Les litiges dans le secteur de la construction sont fréquents et récurrents. Souvent longs et coûteux, ces différends trouvent majoritairement leur origine dans des contrats mal rédigés, incomplets, voire inexistants. C'est dans ce contexte que le Professional Quantity Surveyors Council (PQSC) - l'organisme régissant la profession de Quantity Surveyor en vertu de la Professional Quantity Surveyors Council Act de 2013 - a organisé un atelier de travail le mercredi 9 avril à Bagatelle. Cette rencontre, destinée aux professionnels du bâtiment, s'inscrivait dans une démarche de formation continue (Continuous Professional Development).
Plusieurs intervenants ont pris la parole pour partager leur expertise et aborder les problématiques majeures auxquelles sont confrontés les acteurs du secteur. Le président du PQSC, Keshav Padaruth, a ouvert les discussions en soulignant un constat alarmant : plus de 95 % des litiges dans le domaine de la construction découlent directement de désaccords sur la gestion des coûts et les conditions contractuelles.
Il a insisté sur la nécessité d'impliquer un arpenteur dès la phase de conception d'un projet. Trop souvent, ces professionnels ne sont sollicités qu'en cas de litige, alors qu'une implication en amont permettrait d'éviter bien des complications. Selon lui, leur présence dès le début garantit un meilleur encadrement du projet, tant sur le plan technique que financier.
Le vice-président du PQSC, Anand Juddoo, expert reconnu avec plus de 36 ans d'expérience dans l'arbitrage en construction, a apporté un éclairage pertinent sur l'évolution des contrats au fil du temps. Titulaire d'un diplôme en Quantity Surveying et d'une maîtrise en droit, il a rappelé qu'un contrat verbal, bien que légalement valide, reste difficile à faire valoir en l'absence de documents écrits. Il a ainsi insisté sur la nécessité de rédiger des contrats clairs, détaillés et exhaustifs.
Selon lui, tout contrat de construction devrait contenir les informations essentielles sur les parties prenantes - le contracteur et le client - ainsi qu'une description précise du projet : emplacement, nature des travaux, spécifications techniques, délais d'exécution. Le montant du marché doit également être clairement défini, qu'il soit forfaitaire ou calculé autrement, et les modalités de paiement doivent être établies en toute transparence. Ces éléments sont souvent à l'origine de litiges devant les tribunaux mauriciens, d'où l'importance d'y accorder une attention particulière.
Anand Juddoo a également mis en garde contre les avances financières versées sans garanties dès la signature du contrat, une pratique à éviter. Il a souligné les risques liés aux termes flous ou ambigus. Par exemple, un contrat dit «gris» couvre uniquement les travaux de base - blocs, béton, crépissage - sans inclure l'électricité ni la plomberie. Si ces exclusions ne sont pas clairement stipulées, elles peuvent entraîner des malentendus et des litiges.
Il a par ailleurs recommandé d'insérer des clauses de pénalité en cas de retard de livraison. De nombreux entrepreneurs s'engagent sur plusieurs projets en même temps, sans disposer des ressources humaines nécessaires. La pénurie actuelle de main-d'oeuvre spécialisée, comme les ferrailleurs ou les charpentiers, aggrave la situation. Pour se protéger, les clients doivent intégrer des délais contractuels stricts assortis de sanctions en cas de non-respect.
Le PQSC recommande également de préparer en amont tous les documents contractuels et techniques avant le démarrage des travaux, notamment un cahier des charges administratives particulières et des spécifications détaillées. Le contrat doit également stipuler que tout dépassement de délai entraînera des pénalités, tout en intégrant des clauses de force majeure pour couvrir les aléas tels que les intempéries ou la flambée imprévue des coûts des matériaux.
En matière de vérification des entrepreneurs, Anand Juddoo a rappelé que les travaux de moins de Rs 500 000 ne nécessitent pas d'enregistrement obligatoire. Toutefois, les clients doivent rester vigilants : ils doivent s'assurer que le contracteur est bien inscrit auprès des instances compétentes (Construction Industry Authority, Mauritius Revenue Authority, Corporate and Business Registration Department), demander des références, visiter d'anciens chantiers, vérifier les équipements, le capital de l'entreprise, le casier judiciaire et la capacité de gestion de projets multiples.
Concernant les modifications en cours de chantier, le contrat doit prévoir des procédures claires. Toute modification implique des ajustements de coût et de délai, dont les deux parties doivent être dûment informées. Le vice-président du PQSC a également recommandé de ne signer le contrat qu'après l'obtention du permis de construire délivré par la municipalité ou le District Council, afin d'éviter tout change- ment unilatéral ultérieur.
Le contrat devrait inclure une garantie décennale couvrant le gros oeuvre, ainsi qu'une assurance pour les travaux en cours. Anand Juddoo a souligné que de nombreux défauts apparaissent après la livraison, et que cette garantie oblige l'entrepreneur à effectuer les réparations nécessaires sans frais.
Enfin, il a recommandé l'introduction de clauses de résiliation encadrées, permettant aux parties de se désengager légalement en cas de manquement. Face à la lenteur des procédures judiciaires, il encourage également le recours à l'arbitrage.