À Madagascar, l'annonce de la suspension pour trois mois des taxes douanières imposées aux produits exportés vers les États-Unis ne rassure pas vraiment les salariés des zones franches industrielles. Initialement, un taux de 47 % avait été annoncé par Donald Trump, soit le plus élevé du continent juste après le Lesotho (50 %).
Des négociations avec Washington doivent avoir lieu le temps de cette suspension, dans l'espoir, pour les autorités malgaches, de le faire reconsidérer. En attendant, au sein des grandes entreprises de la filière textile et habillement, les machines continuent de tourner et les commandes d'être préparées, dans la plus grande confusion. Reportage aux abords de l'une des plus grandes zones franches de la capitale.
Accoudée au comptoir d'une gargote de rue, blouse blanche encore ajustée, Lalatiana s'échappe de l'usine le temps d'une pause. La contremaîtresse a construit toute sa carrière dans cette grande société de textile et approche de la retraite.
En tant que cheffe d'équipe, elle refuse pour l'heure de s'alarmer de la situation, trop occupée à mobiliser ses troupes. « On n'a pas encore eu de commandes annulées, mais on sait bien que ça pourrait tomber dans les prochains jours, glisse-t-elle. D'ailleurs, c'est déjà arrivé à plusieurs de nos concurrents. Alors, on accélère le rythme. On s'efforce d'honorer les commandes en cours, de les expédier au plus vite, pour ne pas arriver à ce stade ».
« On a peur mais actuellement on ne garde pas cette idée en tête »
Ce midi, Andry quitte à son tour l'usine par une porte d'accès très surveillée : « On a peur mais actuellement on ne garde pas cette idée en tête, on laisse faire les grands. » Ce cadre confie s'inquiéter moins pour son propre poste que pour ceux des milliers d'ouvriers, des machinistes aux tricoteurs. Une main d'oeuvre bon marché, peu ou pas qualifiée, qui risque de perdre le privilège d'un emploi formel à Madagascar.
« Ils ont de la stabilité, ils reçoivent leur paie mensuellement, souligne-t-il. Ils ont des avantages sociaux. Quand ils sont malades, quelques médicaments sont pris en charge. C'est ça qui est directement menacé. Où vont se retrouver tous ces travailleurs ? Les machines, ce sont leurs vies, et si on les retire, ils meurent avec leurs machines ».
Les 180 000 travailleurs employés par l'ensemble de la filière du textile sur l'île sont désormais suspendus aux négociations. La filière pèse plus de 19 % du PIB malgache, selon l'Organisation internationale du travail.