Lors de l'ouverture de la 82e session du Comité contre la torture des Nations Unies à Genève le 9 avril 2025, Maurice a été placée sous les projecteurs pour ses récents progrès dans la lutte contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants. L'intervention de l'Attorney General, Gavin Glover, a suscité l'intérêt du Comité.
Dans sa déclaration d'ouverture, Gavin Glover a souligné que Maurice a toujours pris ses obligations internationales au sérieux. Le pays a ratifié sept traités fondamentaux des Nations Unies relatifs aux droits humains, ainsi que cinq protocoles facultatifs, y compris celui relatif à la Convention contre la torture. Ces engagements internationaux ont été traduits dans le droit interne par des lois concrètes.
En décembre dernier, dans un effort d'accessibilité et de sensibilisation, le gouvernement a fait traduire la Convention contre la torture en créole mauricien et a rendu cette version disponible en ligne.
🟦L'interdiction des châtiments corporels saluée
Le point culminant de cette session a été l'éloge du Comité à l'égard de la Children's Act de 2020, qui interdit de manière explicite tout châtiment corporel ou humiliant envers les enfants dans tous les milieux, y compris à domicile. Cette loi érige la protection de l'enfant en principe fondamental, en fixant l'âge de la responsabilité pénale à 14 ans et en réservant la détention des mineurs comme solution de dernier recours.
Une cour spéciale pour enfants a été mise en place, et un registre national des délinquants sexuels à l'encontre des mineurs a été instauré en 2020. Le Comité des Nations Unies a salué ces mesures, les considérant comme des exemples de bonnes pratiques dans la région.
Lors de son exposé, Gavin Glover a annoncé que le gouvernement s'est engagé à entamer une série de réformes constitutionnelles majeures. Le 4 avril 2025, le Cabinet a donné son aval à deux projets de loi : l'un visant à abroger l'article 7(2) de la Constitution pour garantir une interdiction absolue de la torture, et l'autre modifiant le Code pénal afin d'aligner ses dispositions sur l'interdiction totale de la torture, même sous une autorité légitime.
🟦Des interrogations sur les peines minimales et la détention provisoire
Malgré les avancées saluées, le Comité a soulevé plusieurs préoccupations. L'absence de seuil minimal pour les peines infligées dans les cas de torture en est une. Bien que le Code pénal mauricien ait renforcé les peines maximales pour brutalité policière, les experts ont estimé que le manque de plancher légal ouvrait la voie à des sanctions trop légères.
La pratique controversée des accusations provisoires, permettant la détention sans inculpation formelle, a également été vivement discutée. Le Comité a demandé comment l'État garantissait les droits fondamentaux des personnes arrêtées, y compris leur présentation rapide devant un juge.
En réponse, le gouvernement mauricien a indiqué que le futur Police and Criminal Justice Bill réglera ce flou juridique en fixant des délais clairs de garde à vue : 48 heures extensibles à 72 heures pour les crimes graves. Ce projet de loi, en attente d'adoption, vise aussi à encadrer les conditions d'arrestation et de détention, à garantir l'accès à un avocat et à interdire l'utilisation de preuves obtenues sous la contrainte.
🟦Des conditions carcérales sous surveillance
Le Comité a exprimé son inquiétude face aux conditions de détention à Maurice : alimentation insuffisante, accès limité aux soins médicaux et réhabilitation, rareté des visites familiales et cas de décès en détention. La délégation mauricienne a reconnu ces défis tout en insistant sur l'implication du National Preventive Mechanism, qui visite les établissements carcéraux pour y garantir un traitement humain.
Par ailleurs, la séparation des détenus préventifs et condamnés, recommandée par la Commission des droits de l'homme, reste un point d'amélioration.
L'île Maurice a mis en place une Independent Police Complaints Commission pour enquêter sur les cas d'abus commis par les forces de l'ordre. Toutefois, le Comité a relevé que ses membres sont nommés par le président, posant la question de son indépendance réelle.
🟦Protection des femmes, des enfants et des minorités
Le Comité a interrogé Maurice sur les violences faites aux femmes, l'absence de reconnaissance juridique du viol conjugal, et l'interdiction généralisée de l'avortement, même en cas de viol. En réponse, Gavin Glover a mentionné l'élaboration d'un Domestic Abuse Bill qui reconnaîtra le viol conjugal comme infraction distincte. Le gouvernement a aussi récemment lancé une politique contre le harcèlement sexuel en milieu de travail et renforcé le soutien aux victimes par des refuges et des services juridiques.
La création d'un environnement respectueux des droits des personnes LGBTQIA+ a également été saluée par le Comité, notamment après la décision historique de la Cour suprême en 2023 de décriminaliser les relations homosexuelles entre adultes consentants. Cependant, les experts de l'ONU ont dénoncé la persistance des crimes motivés par la haine et l'absence de poursuites systématiques.
Maurice, qui ne dispose pas encore d'un mécanisme officiel d'asile, abrite actuellement 18 réfugiés et 80 demandeurs d'asile. Le gouvernement a précisé que les enfants de ces populations peuvent suivre une scolarité grâce à l'appui d'ONG comme Caritas. Toutefois, l'État n'a pas ratifié les conventions internationales sur les réfugiés ou les apatrides, invoquant des ressources limitées.