Au Mali, trois militants du Mouvement pour la paix au Mali (MPPM) et du parti d'opposition Sadi se voient refuser la libération provisoire, en raison d'aveux qu'ils n'auraient jamais faits, clament leurs proches.
La Cour d'appel de Bamako a rendu un arrêt en ce sens le 18 février, qui n'a été notifié à la défense que vendredi 11 avril, deux mois plus tard. Moulaye Baba Haïdara, Mahamoud Mohamed Mangane et Amadou Togola sont détenus, depuis presque deux ans. Ils ont subi de graves tortures et sont accusés notamment de « complot » et d'« atteinte à la sûreté de l'État ».
L'arrêt de la Cour d'appel, consulté par RFI, se fonde sur les aveux des trois hommes pour s'opposer à leur libération provisoire. Moulaye Baba Haïdara, Mahamoud Mohamed Mangane et Amadou Togola auraient ainsi reconnu, devant les enquêteurs de la brigade d'investigations judiciaires (BIJ), avoir rencontré des « personnalités militaires, politiques et religieuses » pour planifier « des manifestations d'envergure » et, à terme, « renverser les autorités de transition ». Des activités menées « en lien avec d'autres individus établis à l'étranger », selon ce même document.
« Un montage monstrueux »
« Ce qui est écrit dans cet arrêt n'est pas vrai, s'indignent des très proches des accusés. Ces rencontres n'ont jamais eu lieu et ils ne peuvent donc pas les avoir avouées. »
Selon ces sources, l'arrêt de la Cour d'appel cite des témoignages qui n'existent pas : « C'est un montage monstrueux », assure encore l'une de ces sources qui pointe plusieurs incohérences dans le document. Une femme est par exemple présentée comme une inculpée alors qu'elle ne figure pas dans le dossier.
Sollicité par RFI au sujet de cet arrêt, le procureur de la Cour d'appel n'a pas souhaité commenter.
Graves tortures
Moulaye Baba Haïdara, Mahamoud Mohamed Mangane et Amadou Togola, du Mouvement pour la paix au Mali (MPPM), avaient été enlevés par la Sécurité d'État entre mai et juin 2023. Cela après avoir dénoncé des exactions de l'armée malienne, lors d'une conférence de presse. Détenus pendant plusieurs mois au secret, en dehors de toute procédure légale, les trois militants avaient subi de graves tortures - flagellations, scarifications, électrocution des testicules - avant que leur cas ne soit finalement transmis à la justice.
« S'il y a eu aveux, ajoute un camarade politique des trois hommes, ce sont des aveux extorqués sous la torture. »
Les trois hommes, qui souffrent depuis de séquelles physiques et psychologiques, sont officiellement inculpés d'« association de malfaiteurs, atteinte à la Sureté extérieure et intérieure de l'État, atteinte à l'unité nationale et au crédit de l'État, complot contre le gouvernement et complicité de faux, usage de faux et disposition du bien d'autrui. »
En octobre dernier, le juge d'instruction malien en charge de l'affaire et la Cour africaine des droits de l'Homme ont ordonné leur libération, respectivement pour un vice de procédure et pour permettre aux trois hommes d'être soignés. Ces décisions n'ont jamais été appliquées.
Le mois dernier, ce sont des experts mandatés par les Nations unies qui appelaient à leur libération « immédiate et inconditionnelle », afin qu'ils puissent bénéficier de « soins médicaux urgents ». Les experts demandaient également « l'examen rapide de leurs dossiers qui semblent avoir été constitués, en représailles à l'exercice de leur liberté d'expression ».