Après 14 ans d'absence du Parlement, comment vivez-vous ce rôle de ministre ?
Avec beaucoup d'humilité. J'ai gagné trois élections dont en 1995, en 2000 et 2010. Maintenant je suis de retour pour un quatrième mandat. Je suis ministre dans un ministère que je connais. z
Avec le changement climatique, on a souvent vu des «flash floods» dans certaines régions de l'île. Comment expliquez-vous ces conséquences du mauvais temps ?
Qu'on le veuille ou non, il y a eu un dérèglement climatique. C'est quelque chose au quotidien et c'est à prendre au sérieux. Malheureusement, quand nous sommes arrivés au pouvoir, il n'y avait pas de budget. L'ancien régime avait tout dilapidé. Nous devons gérer les projets en cours.
J'ai constaté que depuis 2019 il y avait ce qu'on appelle des Emergency Projects sous le Flood Management Programme suite à la publication du rapport de Land Drainage Master Plan. Un budget de Rs 11 milliards avait été voté pour cela. Vous et moi et n'importe qui, on comprend, par le terme Emergency, qu'il y a une urgence dont les projets en question devaient être mis en oeuvre et complétés depuis le temps. Si je vous dis que ces projets sont toujours en attente depuis six ans ? On a encore des problèmes d'acquisition de terrain depuis le temps et d'autres types de problème. Donc, j'active et je préside des réunions chaque semaine.
Il y a quatre organismes qui se chargent des drains. À commencer par la National Development Unit, la Road Development Authority sur les classified roads, la Drain Infrastructure Company et les autorités locales. Il est clair que les autorités locales n'ont malheureusement pas la capacité d'assumer l'envergure des drains dont on parle. J'ai donné des instructions pour que les autorités locales puissent s'occuper des petits drains. Les gros drains sont construits par les agences que j'ai citées plus tôt. Je surveille ces projets et coordonne les travaux. On attend le Budget pour pouvoir faire plus de construction.
Quand vous parlez d'un manque de capacité, à quoi faites-vous allusion ?
Il y a deux choses : avant tout le manque de personnel qualifié comme des architectes ou des ingénieurs qualifiés. Le problème c'est que ces gens-là viennent et quand ils voient le salaire qu'ils obtiennent dans le gouvernement et rencontrent les consultants après, ils partent. Voilà. C'est un peu les limites auxquelles on doit faire face. Un manque de ressources humaines notamment au sein des municipalités qui n'ont pas de personnel qualifié.
De ce fait, au niveau de la Drain Infrastructure Company Limited, on a des postes vacants qu'on a annoncés et aussi au niveau de la Land Drainage Authority qui a des postes inoccupés. Il faut équiper correctement ces instances pour pouvoir faire avancer les choses.
Vous parlez de ces projets urgents qui sont toujours en attente depuis six ans et aussi un manque de capacité, dans quel état avez-vous hérité de votre ministère ?
Vous savez quand vous regardez ce ministère et que vous creusez plus loin, vous tombez sur certaines choses. Par exemple, jeudi dernier, je tenais une réunion avec la Traffic Management and Road Safety Unit (TMRSU) du côté du Land Transport et de mon côté c'est la RDA qui s'occupe des routes. La TRMSU n'a pas pour mission de faire des routes. Sa mission c'est de faire comme son nom l'indique, du traffic management.
Sauf que quand vous arrivez au Caudan, vous allez voir qu'il y a une bretelle et quand je pose la question sur l'auteur de cela je constate que c'est la TMRSU. Je pose la question pour savoir si c'est dans leur mandat de faire des routes, ils me disent qu'ils ont eu comme instruction de le faire. Mais si demain la RDA me dit que cette route est mauvaise, que vont-ils faire ? C'est du gaspillage de fonds publics. J'ai l'impression qu'ils ne suivaient aucun règlement.
Autre exemple, la route de La Brasserie qui va vers Flic-en-Flac. On devait trouver de l'argent dans le budget pour mettre en place un flyover qui n'avait pas été construit initialement. Ce chemin devait prendre fin vers Cascavelle. Mais à la base, l'idée c'est de la ramener à Flic-en-Flac. J'ai pu finalement économiser sur un pont qui était prévu au coût de Rs 70 millions et sans augmenter de budget, on va pouvoir terminer ce chemin près du cimetière de Flic-en-Flac. Laissez-moi vous dire qu'il n'y avait aucune volonté de l'ancien régime car quand on va compléter ce chemin vers Flic-en-Flac, ça pose toujours un problème de bouchon car quand vous arrivez à Flic-en-Flac vous devez ressortir par la même route.
Après un site visit, nous avons vu un terrain qui appartient à la propriété de Médine et on négocie avec eux. Juste parce qu'il y a l'hôtel Maradiva à côté, il y a un chemin à côté qui vient sur Tamarina. Donc cela va décongestionner et permettre aux automobilistes de ne pas emprunter le même chemin. On négocie sur une base de partage des coûts avec Médine pour avoir le terrain afin de construire une route qui va passer vers la fin de Flic en Flac vers Tamarina. Donc, je disais que c'était un ministère qui a dilapidé beaucoup de fonds et on n'a pas d'argent.
L'autre jour, j'ai reçu la famille Ramsahye de Tranquebar qui avait perdu leur maison. Là on doit voir comment les aider car ils sont pour l'heure placés en location. On doit savoir qui a fauté pour le cas des Ramsahye notamment si c'est le 'contracteur' ou pas. Il y a un exercice d'audit à ce niveau. En attendant, on vient de renouveler la location de cette famille pour deux ans. Parlons de la passerelle de RocheBois maintenant....
Oui, endommagée par un camion dans un accident de la route...
Oui. Quand cette passerelle est tombée, rien n'a été fait pour situer les responsabilités, notamment pour la compagnie d'assurances. On vient d'allouer un contrat et je pense que d'ici le mois de septembre, cette passerelle sera remise en état. Pour l'heure on va remettre cette passerelle sur pied pour soulager les habitants car c'est un danger de traverser une autoroute. Dan dezord nou pe bizin met lord.
Qu'en est-il des régions urgentes où il y a souvent des inondations dès qu'on fait face à une «flash flood» ? Quels sont les plans que vous avez mis en place ?
On a le rapport du Land Drainage Master Plan qui nous indique où se situent les zones inondables. Lors de la campagne électorale, on avait dit qu'on allait rendre ce rapport public. Sauf que là nous avons mis en place un comité technique qui revoit ce rapport. On leur a donné trois mois, ces techniciens de mon ministère, du ministère de l'Environnement et du Housing. À partir de cette révision, nous prendrons la décision de rendre ce rapport public ou pas.
Maintenant pour les zones inondables. Commençons par Port-Louis. Cette région est elle-même dangereuse dès qu'il y a de grosses pluies. Nous allons démarrer la construction d'un drain sur la nouvelle route près de la compagnie Food Canners dans un mois environ. À Port-Louis, il n'y a pas de solution pour régler le problème de montée des eaux à 100 % quand la marée est haute et que d'autre part l'eau descend de la montagne. Ça crée comme un bassin à Port-Louis. Donc après le drain sur l'autoroute, on va travailler sur la rue la Poudrière. Quand je venais d'arriver au ministère, on m'a dit qu'ils n'ont pas eu de tenderer, j'ai demandé pourquoi ne pas avoir lancé un national tender.
Il y a une certaine réalité en ce qui concerne la rue la Poudrière et Lord Kitchener. Ces rues abritent des services essentiels, la CWA entre autres. C'est un travail complexe. Donc il y a une étude en cours pour voir et puis lancer des appels d'offres. Je redis, malgré tous ces efforts de notre part, Port-Louis restera une zone à risque. De ce fait, on va devoir mettre en place un plan d'évacuation en cas de flash flood. Ce plan est en train d'être mis sur pied.
Pour les autres régions, soyons francs on a une contrainte budgétaire parce que l'ancien régime a défoncé les caisses de l'État. Mardi prochain on vient avec les supplementary estimates. Vous serez étonnés de voir comment ils ont inflate les revenus de l'État par Rs 21 milliards. C'est de l'incompétence. Vous gonflez votre revenu par 21 milliards. La dette publique maintenant - et l'ancien régime a encore embêté la population - est arrivée à 90 % de notre GDP.
Vous réalisez où ils ont conduit ce pays. Du coup on est obligé de mettre de l'ordre pour ramener une rigueur financière. On est sous surveillance par l'agence Moody's. On doit baisser notre dette pour ne pas être placé en junk status. Tout cela est à cause de l'ancien régime qui a mal géré le pays.
N'oublions pas la situation énergétique. On est dans une situation compliquée car ils n'ont rien investi depuis 10 ans. Paul Bérenger ne cessait de dire depuis 10 ans qu'il y a un problème énergétique et qu'il y en aura si on n'investit pas dans les équipements énergétiques.
Comment ça se passe pour l'acquisition de terrain que vous avez mentionnée plus tôt ? Souvent, on a l'impression que c'est là que tout bloque.
Des fois on se heurte à des personnes qui ont un attachement envers leurs terrains, d'une valeur sentimentale. Dimounn pa rod vann zot later. Nou dan enn eta de drwa, pa kapav rant dan zot later san zot permission.
Ça retarde les procédures pour les travaux mais on a une équipe qui mène les négociations pour faire ce qu'il faut.
Revenons sur le plan d'évacuation de Port-Louis. Comment sera-t-il car souvent les gens associent le problème d'inondation de Port-Louis au fait que la ville a été trop bétonnée ?
Chose qui s'avère un peu vraie mais pas que. C'est bétonné mais aussi il y a l'indiscipline. Souvent quand il y a des inondations, on voit la montée des eaux mais aussi des vieux matelas ou du caoutchouc ou encore toutes sortes d'ordures. En janvier, j'ai présidé une réunion avec la RDA et la NDU car nous entrons dans une saison de pluie. Monn donn instriksion pou al netway bann drain e kan netway bann drain, nou trouv bann zafer ki pa atann sa. Bann salete bouss drain. C'est pour ça que je dis que les gens doivent se responsabiliser et ne pas jeter des ordures n'importe où. Pa tir ou salete kot ou ek zet kot ou vwazin inond ou vwazin.
J'ai vu cette situation à Curepipe récemment où après une heure de pluie, deux familles se sont retrouvées avec leurs cours inondées. Quand j'ai demandé à la municipalité de venir nettoyer les drains, il y avait beaucoup d'ordures. Il nous faut un programme de maintenance. Malheureusement, quand on construit des drains, ça devient la responsabilité des municipalités et des district councils. C'est pour ça je prône un bon plan de maintenance. Je suis content qu'il y ait les élections municipales car les candidats viendront avec une nouvelle énergie. Un de leurs mandats doit être axé sur le suivi des maintenances des drains mais aussi des biens de l'État comme les jardins d'enfant et les jeux là-bas.
Quand on parle de maintenance, on doit aussi situer les responsabilités surtout quand on a des «classified» et «non classified roads». Quand il s'agit d'asphaltage ou de maintenance, on a l'impression que les instances se renvoient la balle...
En fait, toutes les classified roads que j'appelle les autoroutes tombent sous la responsabilité de la RDA et les non classified roads tombent sous la responsabilité des municipalités et district councils dont les autorités locales. Ce que j'ai dit à la RDA c'est que son système est bien rodé depuis qu'elle est là et que tout doucement on va basculer les routes non classified vers les classified pour que ça soit sous la responsabilité de la RDA car c'est elle qui construit et ce sera plus facile pour elle de maintenir.
Parlons de la décongestion. Comment ça se passe pour la région d'Ébène souvent bouchonnée ?
À Ébène il y a eu tout récemment un flyover. Le problème, quand vous construisez un flyover dans un endroit, il renvoie le problème plus loin de même quand on supprime un rond-point. On a construit un flyover à Phoenix, il renvoie le flot de véhicules vers Camp-Fouquereaux et de là-bas on travaille sur un flyover. On réfléchit en même temps à la Vigie près de SBM Park pour qu'il y ait un flyover aussi pour avoir un smooth running. Ce ne sera pas fait dans une année financière avec la contrainte budgétaire mais on prépare des plans. Qu'on le veuille ou non, il y a plus de véhicules maintenant. On travaille sur un plan pour décongestionner.
Et le projet Dubreuil à Montagne-Blanche ?
Melrose oui ça va démarrer là-bas pour sortir à Dubreuil. Ce sera un projet en deux phases. Pour ceux qui sortent de Quartier-Militaire, ils vont passer par Melrose pour arriver à Dubreuil et de Dubreuil on va connecter avec le flyover qui va vers Flic-en-Flac. Donc pour les personnes de l'Est qui veulent aller à Flic-en-Flac, ce sera plus facile et ça va aider à décongestionner le tronçon qui va vers Curepipe. On va essayer d'earmark pour l'année financière qui arrive.
Un autre projet qui va coûter beaucoup d'argent et qu'on n'a pas abandonné c'est le projet M4 de Forbach à Bel-Air et la deuxième phase de Bel-Air à l'aéroport en contournant la vallée de Ferney. On essaie de voir dans le cadre d'une expression of interest vu que nous n'avons pas d'argent, les compagnies construisent ces routes et après on décide sur une modalité de remboursement car cette route doit être construite et complétée. Avec la situation financière, on réfléchit à différentes façons de trouver des modèles. On réfléchit sur la construction d'un National Infrastructure House avec un promoteur qui le fera pour nous.
Je vais vous dire quelque chose et vous serez choqué : nous payons une location de Rs 92 millions, rien que pour mon ministère car nous louons 6 à 7 endroits à Maurice dont à Ébène et Port-Louis. Cet argent, on pourrait l'utiliser pour payer le promoteur sans alourdir la dette du gouvernement et plus tard le bâtiment nous appartiendra. Kan ou pena kass pa savedir ou pa kapav fer kitsoz.
Quels sont ces bâtiments dont la location coûte Rs 92 millions ?
Mon bureau dans la Citadelle Mall, Médine Mews, Mutual Aid et on loue 4 à 6 étages. C'est comme ça pas que pour mon ministère mais pour tous les ministères. Quand vous regardez le montant qu'on paye chaque année rien que pour la location, c'est énorme. D'ailleurs, on aura un comité avec le Deputy Prime Minister Paul Bérenger pour évaluer les assets du gouvernement pour avoir un répertoire. On va centraliser tout ça.
Abordons le Harbour Bridge, vous vous demandiez pourquoi il n'a pas été construit ?
Oui car le terrain avait déjà été acheté. La situation financière est tellement serrée qu'on ne peut pas promettre grand-chose. Le Harbour Bridge va bien sûr décongestionner Port-Louis mais ça veut aussi dire beaucoup d'argent. C'est malheureux. On a aussi le ring road deuxième phase et troisième phase. Ces projets viendront dans un deuxième temps après avoir redressé la situation financière. Nou anvi fer bann proze bouze san inpakte lor det de leta.
Vous mentionnez souvent que le budget sera serré, «bidze pou tight». On connaît les attentes du peuple concernant ce premier Budget du gouvernement. Le peuple doit-il s'attendre à quelque chose de positif au moins car à vous entendre, ce n'est pas bon signe ?
Je pense que notre politique c'est une politique de transparence où on dit la vérité à la population. Quand on a pris le pouvoir, on a hérité d'un pays où l'ancien gouvernement a menti à la population et a fait croire que tout est en rose. Dans nos revenus, il manque Rs 21 milliards. Des dépenses inutiles, des projets inutiles comme le state de Côte d'Or où ils ont gaspillé les fonds publics ou encore à la MIC une grosse dilapidation de fonds.
Quand on met tout ça dans la balance, le public doit être conscient qu'on ne peut pas diriger le pays comme l'ancien régime. Il y a des rating agencies qui nous surveillent. Li pou enn bidze ki demann disiplinn pou 1 an 2 an. Pou bizin fer inpe sakrifis me lesansiel se nou pou fer seki bizin fer pou pei la nou pou fer li. Li pou demann popilasion ser koud ansam parey couma kan enn siklonn inn bat lor ou lakaz, nou bizinn ansam pou relev pei.
Justement vous parlez de relever le pays, on est en pleine campagne pour les municipales. Comment ça se passe ?
On a de bons candidats avec une bonne équipe d'hommes et de femmes dans les cinq villes. On a dosé l'expérience et la fougue de la jeunesse. Après 10 ans, c'est long. Dix ans que les citadins n'ont pas pu exercer leur droit civique à cause de l'ancien régime. C'est pour ça que le MSM n'a pas eu le courage de mettre des candidats. Lors des porte-à-porte, on voit des citadins impatients. Ils doivent comprendre : pa nou ki ti diriz lavil pandan 10 an. Zot bizin konpran. La nou bizin sanzman dan lavil e sa pe vini le 4.
En attendant, il y a un comité interministériel dans lequel je suis pour travailler sur la Local Government Act. Ça va prendre du temps mais on va venir avec une nouvelle Local Government Act et ce sera présenté au Parlement.
Vous comprenez quand même qu'il y a une certaine frayeur à l'idée de donner le «full power» à l'Alliance du changement après une victoire de 60-0 et maintenant de vous confier les villes....
Je ne pense pas que ça soit ainsi. Je pense que la population est consciente qu'il vaut mieux que l'administration régionale et le gouvernement central aient le même dialogue et la même vision. Aujourd'hui quand on dit Alliance du changement dans les municipalités, on dit qu'il faut nettoyer et redresser nos villes. C'est un programme. Pour le faire, il faut une symbiose entre le gouvernement central et l'administration régionale. Pour ça, je pense que la population est d'accord qu'il faut qu'il y ait une symbiose.