À quelque six mois de l'élection présidentielle, le président Patrice Talon vient d'introduire une révision constitutionnelle votée ce 15 novembre 2025 par les 109 députés de l'Assemblée nationale, dominée par une écrasante majorité de 90 voix pour et 19 contre.
Cette révision constitutionnelle, faut-il le souligner, introduit une seconde chambre dans l'ordonnancement institutionnel avec la création d'un Sénat, et la prolongation de la durée du mandat du Président de la République, de l'Assemblée nationale et des exécutifs locaux, qui désormais passe de 5 à 7 ans.
L'opposition conteste avec une certaine incompréhension toute cette précipitation dans cette révision, alors que son mandat s'achève dans six mois au plus tard et qu'il n'est pas candidat à sa succession, l'ayant maintes fois affirmé et pris des actes dans ce sens.
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La question qu'on se pose est surtout de la conformité de cette décision vis-à-vis des dispositions de l'article 2 du protocole A/SP1/12/01, sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Cet art. 2 dispose : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d'une large majorité des acteurs politiques ».
Bien sûr, à l'état actuel où la CEDEAO bat de l'aile, il est clair que ceci ne saurait empêcher cette réforme de passer, dès lors que la mouvance présidentielle ( Union Progressiste pour le Renouveau et le Bloc Républicain) dispose d'une confortable assise parlementaire pour consolider « le legs » de Patrice Talon, qui, faut-il le rappeler, a pu organiser sa succession autour de cette mouvance présidentielle et de son candidat investi par celle-ci, en la personne de Romuald Wadagni, son actuel ministre des Finances.
En somme, Patrice Talon vient par cette révision constitutionnelle baliser la voie à son dauphin, après avoir écarté son plus sérieux challenger, Renaud Agbodjo, candidat du parti « Les Démocrates », de l'ancien président Yayi Boni.
Le timing en lui-même est révélateur de la stratégie de Patrice Talon pour conserver, avec les siens, le pouvoir sans coup férir. En effet, l'adoption par l'Assemblée nationale de cette révision constitutionnelle intervient quelques heures après la publication par la Cour constitutionnelle de la liste des candidats à la présidentielle d'avril prochain, et quelques jours après la défection de 6 députés « Les démocrates » de leur groupe parlementaire, suite à l'investiture/élimination du candidat Renaud Agbodjo.
Mieux par son contenu, la révision introduit une disposition supplémentaire, qui est loin d'être anodine. En effet, celle-ci dispose que « Tout député qui, par démission, cesse d'être membre de son parti l'ayant présenté à l'élection législative perd son mandat ».
Sous le bénéfice de cette disposition, qui n'est pas rétroactive, les ex-députés « Les démocrates », qui se présentent aujourd'hui en « indépendants » à l'Assemblée nationale, privent le groupe des démocrates de la minorité de blocage, qui aurait pu empêcher cette révision de passer sans bavure.
Patrice Talon réussit donc le coup important d'élargir son cercle autour de son candidat, en attendant l'avis de la Cour constitutionnelle qui, sauf extraordinaire, validera le texte.