De passage à Kinshasa a l'occasion de la sortie du film "Mungaga, celui qui soigne", le docteur Denis Mukwege revient sur la situation politique et sécuritaire en RDC.
Le film "Munganga, celui qui soigne" est sorti le week end dernier sur les écrans de Kinshasa, en République démocratique du Congo. Réalisé par Marie-Hélène Roux, cette fiction montre la vie et le travail du Dr. Denis Mukwege. Le célèbre gynécologue, prix Nobel de la Paix en 2018, était présent à KInshasa pour la présentation du film.
Dans le courant du mois de janvier, "l'homme qui répare les femmes", comme on le surnomme, a dû quitter Bukavu et son hôpital de Panzi, suite à la prise de la ville par le mouvement rebelle du M23. Au micro de Wendy Bashi, Denis Mukwege revient sur la sortie du film et la situation politique et sécuritaire dans sa région.
DW : Cette année cela fait 29 ans que des malades ont été assassinés par des hommes armés dans votre hôpital de Lemera, sur le terrain le temps semble s'être arrêté depuis.
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Denis Mukwege : oui, Il y a 29 ans, l'hôpital de Lemera a été attaqué par des hommes armés. Les malades que je venais d'ailleurs d'opérer ont été assassinés dans leur lit. Le personnel, qui était courageux et qui ne voulait pas quitter l'hôpital, a été aussi massacré. 29 ans après, ceux qui ont commis ces crimes courent toujours. Ils sont dans l'armée, ils sont dans l'administration, ils ont des postes politiques. C'est inadmissible. Quand on voit le film (Munganga, Ndlr), ce qui se passe dedans il y a dix ans, se poursuit encore aujourd'hui. Je crois qu'il faut garantir la population congolaise. La femme congolaise a besoin de garanties de non-répétition. Sinon, si à chaque fois elle doit s'attendre et subir la même chose, c'est traumatisant et ça détruit complètement la société à quelques détails près.
DW : En janvier dernier, vous avez dû quitter Bukavu lors de la prise de la ville par le M23. Qui s'occupe des malades à Panzi aujourd'hui ?
Denis Mukwege : Malgré mon absence, il y a une équipe bien formée, une équipe très engagée et motivée qui continue à prendre lesvictimes de violences sexuelles en charge. J'ai forme des jeunes médecins sur le plan théorique à l'université et sur le plan pratique à l'hôpital. Ils font mieux que moi.
DW : Est-ce que vous comptez rentrer à Bukavu ? Vous pensez que c'est possible ?
Denis Mukwege : Le Congo, c'est mon pays, dès que j'aurai la possibilité de retourner à Bukavu, j'irai. Mais aujourd'hui, comme vous le savez, les aéroports ont été détruits. Manifestement, neuf mois après, on ne voit pas la volonté de remettre ces aéroports en fonction et ça c'est dommage.
DW : Si demain, la population congolaise vous demandait de diriger une transition en RDC, vous seriez prêts ?
Denis Mukwege : c'est une question que je trouve tout à fait prématurée. Je crois qu'aujourd'hui nous avons un sérieux problème et je trouve que les hommes politiques, avant de se disputer des positions, devraient d'abord se rendre compte que nous sommes en train de perdre notre pays. Et on est dirigeant d'un territoire donné où habite une population. C'est cela la nation, les gens qui acceptent de vivre ensemble. Aujourd'hui, on essaye de briser cet élan national, on essaie de nous briser en tant que nation. Et je pense que ceci devrait être dans la tête de tout le monde, de tous les politiciens, de tous les citoyens.