Madagascar: Un projet d'hôtel sème la discorde sur l'île de Nosy Sakatia

À Madagascar, un projet d'hôtel sème la discorde sur l'île de Nosy Sakatia, un millier d'habitants environ, dans le nord-ouest du pays. Une petite partie de cette île a été louée par l'État à une société privée il y a près de dix ans afin qu'elle y développe le tourisme. Un moyen, selon les autorités malgaches, d'offrir des emplois à la population locale. Mais une partie des habitants craignent de perdre leurs terres ancestrales et ont récemment manifesté contre le projet.

À Madagascar, c'est la réalisation de mesures topographiques, en fin de semaine dernière, qui a ravivé l'inquiétude des habitants de Nosy Sakatia. Une partie des terres qu'ils occupent depuis plusieurs générations a été classée « réserve foncière touristique » en 2000 - un statut qui vise à attirer des investisseurs -- avant d'être louée par l'État en 2016 à la société privée malgache Green Mada Land. Le bail s'étend sur une durée de cinquante ans renouvelable.

« Nous sommes en plein droit parce que nous avons sur ce terrain nos habitations, nos terres, la rizière. Tous les habitants de l'île de Sakatia vivent de la pêche, de l'agriculture. Si la société 'Green Mada Land' arrive à implanter un hôtel, nous allons tout perdre », redoute Félicia Mevazara, qui vit sur l'île avec toute sa famille.

« L'argument du gouvernement selon lequel ça va apporter du travail à la population, on n'y croit plus. Nous avons l'exemple d'un grand hôtel sur Nosy Be, ouvert il y a deux ou trois ans, où tous les postes clés ont été confiés à des Européens. Les Malgaches, eux, sont juste là pour être guides, femmes de ménage ou jardiniers », déplore-t-elle.

Cette habitante propose que la population locale loue elle-même les terres à l'État afin que les habitants conservent l'usage de ce terrain sur lequel ils ne disposent pas de certificats fonciers. À la signature du bail en 2016, la redevance demandée à la société Green Mada Land s'élevait à un peu plus de 17 millions d'ariarys par an, soit environ 3400 euros.

« Il y a une opacité totale autour de ce projet »

« Depuis des années, à chaque fois qu'il y a un projet d'investissement, les dirigeants pratiquent une éviction systématique de la population. Les gens des communautés affectées sont très peu recrutés, donc c'est l'intérêt économique de quelques-uns, des nationaux ou des étrangers, qui prime », estime Mamy Rakotondrainibe, la présidente du collectif Tany, une organisation de la société civile engagée dans la défense des terres malgaches.

« Les habitants n'ont jamais vu le contenu du projet et ne connaissent pas les dirigeants de la société 'Green Mada Land'. ll y a une opacité totale autour de ce projet », pointe-t-elle également.

C'est d'ailleurs ce manque de transparence qui avait conduit l'ancien ministre de l'Aménagement du Territoire, Hajo Andrianainarivelo, à adopter un arrêté portant annulation du contrat signé trois ans plus tôt avec la société Green Mada Land. Un certificat de la Conservation de la propriété foncière de Nosy Be daté du 17 mars 2025 indique cependant que le bail signé en 2016 continue de s'appliquer aujourd'hui.

À Madagascar : les habitants de l'île Nosy Sakatia, ont lancé un appel au secours face à leur expulsion imminente de leur île annoncée par les autorités.

« S'appuyer sur de gros investissements tout en respectant les droits des occupants »

Face aux critiques, l'actuel ministre de la Décentralisation et de l'Aménagement du territoire, Naina Andriantsitohaina, défend, quant à lui, un projet allant dans le sens de l'intérêt général.

« Le potentiel de Nosy Be et de ses alentours, c'est du touristique. Donc, il faut qu'on y amène des investisseurs locaux et étrangers, qu'importe, afin de créer de l'emploi. L'idée est de pouvoir équilibrer un développement qui s'appuie sur de gros investissements, où il va y avoir du revenu, où il va y avoir de la taxe pour le pays, tout en respectant les droits des occupants qui sont là depuis longtemps. C'est justement pour cela que l'on doit faire des descentes sur le terrain, que l'on doit faire des relevés topographiques, que l'on doit recenser les gens, les cultures, les habitations, afin que l'opérateur respecte ces droits » explique-t-il.

Le ministre indique qu'aucun déplacement de personnes n'est à l'ordre du jour et que les tombeaux ou les parcelles dédiées aux cultes ancestraux seront extraits de la réserve foncière touristique afin d'empêcher toute détérioration.

« Ce type de projet ne peut avancer qu'avec la consultation locale et c'est d'ailleurs prévu par les textes. L'investissement ne peut pas se faire de façon forcée », ajoute-t-il.

Dans cette région du nord-ouest de Madagascar prisée des touristes étrangers, le cas de Nosy Sakatia n'est pas isolé. Des habitants de l'île voisine de Nosy Mitsio craignent, eux aussi, de perdre leurs terres depuis que l'État a lancé en 2022 un appel aux investisseurs pour y construire un hôtel de luxe.

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