Maurice accueillera les Assises de l'éducation de demain à jeudi, à l'auditorium du Mahatma Gandhi Institute à Moka. Un rendez-vous durant lequel divers intervenants auront l'occasion de présenter leurs propositions et attentes pour ce secteur, tout en mettant en lumière les nombreux défis qui jalonnent leur parcours. Ces trois jours permettront de dresser un état des lieux des faiblesses du système éducatif et de proposer de nouvelles stratégies pour mieux répondre aux problématiques touchant la jeunesse mauricienne.
Ce n'est pas la première fois que le secteur éducatif organise des assises. La dernière édition remonte à octobre 2013, où plusieurs thèmes avaient été abordés, notamment la violence scolaire et l'indiscipline dans les établissements. Pourtant, les solutions se font toujours attendre face à ces fléaux qui gangrènent encore la société.
Pour le président de la Federation of Education Unions (FEU), Yugeshwur Kisto, les attentes sont nombreuses : «J'espère qu'un espace de dialogue ouvert et constructif permettra à tous les acteurs de l'éducation - enseignants, parents, élèves et pédagogues - d'exprimer leurs opinions et préoccupations.» Il souligne l'importance d'aborder les conditions de travail des enseignants : formation continue, ressources pédagogiques, opportunités de développement professionnel.
«Les enseignants doivent être valorisés et soutenus pour améliorer la qualité de l'éducation. J'espère que les assises intégreront toutes les voix afin que les politiques éducatives soient vraiment représentatives des besoins des élèves.»
Les attentes des enseignants sont donc nombreuses à l'approche de ces assises.
«Je souhaite qu'un plan d'action concret et mesurable en ressorte, avec des objectifs clairs et des indicateurs précis pour évaluer les avancées. Il est essentiel que l'éducation pour tous soit au coeur des débats, avec un engagement fort pour éliminer les barrières qui empêchent les enfants issus de milieux défavorisés ou ceux ayant des besoins spécifiques d'y accéder pleinement», ajoute Yugeshwur Kisto.
Paroles et actions
Autre point essentiel : la nécessité d'une collaboration étroite entre le ministère et les syndicats. «Il faut inclure des mécanismes de suivi pour garantir la mise en oeuvre effective des recommandations. Cette démarche nécessitera une coopération constante. J'espère aussi que l'innovation sera valorisée, notamment à travers l'intégration des technologies numériques, pour préparer les élèves aux défis du XXIe siècle.»
En somme, ces assises devraient être un catalyseur de changement positif et durable, en plaçant enseignants et élèves au centre des priorités. Mais certains restent sceptiques quant aux retombées de ces assises. «Des assises de plus, pour quel résultat ?» s'interroge Suttyhudeo Tengur, négociateur de la Government Hindi Teachers Union (GHTU).
Il émet de vives réserves sur l'utilité de cet exercice, qu'il perçoit comme une opération de communication sans réel impact. «Il y a quelques années, des assises similaires avaient été organisées. Quelques mois plus tard, j'ai demandé à un cadre du ministère quelles suites avaient été données. Sa réponse m'a sidéré :c'était juste pour attirer l'attention du public et des médias.»
Selon le syndicaliste, ces grands rendez-vous se soldent toujours par le même résultat : rien. Une critique qu'il adresse aussi à l'actuel ministre, qu'il accuse de privilégier son image médiatique plutôt que de mener des actions de fond.
«Depuis cinq mois, il multiplie les apparitions sur les réseaux sociaux et dans les médias, mais sur le terrain, rien n'a changé. Les problèmes sont connus, les rapports existent, les recommandations ont été faites. Ce qui manque, ce ne sont pas les idées, mais une vraie stratégie et les moyens pour les concrétiser », martèle Suttyhudeo Tengur.
Harcèlement scolaire : un cadre légal nécessaire
Pour lui, l'heure n'est plus aux constats mais à l'action : réunir les techniciens, élaborer une stratégie, obtenir des ressources auprès du ministère des Finances et mettre en oeuvre les propositions issues de consultations. Il cite notamment le problème des leçons particulières : «Certaines familles modestes n'ont pas les moyens d'y recourir, tandis que d'autres le peuvent. On assiste à une inégalité qui compromet les chances des enfants. Au lieu de chercher à corriger cette injustice, la ministre préfère organiser des assises.»
Autre sujet préoccupant : le harcèlement scolaire. Selon la GHTU, seule l'instauration d'un cadre légal pourra freiner ce phénomène. «Il faut créer une véritable dissuasion, chez les élèves et les parents. Pourquoi ne pas s'inspirer des systèmes mis en place aux États-Unis ou en Angleterre ?»
Il n'est pas le seul à dénoncer le flou entourant ces assises. Certains syndicalistes expriment aussi leur agacement. «On parle de ces assises depuis décembre et nous n'avons reçu nos invitations qu'à la mi-semaine dernière, au compte-goutte, sans savoir précisément qui y participera.»
Les syndicats du secondaire s'étonnent même de n'avoir qu'une demi-journée pour faire entendre leurs propositions, alors qu'une journée entière avait été consacrée aux discussions lors des pré-assises. «On ne sent pas une bonne ambiance autour de ces assises.»
Le ton est donné : pour la GHTU, le temps des déclarations est révolu. «Tant qu'on se contentera de répéter ce que l'on sait déjà, en oubliant que des solutions dorment dans les tiroirs du ministère, on tournera en rond », conclut Suttyhudeo Tengur.