Cote d'Ivoire: Présidentielle - Le piège électoral ?

15 Avril 2025
analyse

Au fur et à mesure que l’on s’approche de la date du 25 octobre 2025 retenue pour l’élection présidentielle, de lourds nuages s’amoncellent sur le ciel ivoirien.

Tout semble s’organiser autour de la stratégie de conservation du pouvoir par le Rassemblement de Houphouettiste pour la Démocratie et la Paix (RHDP) pour ne pas dire plus.

En effet, tout est parti de la publication des listes électorales le 17 mars 2025, au terme du délai de révision qui était fixé du 19 octobre au 10 novembre 2024 et finalement prorogé d’une semaine par la commission électorale indépendante (CEI). En effet, dans ces listes comprenant environ près de 9 millions d’électeurs, on constate la radiation de M. Laurent Gbagbo, de Soro Kigbafori Guillaume et de Charles Blé Goudé, figures éminentes de la vie politique ivoirienne de ces dernières années, pour avoir été respectivement Président de la République, Président de l’Assemblée Nationale et ministre de la Jeunesse, et par ailleurs chefs de partis.

Il est vrai que dans les états-majors de ces leaders on ne compte pas se laisser éliminer, surtout que les arguments brandis pour motiver ces radiations des listes ne semblent pas à leurs yeux pertinents. Sauf que le délai du contentieux pendant lequel les contestations sont possibles arrive à échéance le 20 avril 2025.

En tout cas, à en croire les porte-paroles ou responsables de ces formations politiques, la voie juridique semble être préférée pour que leur cause soit entendue et rétablie. La justice ivoirienne sera-t-elle diligente pour vider ces précontentieux électoraux susceptibles de vicier le jeu électoral? Rien n’est moins sûr selon la plupart des observateurs.

Déjà, la décision de surseoir à la délivrance du certificat de nationalité à M. Tidiane Thiam un concurrent d’Alassane Ouattara pour la prochaine présidentielle, prise par le juge du tribunal de 1ère instance d’Abidjan- Plateau, au motif qu’il existe un recours ( il se dit qu’il y a 150) en constatation de la perte de la nationalité ivoirienne, intrigue doublement.

D’abord, parce que le processus électoral obéit à un calendrier strict et à des dates butoirs pour chaque étape jusqu’à l’élection.

Ensuite, suspendre la délivrance de cette pièce essentielle pour le dossier d’un candidat à des recours qui sont introduits par d’autres acteurs du processus risquent de mener à la forclusion. D’ailleurs, le juge des référés qui avait été saisi de la requête de Mme Valérie Yapo pour contester la légitimité des organes du PDCI et l’investiture de Tidjane Thiam comme candidat du PDCI-RDA et, par ricochet, celle de CAP Côte d’Ivoire, la nouvelle dynamique unitaire de l’opposition, a fort justement déclaré son incompétence.

Le juge du fond, quant à lui, doit se prononcer le 24 avril prochain, soit 4 jours après l’expiration du délai du contentieux. Dans quel sens va-t-il trancher? Difficile à dire. Il y a de fortes chances qu’il se déclare lui aussi incompétent.

Toujours est-il que les conséquences seraient lourdes s’il devait se prononcer en défaveur de Tidjane Thiam. D’abord parce qu’il va remettre en cause la liste provisoire déjà publiée par la CEI, auprès de qui des recours sont déposés aussi. Ensuite, la question qu’on pourrait soulever est alors de savoir si le juge civil peut décider en lieu et place du juge électoral qui, normalement, est le Conseil constitutionnel?

En effet, si l’on se réfère à l'article 94 de la Constitution ivoirienne qui confie au Conseil constitutionnel la connaissance du contentieux de l'éligibilité et de celui de l'élection. L’irruption du juge civil risque de provoquer un imbroglio de recours électoraux à l’issue incertaine, car l’élimination de sa candidature entrainerait ipso facto un «déni électoral». Pis le calendrier électoral pourrait être impacté.

Au demeurant, il faut préciser que l’art 94 est assez explicite car il stipule que la saisine du Conseil constitutionnel en ce qui concerne le contentieux de l'éligibilité, relève des candidats ou des formations politiques « les parrainant éventuellement  ». Ce bout de phrase revêt un intérêt profond, car il adresse la question de savoir si les requérants ont qualité à agir? Ont-ils agi dans les 72h suivant la publication des candidatures » transmises par la Commission électorale indépendante?

C’est dire donc que la bataille politico-juridique que les protagonistes de la présidentielle de 2025 se livrent, et qui est de loin préférable à la confrontation, n’en est pas à son épilogue. Elle a changé de nature, mais aussi d’échelle et d’envergure.

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