Dans son rapport publié le 12 avril, la mission du Fonds monétaire international (FMI) salue la reprise économique de pays, mais alerte sur la vulnérabilité budgétaire, les risques systémiques et l'urgence de réformes structurelles.
Parvenir à concilier croissance économique, soutenabilité budgétaire et cohésion sociale : tel est le triple défi que doit relever Maurice, selon la mission du Fonds monétaire international (FMI) qui a conduit sa consultation au titre de l'article IV en mars 2025. Si l'institution de Bretton Woods reconnaît les efforts déployés depuis la pandémie de Covid-19, elle met en garde contre les déséquilibres persistants et le ralentissement des réformes.
Une reprise confirmée, mais à plusieurs vitesses
L'économie mauricienne continue de bénéficier de la reprise post-pandémique. La croissance du produit intérieur brut (PIB) a atteint 5,3 % en 2024, portée par le dynamisme du tourisme, de la construction et des services financiers. L'inflation, autre source d'inquiétude au sortir de la crise sanitaire, a été contenue à 4 % grâce à une politique monétaire plus rigoureuse.
Mais cette embellie macroéconomique dissimule des disparités persistantes. Le chômage, bien qu'en légère baisse, reste élevé chez les jeunes et les femmes. Le FMI relève également une résilience inégale des ménages, dans un contexte de vulnérabilité accrue face au coût de la vie et à la précarité de l'emploi informel.
Endettement et déficit : la trajectoire reste préoccupante
Le déficit budgétaire est estimé à 4,9 % du PIB pour l'exercice 2024/25. S'il marque une amélioration par rapport aux niveaux atteints durant la crise sanitaire, il reste préoccupant au regard du niveau élevé de la dette publique brute, qui avoisine les 88 % du PIB. Le FMI plaide pour une stratégie crédible de consolidation à moyen terme. Celle-ci devrait reposer sur une meilleure efficacité des dépenses, un contrôle de la masse salariale publique et un élargissement de l'assiette fiscale.
L'institution souligne aussi les risques liés aux engagements hors budget, en particulier ceux de la Mauritius Investment Corporation (MIC), structure semi-autonome mise en place par la Banque de Maurice en 2020 pour soutenir les entreprises en difficulté. Le FMI recommande une transparence accrue des activités de la MIC, notamment par la publication de ses états financiers audités et une supervision indépendante renforcée.
Un système financier globalement stable, mais exposé
Le secteur bancaire est jugé stable, bien capitalisé et rentable. Toutefois, la concentration des prêts dans les secteurs de l'immobilier et du tourisme, ainsi que l'exposition croissante aux risques de crédit, nécessitent une vigilance accrue. Le FMI recommande un renforcement du cadre prudentiel, une surveillance macroprudentielle plus active et une clarification des mandats entre la Banque centrale et les autres entités publiques.
Une dynamique de réformes à relancer
La mission du FMI appelle à une accélération des réformes structurelles. Parmi les priorités identifiées : la modernisation de la fonction publique, la promotion de la productivité, la digitalisation des services publics et l'amélioration du climat des affaires. La réforme du système de retraite, notamment du Basic Retirement Pension (BRP), est jugée inévitable face au vieillissement démographique.
Le rapport insiste également sur l'impératif écologique. Maurice est invité à intensifier sa transition énergétique, à verdir ses politiques publiques et à renforcer ses capacités d'adaptation au changement climatique, dans un contexte de vulnérabilité croissante aux chocs climatiques.
Une opportunité décisive
À l'issue de sa mission, le FMI conclut que Maurice dispose encore d'une fenêtre d'opportunité pour stabiliser ses comptes publics, renforcer la résilience de son économie et renouer avec une croissance inclusive. Mais cette fenêtre, prévient le rapport, se referme rapidement. «La discipline budgétaire, la transparence institutionnelle et l'engagement en faveur des réformes sont plus que jamais nécessaires», peut-on lire dans les conclusions.
Dans un contexte régional marqué par l'instabilité et la concurrence fiscale, Maurice est invité à faire preuve de lucidité et de volontarisme. Les indicateurs sont encourageants, mais la trajectoire reste fragile. Le redressement économique ne pourra être durable qu'à condition d'engager sans délai les réformes structurelles nécessaires.