Une victoire de 60/0, c'est excitant ! Le changement est bien plus compliqué... Car le changement ce n'est pas seulement changer les systèmes et les autres, mais aussi CHANGER SOI-MEME !
Il y a eu du changement. Le DPP a retrouvé son autonomie, le Parlement respire mieux, les nominations, même si pas toujours opportunes, sont bien mieux inspirées, moins népotiques. La police et la FCC semblent vouloir retrouver les bons rails, du moins en attendant de tester leur indépendance face à des galipettes éventuelles du pouvoir actuel. Les municipales sont rétablies. Le same day counting est activé. On nettoie l'île aux Bénitiers. Il y a comme un début de frémissement au port...
Par ailleurs, on ne peut pas vraiment tenir rigueur au gouvernement actuel pour les nombreuses promesses électorales qui ne se concrétiseront sûrement pas maintenant. Car, contrairement à l'alliance Lepep qui baignait chaque jour dans la falsification d'une réalité économique catastrophique et qui promettait pourtant encore plus de 'cadeaux', l'Alliance du changement ne pouvait que tenter de promettre pour ne pas se laisser déborder électoralement, ne connaissant pas l'envergure du désastre économique qui l'attendait.
Le désastre étant maintenant confirmé, il y a deux choix. Faire comme le gouvernement précèdent, c.-à-d. continuer à s'acheter les bonnes grâces de l'électeur et essayer de concrétiser toutes les promesses électorales, peu importe les conséquences. Ou confronter les problèmes économiques et financiers de manière frontale et responsable afin d'éviter le scenario du Sri Lanka ou du Zimbabwe avant lui... (
Voir ci-joint les coupures bancaires du Zimbabwe datant de 2009. La plus grosse coupure était alors de 100 TRILLIONS de dollars et la série entière pouvait s'acheter au Zimbabwe quelques années après pour... 10 dollars américains! Le Zimbabwe, vivant au-dessus de ses moyens, avait tout simplement trop imprimé de billets de banque...)
Mais là s'arrêteront les satisfécits et les échappatoires.
On a évoqué plus de transparence dans les affaires de l'Etat, mais le PM, au grand désarroi du pays, s'est efforcé maintenant de défendre l'opacité de l'accord avec l'Inde sur Agaléga, alors que son parti et ses alliés tempêtaient pour la transparence quand ils étaient dans l'opposition. S'il n'y a rien à cacher, comme l'affirmait pourtant Madame Swaraj, ancienne ministre des Affaires étrangères de l'Inde, pourquoi le secret ? Si l'on demande officiellement à New Dehli de nous libérer de cette clause de confidentialité qui est, plus souvent qu'on ne le croit, machinalement incluse par les bureaucrates, pourquoi refuseraient-ils, s'il n'y a vraiment rien à cacher ?
Et si on a bien rendu public le rapport sur les dialysés, qu'est-ce qui étrangle la publication du rapport Wakashio, celui du Land Drainage pour les terrains inondables, la Silver Bank, le rapport des Américains sur les tables d'écoute de Rs 5 milliards, les divers contrats d'approvisionnements de la STC (pétrole, riz, huile, affrètement,...), etc. Sur la grande question de la transparence, la déception grandit et beaucoup de chemin reste à faire en attendant la Freedom of Information Act qui, dit-on, aura de nombreuses clauses de.... confidentialité. Suggérées par les bureaucrates ?
Dans le quotidien, les citoyens mauriciens s'intéressent avant tout au coût de la vie et c'est bien compréhensible. A ce niveau-là, le pays connaît quelques bonnes nouvelles puisque le dollar dévisse, grâce aux 'inspirations' de Trump et le prix du baril baisse de sa pointe de $ 82 à mi-janvier à environ $ 63 cette semaine. Les 125 % de tarifs sur les Chinois suggèrent qu'il y a des marchés textiles à prendre ? Ce n'est pas peu et cela va aider.
Cependant ce qui est bien décevant, par ailleurs, c'est que la majorité des Mauriciens semble bien plus intéressée par les 'affaires' que par la situation économique du pays, alors que sans économie équilibrée et productive, aucun avenir n'est possible pour quiconque !
Diego aidera à seulement masquer les problèmes pour un temps, sans les résoudre...
Qui veut être à la place de Navin Ramgoolam, PM et ministre des Finances qui, en juin, va devoir faire le choix entre 'trianguer' son chemin, courant le risque de ne convaincre ni Moody's, ni le FMI ou de prescrire un remède de cheval qui va assainir les finances et éviter la catastrophe ?
De manière compréhensive, il va falloir réduire la dette, sérieusement freiner les dépenses inutiles et le déficit budgétaire, recapitaliser l'essentiel dans un paraétatique moins étendu, incluant peut-être même le bilan de la BoM si la MIC n'émigre pas, s'assurer que des investissements lourds soient complétés là où ce sera capital (Port, CEB, CWA, AHL), tout en réformant le système des pensions, la bureaucratie d'Etat, ainsi que l'environnement des affaires et la productivité qui mèneront à l'investissement d'exportation, de préférence.
Le but est de tenter d'éviter le 'junk status' menaçant de Moody's qui déclencherait la fuite des capitaux, des emprunts en devises plus chers et le début de grandes difficultés pour les dépôts forex domiciliés dans l'offshore, qui soutiennent crucialement nos prétentions de centre financier...
En fait, le ministre des Finances n'a pas le choix ! S'il fait ce qu'il faut, il ne va pas être aimé ! Mais il sera probablement respecté éventuellement, comme tout bon père de famille qui assume !
Dans un éditorial cinglant, The Economist du 3 avril dernier interpelle ses lecteurs (et Trump qu'il cite entre guillemets) comme suit : «If you failed to spot America being «looted, pillaged, raped and plundered by nations near and far» or it being cruelly denied a «turn to prosper», then congratulations: you have a firmer grip on reality than the president of the United States» ! et souligne la perversité que l'Amérique, qui bénéficie de l'économie la plus puissante et jusque récemment la plus admirée du monde, puisse se présenter comme une 'victime' du reste du monde !
Remarquez que c'est dans la personnalité de Trump de jouer à la victime : le narcissiste qu'il est n'a jamais tort, les faits qu'on lui reproche ne méritent jamais sanction parce qu'il est, juge-t-il lui-même, innocent et constamment 'victime' d'acharnement légal ou politique. Pour tout confirmer, il a reçu un bien beau cadeau de la Cour suprême des Etats Unis récemment : l'immunité pour toute décision qu'il prendrait désormais comme président. Pas étonnant donc qu'il parle de plus en plus d'un troisième mandat, alors que c'est interdit par la Constitution !
Les conséquences d'avoir déclaré la guerre commerciale au reste de la planète, de dénigrer royalement ses partenaires, d'avoir affiché son appétit territorial de manière tant grossière que guerrière (Canada, Panama, Groenland, Gaza,... Qui est le prochain ?) et de ne plus montrer de respect ni à l'ordre mondial, ni même au processus juridique de son propre pays ; suggèrent que Trump et les élites qu'il protège, ont opté pour la rupture, embusqué derrière une politique crue de «America First» qui va inévitablement se muer en «America Alone».
Le reste du monde aura à se fourguer un nouveau chemin. Les démocraties non américaines vont-elles se rapprocher des BRICS ? Quels sont les choix des pays pauvres et des petits pays à part d'être des marchés de circonstance pour les marchandises qui, handicapés par les tarifs américains, devront trouver, y compris via du dumping, preneur ailleurs ? Le dumping! Vous croyez que c'est prometteur pour l'industrie locale, ça ?
Derrière les tarifs, une histoire rocambolesque. Selon Rachel Maddow, la diva respectée de MSNBC, Trump qui n'avait aucun 'programme' économique lors de sa 1ere campagne présidentielle demande à son gendre, Jared Kushner, de lui trouver quelque conseiller. Jared butine les titres de livres sur Amazon.com et trouve le titre «Death by China» alléchant. Un des auteurs est Peter Navarro, un économiste, PhD d'Harvard (!), libre-échangiste jusqu'en 2007/09, selon le très conservateur Institut Cato (*).
Le contact est pris avec ce protectionniste virulent qui voit un risque existentiel en la Chine et qui professe l'utilisation des tarifs pour contrer. Dans plusieurs de ses livres, il cite plus d'une fois une 'autorité' économique pour soutenir son point de vue : Ron Vara. Ce n'est, incroyablement, que l'anagramme simpliste de 'Navarro'...
Défendant lundi les tarifs imposés au reste du monde, Navarro plaidait pour de la patience (jusque 3 ans !), est maintenant en guerre ouverte avec Elon Musk et a balayé d'un revers de main l'offre du Vietnam de tarifs à 0 %, en arguant que le problème ce n'est pas tant les tarifs, mais plutôt le «non tarif cheating» des autres pays ! Sacré défi !
Pourtant, quelques heures après l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs «de la libération», effrayé par les bons du trésor américain qui grimpaient, Trump mettait ses tarifs adorés au frigo pour 90 jours, à 10 % près, sauf pour la Chine. Ron Vara approuvait et affirme que c'était le plan depuis toujours !
Négociations à l'horizon ? Prenons donc place dans la queue, où il y a déjà 60 pays en ligne, les uns plus stratégiquement importants que nous ! On passera sûrement avant les pingouins ? Trump est dans sa position favorite : «They all want to kiss my ass», dit-il, avec l'aplomb du gangster...
Pour tout couronner, Navarro (et Trump) ont suggéré qu'il ne s'agit plus de rectifier la balance commerciale actuelle, mais aussi de compenser les «pertes historiques» endurées jusqu'ici par la «pauvre» économie américaine... Antidaté de 15 ans apparemment ! Voilà bien des négociations qui promettent...
Bravo Jared !