Créée en 2017 et entrée en activité en 2018, la brigade des investigations et de lutte contre l'évasion fiscale, connue sous le nom de police fiscale, mène depuis plus d'un an et demi des opérations d'envergure ciblant divers secteurs. A sa disposition, plusieurs milliers d'évadés fiscaux et quelques milliards de dinars non déclarés.
Restauration, e-commerce, professions libérales..., la jeune structure a lancé, depuis quelque temps, la chasse aux fraudeurs et contrevenants fiscaux. La tâche n'est pas de tout repos, comme nous l'a expliqué le chef de la brigade, Ali Khelifi. Mais les membres des diverses équipes sont en ordre de marche : objectif, traquer les évadés fiscaux et imposer le respect des réglementations fiscales. «Malgré le faible effectif -- une vingtaine d'enquêteurs --, tous les membres de la brigade sont impliqués dans cet effort. Nous essayons de couvrir tout le territoire», a-t-il affirmé dans une déclaration à La Presse.
Redoubler d'efforts
En l'espace de deux ans, cette structure a mis les bouchées doubles et mène ses enquêtes à un rythme croissant. « Notre objectif est de concrétiser les priorités et les orientations de l'Etat, qui consistent à appliquer la politique du «compter sur soi». Nous devons contribuer à la consolidation des finances publiques, financées à hauteur de 70% par les recettes fiscales », a-t-il indiqué.
Et d'ajouter : « Parvenir à élargir la base fiscale est donc une priorité pour nous. A travers ces missions, nous rappelons à l'ordre les évadés fiscaux, les non-identifiés par l'administration fiscale et tout contrevenant à la loi, en les enjoignant à s'acquitter de leurs devoirs fiscaux, tout en respectant le principe de l'équité fiscale». Selon Khelifi, le phénomène de l'évasion fiscale a pris de l'ampleur. Il explique que les actions de la police fiscale sont actuellement focalisées sur deux types d'évadés fiscaux : les non-identifiés (ou non-patentés) et les fraudeurs fiscaux.
Descente à la veille de l'Aïd : des dizaines de millions de dinars non déclarés
Après une première mission d'envergure engagée en 2023, ciblant les professions libérales, la police fiscale s'est récemment attaquée au secteur de la restauration, où les fausses déclarations sont courantes. «Cela fait un an que nous travaillons sur le secteur des cafés et des restaurants. Nous avons pu déceler une minoration importante des chiffres d'affaires, surtout par les restaurants qui servent des boissons alcoolisées », a affirmé le responsable. S'ingéniant à user de ruses pour faire tomber les fraudeurs dans ses rets, la police fiscale a effectué une descente de grande ampleur la veille de l'Aïd dans le quartier résidentiel du Lac, visant les cafés et restaurants.
« Le choix de cette période de l'année est bien réfléchi, car la consommation y est importante, d'autant plus qu'elle est encore traçable. La descente, qui a duré toute la nuit, s'est effectuée en toute discrétion afin de garantir l'effet surprise et, donc, sa réussite», a commenté Khelifi. Il a expliqué que des informaticiens analystes ont également été mobilisés lors de cette opération afin de récupérer le plus d'informations possible, qui serviront par la suite pour les travaux d'investigation et le recoupement des données relatives aux déclarations fiscales. Résultat des courses : des dizaines de millions de dinars d'écart entre les chiffres d'affaires réalisés et ceux déclarés.
Le commerce en ligne: l'arbre qui cache la forêt
Le secteur du commerce, et particulièrement celui du e-commerce où l'informel occupe une place importante, est aujourd'hui dans le viseur de cette structure qui s'active sur tous les fronts. Mais cette fois-ci, on change de tactique : pour remonter toute la pelote, la police fiscale traque les livreurs. « Les descentes ont ciblé les livreurs, car à travers eux, on peut construire, de fil en aiguille, les bases de données relatives aux prestataires de services (vente de vêtements, maquillage, etc.), mais aussi aux montants payés par les clients », a-t-il précisé. Les travaux d'enquête ont conclu à un volume de chiffres d'affaires dans le secteur du e-commerce qui dépasse les 2,4 milliards de dinars, et l'identification de 35 000 contribuables non identifiés.
« Les chiffres sont énormes. La mission a débuté fin décembre 2023 et a duré un an. Mais l'exploitation des données se poursuit, à ce jour, étant donné le nombre important de contribuables », a-t-il ajouté. La police fiscale a, par ailleurs, trouvé un autre moyen pour traquer les commerçants adeptes des fausses déclarations : les circuits des tickets-restaurant. « Là, on parle d'un volume de chiffres d'affaires de plusieurs centaines de millions de dinars réalisés par des commerçants qui acceptent le paiement par tickets-restaurant mais qui ne déposent pas leurs déclarations fiscales », a indiqué Khelifi. Les opérations de descente ont donc ciblé les fournisseurs de tickets-restaurant afin d'accéder aux bases de données relatives à ces commerçants. «Nous essayons d'innover en termes de méthodes d'enquête pour pouvoir récupérer l'information et construire une base de données, étant donné que le processus de digitalisation est toujours en cours», a-t-il poursuivi.
Objectif : une administration omniprésente et juste
Présente aussi sur la voie publique, la brigade fiscale a, selon le code des droits et des procédures fiscaux, les prérogatives de fouiller les véhicules et de contrôler les marchandises transportées. Elle a pu, en moins de deux ans, dresser 300 procès-verbaux pour infraction fiscale pénale. « Notre objectif est que l'administration fiscale soit une administration omniprésente et juste.
Nous avons aussi un rôle de sensibilisation, puisque, à travers ces missions, nous invitons les contrevenants à régler leur situation auprès de l'administration fiscale, en leur expliquant leurs droits et les avantages dont ils peuvent bénéficier », a ajouté Khelifi.
Il a, par ailleurs, précisé que les équipes de la brigade peuvent également conduire des missions ciblant les contrebandiers, souvent basées sur les rapports de la CTaf. « La brigade peut se saisir des affaires d'évasion fiscale, soit de sa propre initiative, soit sur instruction judiciaire », a conclu Khelifi.