À la CAN U-17 CAF TotalEnergies 2025, les entraîneurs n'ont jamais autant parlé de gardiens de but. Ils les étudient, les analysent, les préparent. Chaque détail compte : jeu au pied, explosivité, communication.
Le poste, autrefois marginalisé dans les centres de formation africains, est en train de devenir un pilier de la stratégie d'équipe. Les coachs ne veulent plus simplement de « stops goals », ils réclament des patrons, des joueurs capables de dicter un tempo, d'anticiper, de décider.
« On vient avec quatre gardiens », glisse Adama Diefla, le sélectionneur du Mali, avec une sincérité qui détonne. « On les travaille tous de manière spécifique. Chacun a un rôle. » L'un d'eux, Oumar Cheikh, a été préparé pendant des semaines pour entrer... à un moment bien précis. Ce moment est arrivé en quart de finale, face à la Tunisie (0-0,10 t.a.b 9). Diefla opte pour un coup tactique : il sort son titulaire Iannis Sacko avant la séance de tirs au but. L'entrée du « petit » comme l'aime le surnommer son coach, préparé en amont, s'avère décisive. « C'est lui le meilleur dans cet exercice », justifie calmement le technicien. Coup de maître. Le Mali passe.
Une hiérarchie repensée
Cette gestion collective et millimétrée du poste se retrouve ailleurs. Le Burkina Faso, par exemple, a fait le choix d'alterner entre ses portiers. Une décision pleinement assumée par Prince Ouédraogo, le gardien burkinabè élu Homme du Match face à l'Afrique du Sud (2-0), qui résume : « On est une famille dans la famille. Chacun a sa chance. » Derrière cette phrase en apparence banale se cache une philosophie partagée : celle d'un groupe où les postes ne sont plus figés, où le mérite quotidien à l'entraînement peut faire vaciller les hiérarchies.
Le sélectionneur Oscar Barro, lui, insiste sur la progression individuelle. « Le poste de gardien demande un travail constant. Au début des stages, on avait des difficultés. Mais notre portier a progressé à tous les niveaux : lecture, sorties, jeu au pied. Aujourd'hui, il rayonne. » Et, plus encore que dans le jeu de champ, cette progression rapide est cruciale entre les poteaux, où la moindre hésitation peut coûter une place en Coupe du Monde.
Des promesses déjà bien affirmées
Car cette CAN U-17 est bien plus qu'un simple tournoi de jeunes. C'est un tremplin, une scène d'exposition. Et dans cette vitrine, les portiers brillent. À commencer par celui du pays hôte, le Maroc. Chouaib Belaarouch n'a concédé qu'un seul but sur les quatre premiers matches, s'imposant par sa rigueur et sa constance. Son style épuré, sans fioritures, lui a valu le titre de meilleur gardien de la phase de groupes. Une performance sans éclat tapageur, mais d'une fiabilité redoutable. À Mohammédia, il est déjà perçu comme un futur titulaire en puissance pour les années à venir.
Même lorsque l'issue collective n'est pas favorable, les gardiens parviennent à s'illustrer. Le Tunisien Slim Bouaskar par exemple, a été élu Homme du Match lors du nul 0-0 face au Sénégal en phase de groupes.
Une école africaine en plein essor
Cette mutation est visible dans les mots, dans les choix, dans les regards. Là où il y a quelques années encore, les portiers semblaient être des solutions par défaut, ils sont désormais des moteurs de la performance. Des leaders en devenir, forgés dans les académies, affûtés par des entraîneurs spécifiques, projetés sur la scène continentale avec une ambition claire.
Et si les anciens modèles comme André Onana, Ronwen Williams ou encore Yassine Bounou continuent d'inspirer les plus jeunes, ces derniers ont déjà leur propre empreinte. Ils ne copient plus. Ils inventent. Ils osent. Ils s'organisent. Ils dirigent. En somme, ils gardent.
L'avenir leur appartient
Derrière les arrêts spectaculaires et les envolées décisives, c'est toute une école africaine du poste qui est en train d'éclore. Longtemps restée dans l'ombre des secteurs offensifs et défensifs, elle trouve enfin une reconnaissance. En témoignent les plans de jeu de plus en plus pensés autour du gardien, les séances vidéos spécifiquement dédiées à leur comportement, et même les affectations précises en fonction des situations de match.
Les entraîneurs ne se contentent plus de lister leurs gardiens. Ils les managent. Ils les placent, les préparent psychologiquement, ajustent leur rôle selon les moments du match. À ce niveau d'exigence, la marge d'erreur est infime. Et les meilleurs, même à 16 ou 17 ans, sont ceux qui ont su prendre les responsabilités sans attendre qu'on les leur donne.
Oui, l'Afrique a trouvé ses nouveaux portiers. Pas simplement pour garder les cages, mais pour guider les lignes. À cette CAN U-17, les plus grands enseignements ne sont pas toujours venus des buteurs. Parfois, c'est dans le silence d'une parade, dans la tension d'une sortie, dans l'assurance d'un regard, que se sont écrites les plus belles promesses du football de demain.