Afrique de l'Ouest: Erosion côtière / Programme Waca - Des hommes de médias en immersion sur les sites du projet en Mauritanie

20 Novembre 2025

Une délégation de journalistes a séjourné, du 10 au 14 novembre 2025 à Nouakchott et sa région à l'invitation du Bureau d'Appui Régional du Programme de gestion du littoral ouest-africain (Waca Bar).

Comme de nombreux pays du littoral, la Mauritanie fait face à une érosion côtière accélérée, aggravée par le changement climatique. À Nouakchott, la menace est particulièrement aiguë : 70 % de la capitale se situe en dessous du niveau de la mer, protégée seulement par un cordon dunaire aujourd'hui fragilisé.

Selon Mohamed Lamine Baba, coordonnateur du Programme de gestion du littoral ouest-africain, communément appelé Waca, (pour sa dénomination anglaise : West Africa Coast al Areas Program) en Mauritanie, cette barrière naturelle a subi de fortes dégradations. Autrefois haute de 6 à 7 mètres, elle a été progressivement affaiblie, notamment par l'extraction massive de sable destinée à la construction de bâtiments dans des communes comme Tevragh Zeine, Sebkha ou encore El Mina jusqu'au début des années 2000.

Cette exploitation a provoqué l'apparition d'une vingtaine de brèches, exposant près de 50 000 ménages à un risque d'inondation.

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« Les gens ne se rendaient pas compte du danger jusqu'à l'ouverture de ces brèches », déplore Lamine Baba, rappelant que l'élévation du niveau marin, le changement climatique a finalement conduit à une prise de conscience dans les années 2005-2006.

Au dire du coordonnateur Mauritanie, « la clôture du projet est fixée au 30 décembre. Malgré quelques retards, les indicateurs montrent de très bons résultats. Initialement prévu sur cinq ans, le projet a été prolongé de deux années en raison de difficultés techniques, mais affiche aujourd'hui une avancée jugée « très satisfaisante ».

Une mission internationale pour constater les progrès

Du 10 au 14 novembre, une visite de presse réunissant journalistes, créateurs de contenus et membres du Programme WACA ResIP a permis de mettre en lumière les actions menées. Cette mission, organisée par le Bureau d'Appui Régional du programme waca (Waca Bar) et l'Unité de gestion du projet waca en Mauritanie, visait à valoriser les efforts entrepris en matière de protection côtière, adaptation climatique et résilience communautaire.

La délégation a pu observer les fixations des dunes, le colmatage des brèches et les initiatives d'AGR soutenues par le programme dans des zones arides.

« Cette visite permet de documenter, vulgariser et promouvoir les progrès réalisés par la Mauritanie dans le cadre de WACA, disposer de documents de plaidoyer », explique Mallé Diagana, coordonnateur du Bureau d'Appui Régional.

Sur les 20 brèches identifiées, 9 ont déjà été colmatées, les plus dangereuses. Cette opération va permettre de protéger la ville contre le déferlement de grandes vagues. Les équipes se sont rendues sur le littoral notamment à Tergit Vacances pour constater ces travaux.

Le colmatage a consisté à remblayer à une hauteur allant parfois de 4 à 5 mètres pour reconstituer naturellement la dune maltraitée ou fortement agressée. Ensuite par un mécanisme naturel, le sable de la mer a été piégé. Ensuite un reboisement a été fait, pour fixer le sable. Les opérations de génie civil et de fixation mécanique et biologique ont été menées.

Le Dr Abdoul Dia, coordonnateur adjoint waca Mauritanie a souligné que des actions comme la construction de grands bacs à fleurs ont été érigées pour protéger le cordon déjà fragilisé, car des individus venaient avec leur voiture faire des cascades ou rodéos sur ce cordon. Suite à cela, des campagnes de sensibilisation à l'attention des populations ont été réalisées sur l'impact de leur action sur le cordon.

Au dire les spécialistes, la zone apporte une grande quantité de sédiments. Pour restaurer ce cordon, un système de crayonnage est prévu afin d'atteindre, à terme, un rehaussement de près de 70 mètres. « Nous allons simplement installer des pièges à sable pour aider la nature à se reconstruire », expliquent les techniciens. Le sable étant abondant dans la zone, les experts estiment que, d'ici quelques années, un cordon dunaire suffisamment puissant se reformera naturellement et retrouvera pleinement sa fonction protectrice. Certaines espèces locales adaptées au littoral sont, pour cela, particulièrement mises en avant.

Pour la fixation biologique des digues, des espèces samophiles, capables de tolérer la salinité et la pauvreté en nutriments ont été plantées. Selon Mahfoud Taleb Sidi, directeur de l'Institut supérieur des sciences de la mer, ces plantes jouent un rôle essentiel : une fois établies, elles recréent les conditions nécessaires à l'installation d'autres espèces, permettant une recolonisation progressive et durable du milieu.

Des activités génératrices de revenus, un impact visible sur les communautés

Au cours de ce séjour, la délégation s'est rendue au sud et au nord de Nouakchott, notamment dans les communes de Riadh et Benichab, pour mesurer l'impact des financements octroyés aux femmes, aux jeunes et aux hommes dans le cadre des Agr.

Elle a pu constater, avec satisfaction, la réussite de nombreux projets : maraîchage, transformation agroalimentaire, et autres initiatives génératrices de revenus. Des champs de tomates, de gombo ou encore des dattiers ont vu le jour dans des zones particulièrement rudes, où l'accès à l'eau reste un luxe.

Cette visite s'est révélée riche d'enseignements, révélant la résilience et l'abnégation des bénéficiaires. Si ces derniers ont vivement salué l'appui de la structure, ils ont toutefois exprimé le souhait de bénéficier de moyens supplémentaires pour renforcer l'impact de leurs initiatives.

Aliyine Mohamed, présidente de l'association Elwieaw et de l'Action volontaire à Riadh, évoque les défis rencontrés : « Avec le changement climatique et une terre presque désertique, ce n'était pas facile. Mais grâce à l'appui reçu, nous avons pu réaliser de nombreuses choses : faire pousser de la papaye, de la mangue, de la carotte... Les ventes nous permettent d'obtenir un revenu. Nous sommes convaincues que nous atteindrons nos objectifs. Le travail est difficile, mais nous ne baissons pas les bras ».

À la mairie de Sebkha, le maire Ismaila Ba a remercié la structure pour le financement de plusieurs projets. Il a exprimé le souhait d'un partenariat dans la lutte contre les déchets plastiques, notamment à travers un projet de recyclage, et a plaidé pour un appui accru concernant l'approvisionnement en eau potable.

Le projet a permis d'obtenir des performances notables au bénéfice des populations 300 hectares d'écosystèmes naturels restaurés, dépassant l'objectif initial de 252 hectares, mise en place de comités locaux de planification et de gestion de la résilience côtière, 849 personnes, associations et coopératives formées dans le cadre du renforcement de capacités.

Ces résultats témoignent de l'efficacité des interventions et de l'engagement des acteurs locaux pour une résilience durable face aux défis climatiques et environnementaux.

Le port de Tanit, au coeur des engagements de Waca

À 65 kilomètres de Nouakchott, le port de Tanit s'impose comme un maillon essentiel de la pêche artisanale et industrielle en Mauritanie. Situé à seulement 30 km de l'aéroport, il bénéficie d'un emplacement stratégique sur l'axe international reliant l'Europe à l'Afrique, comme l'a rappelé Ahmed Mahmoud El Hacen, directeur de l'exploitation.

Le 13 novembre, une délégation du programme WACA a visité les installations dans le cadre d'une mission de presse visant à mieux comprendre les actions menées au niveau local.

Lors de cette rencontre, le responsable du port a exposé à la fois son potentiel et sa vulnérabilité. S'étendant sur un domaine portuaire de 429 hectares, le port de Tanit accueille environ 400 bateaux par an pour un volume annuel estimé à 14 000 tonnes de poissons. Il dispose notamment de deux pontons flottants de 50 mètres dédiés à la pêche artisanale. Son tirant d'eau est inférieur à cinq mètres.

Selon Ahmed El Hacen, « le port occupe une position unique. Il reçoit tout type de bateaux, à l'exception des congélateurs ». Il a également souligné la richesse halieutique de la zone et annoncé un projet d'extension du quai afin de renforcer les capacités du site.

Cependant, le port fait face à deux menaces majeures : l'ensablement et l'érosion côtière. « Sans action, la mer gagnera sur le continent », a-t-il alerté. Depuis l'exploitation du port en 2019, le sable aurait avancé de 500 mètres, tandis que la remontée des eaux fragilise la structure du quai. « L'ensablement peut affecter le terrain d'eau à l'avenir », prévient Ahmed El Hacen.

Il a par ailleurs sollicité l'appui de Waca mais aussi d'autres partenaires pour les aider à réaliser des études environnementales en vue de trouver des solutions afin de préserver les infrastructures portuaires, (fixation de dune, ou interventions plus larges).

Le programme WACA a d'ores et déjà installé une station météo destinée à renforcer la sécurité des marins.

De son côté, Mallé Diagana, coordonnateur régional de WACA-Bar, rappelle que ces phénomènes relèvent de la géomorphologie. Avant la construction du port, les sédiments circulaient naturellement. Désormais, leur blocage provoque un engraissement du littoral au nord et une érosion sévère au sud. Il a expliqué que plusieurs méthodes que sont entre autres, des opérations de pompage ou de dragage pour rééquilibrer les flux sédimentaires sont envisageables.

Au sujet que la station de météo, réalisé par sa structure, Il a également insisté sur la nécessité d'assurer la pérennité pour aider les marins de ce port.

La Mauritanie compte actuellement deux ports autonomes (Nouadhibou et Nouakchott) et deux ports de pêche, dont celui de Tanit. Un cinquième port est en cours de développement.

Toujours dans le cadre de la prospection des projets, le cap a été mis sur la Radio Mauritanie, qui abrite le projet de la Radio du Littoral. Cette station diffuse des informations en langues locales afin de sensibiliser les populations aux enjeux environnementaux, notamment à la protection des côtes.

Le Directeur général adjoint de Radio Mauritanie, Saadne a salué ce partenariat au service du développement durable, réaffirmant la volonté des acteurs médiatiques de poursuivre un travail professionnel plaçant le citoyen au coeur de leurs préoccupations.

Safietou Sall, spécialiste communication du Bureau d'Appui Régional d'Appui Régional waca Sénégal a, pour sa part, salué le remarquable travail mené par la Radio du Littoral, lancée en 2022 avec l'appui du WACA. « En un peu plus de deux ans, cette radio s'est imposée comme un véritable outil de proximité pour les communautés : plus de 100 émissions ont été produites en quatre langues nationales, permettant de toucher un public particulièrement large et diversifié ». Elle a également félicité Radio Mauritanie pour son engagement exemplaire.

La radio contribue ainsi à renforcer la résilience des familles et des villages, en leur donnant les clés pour anticiper, comprendre et agir. Selon elle, ce média constitue un appui stratégique : un espace où se rencontrent expertise et information fiable.

Avec le lancement de WACA Plus, l'ambition est désormais d'amplifier cette dynamique. « Nous souhaitons continuer d'accompagner la Radio du Littoral et élargir la sensibilisation à de nouvelles thématiques, telles que la pollution marine... », a-t-elle conclu.

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