ministre semble plus enclin à rencontrer les syndicats, qui, rappelons-le, sont rémunérés par leurs membres pour les représenter. Et nous, les petits travailleurs, qui nous écoute réellement ? Il serait grand temps que nos voix soient, elle aussi, entendues», plaide-t-il.

Selon lui, toutes les petites entreprises ne se valent pas, et il serait judicieux de différencier les secteurs. «Certaines PME, comme celles qui produisent des denrées alimentaires - confitures maison, achards, plats préparés - parviennent à survivre tant bien que mal. Mais pour nous, artisans de métier, qui n'avons pas accès aux gros contrats, la situation est bien plus compliquée. Il faut absolument revoir la classification des PME afin de mieux adapter les mesures.»

Ajay Beedasee, président du SME Chambers, partage ces appréhensions. Il rappelle que le secteur des PME a souffert de manière prolongée ces dix dernières années. «Nous nourrissons de grands espoirs envers le nouveau gouvernement. Il est crucial qu'il mette en place des solutions concrètes pour revitaliser le secteur», déclare-t-il à l'issue d'une rencontre avec le Junior Minister des Finances, Dhaneshwar Damry. Mais si le gouvernement décide d'entériner une hausse immédiate du salaire minimum à Rs 25 000, cela pourrait bien signer l'arrêt de mort de nombreuses PME. «Nous peinons déjà à équilibrer nos comptes. Une telle hausse viendrait mettre notre survie en péril», déplore-t-il.

Face à cette levée de boucliers, Naraindranath Gopee a tenu à clarifier sa proposition. Il affirme ne jamais avoir exigé que le nouveau seuil de Rs 25 000 soit appliqué immédiatement. «Nous n'avons à aucun moment parlé d'une application directe. Ce que nous proposons, c'est une aug- mentation progressive. Par exemple, atteindre Rs 21 000 l'année prochaine, puis Rs 23 000, et enfin Rs 25 000 au bout de trois ans. Il y a eu une mauvaise interprétation de nos intentions», explique-t-il.

Le président du NTUC justifie cette proposition par la détérioration constante du pouvoir d'achat des ménages. «Aujourd'hui, le revenu minimum en vigueur ne permet plus de couvrir les dépenses essentielles des familles. Il devient urgent de réajuster ce montant, mais de façon progressive, et non brutale», précise-t-il. Il insiste par ailleurs sur le fait que cette suggestion ne s'inscrit pas dans le cadre immédiat du prochain budget national, mais vise plutôt une réforme à moyen terme.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.