Tunisie: JTC - Entre fado et saudade, « Amore » souffle une mélancolie ardente

TUNIS — Depuis toujours guidé par une vocation de questionner l'âme humaine et de faire vibrer les émotions collectives, le metteur en scène italien Pippo Delbono a présenté mardi soir au Théâtre des Régions, à la Cité de la Culture, son spectacle « Amore » aux 26e Journées théâtrales de Carthage (22-29 novembre 2025).

Présenté dans plusieurs pays occidentaux depuis 2022, ce spectacle explore le thème de l'amour à travers les pays lusophones et l'Italie, unis par des liens historiques, tissant ainsi un pont entre ces deux traditions musicales.

Né à Varazze en 1959, Delbono est comédien, auteur et metteur en scène reconnu pour ses créations mêlant théâtre, musique et performance. Son parcours artistique s'étend également au cinéma, avec des films comme « Guerra » (2003), consacré au conflit en Palestine et aux trajectoires humaines bouleversées par la guerre. Avec chaque projet, Delbono transforme la douleur et la fragilité en intensité émotionnelle, faisant de ses créations un partage intime et universel.

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Sélectionné à la 60ème Mostra de Venise, Guerra a été inspiré à Delbono lors de la tournée du spectacle du même nom dans les territoires palestiniens occupés. Dans ce film, l'auteur « ausculte avec un regard poétique et glaçant cette partie monde marquée par le chaos ».

Mardi soir, le Théâtre des Régions a été plongé dans un univers où le fado et la saudade deviennent le langage de l'amour et de la perte. Dans « Amore », les notes mélancoliques de Pedro Jóia et des chanteurs portugais, angolais et capverdiens servent de fil conducteur à une méditation sur l'amour, la douleur et la résilience. A travers ce voyage dans les cultures et les langues, la musique enveloppe la salle comme un souffle continu et résonne avec chaque geste sur scène.

La scénographie minimaliste, mais profondément symbolique, joue avec les contrastes de lumière et d'ombre. Un arbre nu trône au centre de la scène, appelé à se couvrir de fleurs au fil du spectacle, métaphore de la résilience et de la renaissance.

Les acteurs, par des gestes réduits mais chargés de sens, créent des tableaux vivants : les cheveux flottant dans le vent, des danses brèves qui évoquent tour à tour, la fête, la mort et l'intimité humaine, et des processions lentes qui rythment le récit sans parole.

Delbono alterne poésie et chant, déclame hors champ des textes de poètes disparus, à l'instar de l'Austro-hongrois-autrichien Rainer Maria Rilke, de la Portugaise Florbela Espanca, du Français Jacques Prévert ou du Brésilien Carlos Drummond de Andrade.

Les voix se mêlent aux notes du fado, et la chanteuse la mozambicaine Selma Uamusse interprète « Belina » ou « Belinda », rare chanson d'amour populaire angolaise, apportant un souffle poignant et universel, en faisant une métaphore poignante de l'amour et de la perte liés aux conflits. Chantée en Kimbundu, cette chanson interprétée par divers artistes était perçue dans les années 60 comme un acte révolutionnaire dans un pays marqué par l'esclavage et sous occupation portugaise (1575-1975).

Créé après les mois de confinement, « Amore » traduit la volonté de Delbono de faire du théâtre un lieu de partage et de consolation. Entre fado et saudade, musique et poésie, le spectacle invite le spectateur à ressentir l'amour dans toutes ses nuances et à se confronter à la fragilité et à la beauté de l'existence.

Parallèlement, Delbono poursuit son engagement au cinéma avec un nouveau film, Bobò, consacré à Vincenzo Cannavacciuolo, acteur napolitain sourd-muet et microcéphale devenu l'âme de ses spectacles. Présenté en avant-première en compétition au 43e Festival international du film de Turin, le documentaire illustre le lien unique et humain qui unissait Delbono à son interprète principal.

Lors d'une conférence de presse, le metteur en scène a déclaré : « Le secret de Bobò résidait dans le mystère qu'il portait en lui » (FFT 2025). Le film débutera sa tournée italienne à partir du 27 novembre, distribué par Luce Cinecittà, avec la présence de Delbono pour accompagner les projections de Bologne à Naples et Aversa, lieux marquants de sa relation avec Bobò.

Avec Amore, Pippo Delbono signe une oeuvre qui conjugue théâtre et musique, où le fado et la saudade deviennent instruments d'émotion, et où sa vocation de révélateur de l'âme humaine se manifeste pleinement. Chaque geste, chaque note et chaque souffle scénique transforme le théâtre en une expérience sensorielle, poétique et profondément humaine, laissant le spectateur suspendu longtemps après la tombée du rideau.

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